Qui suis-je ?

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Président de Lacroix Groupe Conseil à Montréal, une firme qui offre des services de consultation stratégique en gouvernance, l’auteur était jusqu'à tout récemment, Vice-président investissements au Fonds de Solidarité FTQ et Vice-président du chapitre québécois de l’IAS. **** Les chroniques qui apparaissent dans ce blog sont rédigées puis publiées dans le bulletin mensuel de l'Association des MBA du Québec. À noter qu'elles ne reflètent que l'opinion de l’auteur **** Vous pouvez également obtenir plus d'infos sur certains des services en gouvernance que Lacroix Groupe Conseil est en mesure de vous offrir en allant voir le site web à : http://www.lacroixconseil.com

jeudi 6 octobre 2011

Le CA et les réseaux sociaux

Voilà déjà 2 ans que je vous parlais dans cette chronique de l’arrivée du Web 2.0 et de ses impacts à anticiper sur la gestion des CA. Cette fois-ci, j’aimerais aborder le thème sous l’angle des réseaux sociaux et voir si on peut anticiper des enjeux de gouvernance. L’administrateur doit-il se préoccuper de cette tendance ou n’est-ce qu’une mode passagère ? Ces RS nous aideront-ils à prendre de meilleures décisions, plus rapidement ou encore avec de meilleurs impacts sur la productivité ?

COMMENT GÉREZ-VOUS CE NOUVEAU MONSTRE ?

Comme pour chaque élément important de la gestion de l’organisation, le CA doit se questionner sur sa stratégie à l’égard des RS, notamment sur :

La notoriété : Gérez-vous votre réputation et votre marque ? On constate que les dommages les plus rapides et importants sont ceux causés à la marque si une histoire à connotation négative, fondée ou non, capte l’attention du web. Que ce soit via une page Facebook qui critique l’entreprise, ses produits ou sa réputation, un site qui évalue vos pratiques RH (www.RateMyEmployer.com), ou un « Tweet » qui propage une bévue reprise sur le réseau, les avenues de dissémination sont nombreuses.

La confidentialité : Comment protégez-vous vos avantages concurrentiels et stratégies d’affaires ? Un employé peut-il divulguer des informations sur une acquisition ou contrat imminent, mettant ceux-ci en péril ? Que la fuite soit faite de façon consciente ou non, les dommages demeureront. À contrario, utilisez-vous les faiblesses de vos concurrents pour faire une « veille stratégique » et en apprendre davantage (à faible coût) sur leurs intentions ?

L’efficacité : Le fait que vos employés aient accès au web (via votre serveur ou leurs téléphones) à est-il un facteur positif ou, bien au contraire, un élément qui gruge le temps normalement consacré à la prestation de travail attendue. Il est facile pour presque tous de justifier sa présence sur le web en prétextant la recherche d’éléments liés à un dossier. Un employé peut passer des heures à interagir avec la communauté virtuelle à parler de l’entreprise, la question est : ce temps consacré sur internet à des fins plus ou moins productives fait-il partie de son mandat ? Et si non, comment réagir ?

La prudence : Qui sont ceux qui ont le mandat de représenter l’entreprise sur le web et quels sont les paramètres de leur conduite ? Comment distinguer : faits, rumeurs et opinions ? Comme les réseaux sociaux sur la toile serviront d’amplificateur, mieux vaut les harnacher à bon escient (si cela se peut).

VOTRE RÔLE AU CA

Comme pour le reste de votre mandat, afin de vous satisfaire que ces angles soient couverts, vous devrez poser des questions et entamer des discussions avec la direction. Tentez d’anticiper avec eux ces nouveaux risques et d’évaluer si, à votre avis, les contrôles en place vous permettent de croire que les situations évoquées seront non seulement rapidement identifiées, mais adressées et idéalement corrigées sans heurts ?

Incitez la direction à mettre en place ou à clarifier la politique de l’organisation sur l’usage par les employés des RS, des courriels et d’internet, de façon à circonscrire et gérer les risques. À cet égard, un récent article(1) d’Estelle Meteyer (Competia) ainsi que la chronique de Geoffroi Garon sur son blogue(2) détaillent les principaux éléments de réflexion à couvrir et réfèrent à des modèles existants et intéressants.

SUR UNE BASE PERSONNELLE

Dans vos propres interactions sur le web, assurez-vous de maintenir une cadre de valeurs pérennes telles : Transparence, respect, intégrité et qualité. Ne publiez pas les commentaires pour lesquels vous croyez que cela pourrait semer la controverse ou créer un imbroglio. Ma propre expérience m’a amené à rationaliser le tout comme suit : dans le doute, abstenez-vous de publier !

Comme pour plusieurs autres postes électifs, la mode est à la chasse aux scandales. On préfère éviter toute polémique en élisant des gens de peu de vécu, plutôt que de bénéficier de l’expérience d’individus ayant eu à confronter des situations ambigües (comme c’est généralement le cas en affaires). Je crois que nous ne sommes plus très loin des politiques qui viseront à exclure des administrateurs qui auront écrit des textes ou posé des gestes légaux (ex. : photos indécentes), mais incompatibles avec les valeurs de l’organisation afin de rester dans l’ombre.

[1] http://www.competia.com/when-social-media-matters-a-guide-to-the-board-of-directors-for-better-governance
[2] http://geoffroigaron.com/2010/01/actualite/gouvernance-et-politiques-dutilisation-des-medias-sociaux-dans-lentreprise

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#53 - Bulletin AMBAQ d'Octobre 2011

mardi 31 mai 2011

À TOUT PRIX ?

Cette dernière chronique de la saison se veut légère mais revendicatrice. En effet, bien qu’il s’agisse d’un sujet qui semble faire l’unanimité, je sens le besoin de considérer l’autre côté de la médaille pour une fois.

1. LE CONCEPT D’INDÉPENDANCE

Lorsqu’il s’agit de nommer un administrateur, le statut d’indépendant du candidat (en tant que concept) semble être un pré-requis essentiel. Il semble qu’il s’agisse là du critère numéro un pour plusieurs décideurs.

Alors comment expliquer que certains ténors se permettent d’émettre des doutes sur la nécessité et surtout, la valeur de ce pré-requis ? Ils sont en effet plusieurs à avoir évoqué que l’absence quasi-totale de liens d’affaires avec l’entreprise rendait l’administrateur tellement détaché de celle-ci, qu’il en venait à perdre sa crédibilité face au PDG et son équipe et sa pertinence face à l’organisation.

Il faut se rappeler qu’à la base du concept d’indépendance, celle-ci est requise afin de prévenir le conflit d’intérêts. Le problème réside dans le fait que l’apparence de conflit est souvent aussi dommageable que son existence même. Il est presqu’impossible pour des tiers peu informés de ne pas le présumer quand les joueurs sont très proches. Rappelons-nous également que l’indépendance est tout d’abord un état d’esprit qui n’est en rien assuré par la simple absence de liens financiers.

Si on croit que le rôle du CA n’est pas la recherche de la position neutre qui est rarement à l’avantage de l’organisation, mais bien des avis éclairé, on est en droit de se demander si un administrateur peut être partial, mais sans être biaisé ? Et si ce dernier peut le faire sans « sembler être » en conflit d’intérêt.

Dans un blogue récent, un ami éthicien s’exprimait ainsi sur le concept : On ne doit pas chercher des administrateurs impartiaux au sens de neutres (sans parti-pris) mais bien ceux qui sont capables de prendre des positions claires, fondées sur leurs expertises et qui prennent le parti de l’organisation, mais sans biais ou influences néfastes pour celle-ci.

2. CONFLIT OU COMMUNAUTÉ D’INTÉRÊT ?

Quand peut-on parfois parler de communauté d’intérêts sans tomber dans le conflit ? Lorsque deux parties (un CA ou son organisation et un administrateur) se joignent, peut-on distinguer l’objectif commun (ou la finalité) valable qui est clairement affiché, de ce qui « semble l’être » ? Cette apparence de conflit qui, de façon voilée, laisse présumer une finalité différente (favorisant un intérêt particulier, autre que celui de l’organisation).

C’est cette difficulté qui fait en sorte que l’on met tout les cas dans le même bateau, le mauvais et le peut-être bon. Personne ne veut être pointé du doigt comme ayant permis une telle situation de se produire. Mais souvent, on procédera ainsi au détriment d’un potentiel de création de valeur supérieur, compte tenu de l’expertise et la connaissance plus étendue du non-indépendant.

3. ÇA SE GÈRE ?

Dans une discussion récente avec M. Villemure sur comment gérer communauté et conflit d’intérêts, celui-ci m’a donné sa recette, qu’il a résumée comme suit :

- le conflit d’intérêts est à bannir
- l’apparence de conflit d’intérêts est à dissiper
- la communauté d’intérêts est à favoriser

Peut-on réserver une portion des sièges du CA à de telles personnes ? Peut-on dans un monde réglementé au maximum comme celui des conseils, appliquer une telle mécanique et apprendre à se servir de son jugement et ce, sans risquer de contrecoups à postériori ? Poser la question c’est un peu y répondre. La présence d’un risque à impact important prend habituellement précédence sur un gain potentiel (en termes de création de valeur), même important.

Pour conclure, arrivera-t-on un jour à faire preuve d’un peu plus de discernement, et ce légitimement, pour s’adjoindre des gens plus crédibles, utiles et connaissants des nombreux enjeux auxquels le conseil, la direction et la compagnie font face ? N’est-ce pas là un piège lié à l’usage des bonnes pratiques sur lequel on aurait intérêt à se questionner un peu plus ?

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#52 - Bulletin AMBAQ de Mai 2011

dimanche 3 avril 2011

LA GESTION DES RISQUES

1. DES EXEMPLES QUI FRAPPENT

Spécial catastrophe ou simple malheur ! Ce ne sont pas les exemples d’évènements inusités qui manquent. Quelles que soient les causes, il existe des situations incontrôlables qui viendront probablement vous hanter un jour et ce, au moment ou vous vous en attendrez le moins. Les crises du H1N1 et du SRAS, ou encore celles causées lors d’un verglas, d’une panne informatique ou d’une marée noire, n’en sont que des exemples. Imaginez les impacts sur votre organisation si par malheur, vous œuvrez dans l’un des secteurs touchés par ces situations.

Les attentes vis-à-vis de votre organisation sont d’être en mesure d’expliquer comment vous gérez vos risques face à ces situations et ce, à un niveau acceptable. Bien que la gestion traditionnelle des risques a pour objectif de réduire l’écart entre les résultats prévus et les résultats réels, une mesure des risques plus étendue s’impose; que ce soit pour satisfaire aux nouvelles exigences réglementaires ou pour améliorer la performance de vos gestionnaires et la confiance des parties prenantes envers vous.


2. L’APPÉTIT POUR LE RISQUE

La gestion intégrée des risques organisationnels (« GIR ») est un outil qui va de pair avec le processus de planification stratégique; elle est en support au processus de prise des décisions dans le but d’obtenir une meilleure performance. En plus de permettre au CA de mieux hiérarchiser ses décisions d'affaires, elle aidera à :

• Comprendre les problèmes opérationnels
• Optimiser l’utilisation des ressources et améliorer le rendement
• Prendre des risques pour les bonnes opportunités d’affaires
• Intégrer les risques sociaux et politiques dans la prise de décision
• Allouer les ressources et le capital pour faire face aux risques et gérer la continuité

Pour ma part, j’estime que le CA devrait d’abord être en mesure de comprendre et de déterminer l’appétit pour le risque de leurs actionnaires (pris dans un ensemble) et de déterminer ce qui est « acceptable en moyenne » pour eux. Cette mesure, bien qu’imparfaite du niveau de risque acceptable, agirait comme un filtre dans le processus décisionnel utilisé pour établir les objectifs stratégiques de l’organisation et la profitabilité espérée des initiatives et projets.

Mais mon expérience personnelle indique que très peu de CA et d’administrateurs procèdent à une telle démarche, et que de tenter de les convaincre d’en initier une, s’avèrera une tâche ardue.

De façon générale, les administrateurs se servent plutôt de leurs expériences personnelles pour baliser et établir le niveau de confort de l’organisation qu’ils considèrent devoir respecter. Ils y arriveront généralement en procédant à un exercice avec la direction visant l’établissement pour l’entreprise des :

• Compétences à l’interne
• Avantages concurrentiels
• Culture et niveau d’agressivité de l’équipe
• Environnement commercial

Une fois les réponses obtenues et analysées, on doit composer l’équation « risque vs rendement » applicable à l’entreprise et établir le :

• Rendement visé (par projet, actifs, capital,…)
• Niveau de capital que l’on peut risquer (par an, projet,..)
• Plan d’action en GIR

La direction pourra ensuite compléter son plan stratégique et mettre en place des orientations et initiatives qui permettront d’éviter la prise de risques indus, tout en maximisant les opportunités de création de valeur.

3. LA GESTION DES RISQUES

Le but du système de GIR est de protéger, créer ou améliorer la valeur pour l’actionnaire notamment en gérant les incertitudes qui pourraient avoir une incidence négative sur l’atteinte des objectifs. Conséquemment, l’ensemble des sources de risque doit être identifié, évalué et géré. Pour y arriver, on utilisera un processus de GIR qui comporte les étapes suivantes :

1. Détermination des événements
2. Évaluation des risques
3. Réaction aux risques
4. Activité de contrôles
5. Information, communication et suivi

Si un risque est défini comme un événement interne ou externe, des actions ou des inactions qui peuvent affecter de manière défavorable l’atteinte des objectifs d’un secteur, d’un projet ou d’un programme, il se caractérise par :

sa source (le comportement inadéquat d’un concurrent) ;
ce qu’il affecte dans l’organisation (actifs financiers ou matériels); et
sa sévérité (coûts en $).

Ces trois éléments mesurant la vulnérabilité de l’organisation au risque en question et ce, de façon qualitative et quantitative. La majorité des organisations qui optent pour une saine gestion de risques, identifient leurs risques en dressant une liste complète des risques les plus pertinents et les classent par catégories de risques préétablies. Il existe plusieurs référentiels reconnus qui sont mis en œuvre dans les organisations. Ceux-ci possèdent les mêmes grandes composantes mais leur approche et méthodologie diffèrent. Les cadres de référence ERM de COSO, ISO 31000, Cobit sont les plus utilisés dans l’industrie et permettent de classer les risques selon quelques grandes catégories, notamment :

stratégiques : liés aux choix de stratégies et objectifs
opérationnels : liés à la réduction de valeur d’actifs ou la création de passifs
informationnels : liés à la fiabilité des systèmes et l’exactitude des données
de non-conformité : liés à la communication des lois, des règlements, des codes internes de comportement et des exigences contractuelles

4. COMMENT ANTICIPER

Lorsqu’on procède a un diagnostic de la situation, on devra s’interroger à savoir si :

• La haute direction et le personnel connaissent les risques importants de l’entreprise
• Le CA en est conscient et saisi (via une étude, analyse, rapport)
• L’information disponible permet de prendre des décisions judicieuses sur la GIR



Pour déterminer à quoi s’attaquer en premier, on mesurera généralement chacun des risques répertoriés en évaluant à la fois la probabilité d’un écart par rapport aux objectifs d’affaires et la gravité d’un tel impact, si l’écart se produit.

Mesure du risque = Probabilité X Impact

On utilisera des outils disponibles pour relativiser chacun des risques d’affaires identifiés (ex : de très faible à très élevé) en analysant et quantifiant les causes. Basé sur ces réponses, on identifiera le type de réponse appropriée à la situation et les ressources à y consacrer (en fonction de la cote du risque).


5. COMMENT MITIGER CES RISQUES

Au-delà des gestes réactifs en réponse à son environnement, le gestionnaire proactif voudra, après avoir anticipé les situations à risque, analyser les options qui s’offrent à lui et planifier des actions pour les mitiger. La direction dispose généralement des options suivantes :

1. les transférer par contrat à un tiers qui dispose de ressources financières suffisantes (assureur, client, fournisseur, partenaire,...). Il n’en demeure pas moins que l’organisation est toujours responsable des risques qu’elle transfère.

2. les assumer, mais les gérer, via des techniques de contrôle de pertes, telles :

Acceptation (on ne fait rien pour réduire la probabilité et les conséquences)
Évitement (on abandonne ce secteur d’activités)
Prévention (on empêche le risque de survenir)
Réduction ou atténuation (on s’améliore pour réduire le risque)
Ségrégation (on opère ce secteur sur un site distinct)
Partage (on sépare une portion du risque)

Pour y arriver, on utilisera des activités de contrôle, manuelles ou automatisées, pour atténuer les risques telles que :

• des examens en profondeur
• une gestion opérationnelle et des activités directes
• la séparation des tâches
• l’application de contrôles physiques
• le traitement de l’information, et
• l’élaboration d’indicateurs de performance

Par la suite, il devra accorder suffisamment d’attention au suivi des risques identifiés (et à leur évolution) en mettant en place un processus de suivi récurrent.

EN CONCLUSION, QUELQUES CONSEILS

Est-ce qu’une approche structurée de GIR est requise pour assurer votre succès ? Il est clair que l’importance d’avoir un cadre de gestion des risques d’affaires s’est considérablement accrue au fil des années. La prise en compte des risques au plus haut niveau est devenue essentielle et ce, quelle que soit la taille de votre entreprise. Les PDG font face à une pression accrue de leurs CA pour identifier tous les risques d’affaires importants et expliquer comment ils gèrent ces risques, pour les maintenir à un niveau acceptable (ou établi).

En tant qu’administrateur, la question à vous poser est la suivante : « A t’on fait tout en notre pouvoir pour identifier, évaluer et contrôler les risques auxquels l’organisation fait face dans ses opérations? ». Dans la mesure du possible, il vous faut favoriser le développement d’une culture organisationnelle en mode « prévention » plutôt que de « détection », une approche qui visera à protéger les actifs, la réputation et l’image de l’organisation. Une fois opérationnel et efficace, le processus de GIR accroîtra votre niveau de confiance et pourrait aider à tempérer certaines ardeurs basées sur une vision parfois très court-terme.

Une organisation qui comprend clairement tous les risques auxquels elle est exposée peut prendre les mesures appropriées pour réduire ses pertes (ou risques) et saisir les opportunités d’affaires existantes. Elle peut ainsi s’assurer de rester dans la zone de confort établie (ou calculée) pour ses actionnaires dans le déploiement et l’accomplissement de son plan stratégique. À contrario, certains diront qu’on a déjà trop de contrôles en place et que l’exercice contribue à la réduction de l’efficacité et génère parfois une aversion aux risques d’affaires… Un collègue m’a confié qu’à son avis « les efforts mis sur la conformité et le contrôle font manquer des opportunités d’affaires... ».

Alors comme pour toute bonne chose, tout est dans l’équilibre, dans le cas présent, de l’équation risque versus rendement.

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#51 - Bulletin AMBAQ de Mars 2011

mardi 11 janvier 2011

LE HUIS CLOS DU CONSEIL

L’ORIGINE

Ne vous en faites pas trop si vous n’êtes pas très familier avec le concept de session in-camera ou de huis clos, vous n’êtes pas seuls à vous demander pourquoi et comment ?

Que ce soit dans sa forme française où le mot « huis », dérivé de huisserie, prend le sens de porte (close), ou celui de « camera » qui, dans sa racine latine, nous amène au concept de chambre (close), ces expressions signifient une audience pour laquelle on ressent le besoin d’exclure certains membres qui la constitue habituellement.

Ainsi, que ce soit dans sa forme judiciaire où le public est exclu d’un procès, ou celle d’une assemblée de conseil municipal où les citoyens sont exclus des débats, on parlera de huis clos lorsque le groupe de décideurs permet d’exclure ces parties prenantes afin de garder une partie des débats (ou l’ensemble) à l’abri des regards et du jugement des autres, pour en optimiser le rôle.

Je ne tenterai pas de décrire l’ensemble des bonnes manières liées à la tenue d’une session in-camera visant à exclure le public, mais plutôt me contenter de circonscrire en quoi consiste la bonne pratique qui permet de tenir un débat privé et non décisionnel (« closed session ») entre certains des administrateurs à la fin d’un conseil.

LE CONTEXTE

Comme le CA et ses comités ont pour objectif de superviser la gestion effectuée par l’équipe de direction en place, il peut s’avérer difficile d’aborder franchement en conseil certains sujets en leur présence, surtout lorsqu’ils les visent ou concernent leurs performances. On trouve plusieurs références à cette pratique visant à tenir une session à la fin des CA avec seulement les administrateurs externes indépendants afin de leur offrir l’occasion de parler entre eux d’éléments plus sensibles. Par contre, on retrouve très peu de matériel sur la marche à suivre lors de la tenue d’une telle session.

Dans un contexte de gouvernance, comme l’objectif est essentiellement de leur permettre de mieux remplir leur rôle, il m’apparaît préférable de considérer les éléments suivants :

• les sujets discutés le sont pour information, questions et discussions seulement et la session n’est pas décisionnelle. Si on prend une décision (bien qu’il ne s’agit alors que d’une intention), on doit la formaliser en la reprenant au sein d’un CA
• bien que certaines notes puissent être prises par le Président du CA (« PdC ») ou l’administrateur principal (« lead director ») qui assume ce rôle lorsque le PdC n’est pas indépendant, étant donné qu’aucune décision n’y est prise, il n’est pas requis de tenir des minutes. Si on décide d’en écrire, elles sont conservées séparément par le PdC aussi longtemps que la confidentialité est pertinente
• c’est le rôle du PdC de transmettre rapidement au PDG les principales conclusions convenues lors de la session et ce, afin que l’équipe de direction puisse faire rapidement les arrimages requis
• le huis clos est un outil qui, bien utilisé, permet de ventiler des frustrations qui risquent de s’amplifier ou de dégénérer si non adressées, mais il ne doit pas devenir aux yeux du management, une arme utilisée contre eux

LE PROCESSUS

Parmi les éléments à considérer pour la bonne marche d’une session à huis clos, on pourrait inclure :

• mettre la session à l’agenda de chaque conseil
• prévoir +/- 10 minutes, généralement en fin de session (bien que certains préfèrent au début), évitant aux autres à devoir revenir pour clore le CA
• considérer la possibilité que le PDG soit présent en début de session pour passer certains messages sur son équipe
• seuls les administrateurs et observateurs sans lien avec la direction siègent à la session
• considérer la possibilité d’avoir des invités ou experts (comme au CA)
• il n’y a pas vraiment de quorum (dans la mesure où celui du CA était atteint)
• une session gagne à être tenue à la fin des réunions de comités, selon la même procédure
• considérer la possibilité de tenir la session une fois que le CA terminé, donc non sujet à la procédure

Mais de quoi discute-t-on dans une telle session ? Qui amène les sujets ? Après quelques huis clos, les administrateurs externes s’habituent à retenir certains éléments et questionnements pour être discutés dans un tel contexte. La liste des sujets propices à une discussion inclut notamment :

• la relation avec l’équipe de direction et surtout le PDG
• la qualité ou la quantité de l’information fournie, le niveau de transparence et d’attentes
• la performance du CA, des comités, des administrateurs ou de l’équipe de direction
• la rémunération du PDG (à un moment différent de l’évaluation de sa performance)
• les sujets à aborder dans le futur et la préparation requise
• le développement du CA et le recrutement de nouveaux membres
• tout litige potentiel impliquant la direction ou un individu lié au CA
• tout sujet pour lequel un administrateur est inconfortable d’en discuter en conseil

Souvent pour les entreprises familiales, la composition de l’équipe de direction reflète la nature de son actionnariat et de son conseil. Comment doit-on alors traiter les administrateurs provenant de la famille ? À mon avis, dans un tel cas on est en droit de supposer que la règle qui stipule que : « seuls les administrateurs sans lien avec la direction demeurent », s’applique.

EN CONCLUSION

Il m’apparaît essentiel, premièrement, de ne pas tenter de transposer à un CA le sens juridique du huis clos, soit celui où l’assemblée demeure décisionnelle mais avec moins d’audience. Deuxièmement, de ne pas confondre ce concept, utile en contexte de gouvernance, avec celui de l’exclusion pour cause de conflit d’intérêts. À mon avis, le huis clos vise à permettre un débat franc et ouvert sur divers sujets hors la présence de ceux qui ont généré l’information ou les actions, tandis que le second cas permet d’exclure d’un débat une personne qui ne doit pas voter sur un sujet, car potentiellement en conflit avec l’organisation. Un confrère me faisait remarquer l’importance pour le PdC de s'assurer, lorsque cette procédure est mise en place pour la première fois, que les commentaires transmis au PDG seront «positifs», car trop souvent, la perception de la direction est que ces sessions ne servent qu'à critiquer. Un autre sur l’importance de mettre en place le processus quand ça va bien, pour éviter qu’on se rabatte sur ce qui va mal dès le départ.

Le fait de tenir une session in-camera à chaque CA, que l’on ait des félicitations ou récriminations à faire ou pas, permet de réduire l’importance qu’y accorde la direction (par opposition à la tenue d’une session uniquement lorsque la tension monte). La session doit demeurer un outil d’amélioration pour laquelle la direction démontre de l’intérêt, et non de la « nervosité ».

Il m’apparaît plus important d’avoir une procédure à suivre (même simple) relativement à la tenue d’un huis clos, que d’en avoir une qui serait commune d’un CA à un autre.

Finalement, le rôle actif du PdC dans la gestion de ce processus est essentiel pour en assurer un fonctionnement efficace et contributif de valeur pour l’organisation.

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#50 - Bulletin AMBAQ de Janvier 2011

mercredi 20 octobre 2010

NUCLÉAIRE VERSUS GOUVERNANCE

Pour aller avec le dernier numéro du bulletin de l'AMBAQ qui porte sur le nucléaire (probablement qu’il se veut explosif), je me suis dit qu’il serait amusant de faire une analyse comparative, légère et absolument non scientifique de cette industrie avec celle de la gouvernance.

Des similitudes

Dans les deux cas :

• Il y a une certaine vogue pour mettre en route de nouvelles centrales nucléaires ainsi que de mettre sur pied plusieurs nouveaux CA
• Ils jonglent avec le concept "très actuel" de responsabilité sociale
• Leurs opérations vous amènent au cœur de la chose
• Leur fonctionnement est méconnu du grand public et cette méconnaissance rend leurs processus épeurant
• Ils requièrent des tableaux de bord sophistiqués, mais lorsque mal gérés, les décisions prises peuvent s’avérer dangereuses et avoir des conséquences néfastes
• Notre gouvernement fédéral n’a ménagé ni le PDG de « Droits et Démocraties » ni celle de la « Commission canadienne de sécurité nucléaire ». On semble y manquer aussi fréquemment de bonne gouvernance, que d’isotopes radioactifs…
• La plupart du temps on porte un « suit » sur la job
• Il est difficile de vendre l’adhésion au concept au grand public qui demeure sceptique

Des différences

• La popularité de la gouvernance semble être à la hausse, tandis que celle des armes nucléaires est en forte baisse
• Seul le nucléaire est supposé être dangereux pour la santé, la sécurité et l’intégrité physique, bien que…
• On ne porte pas de détecteurs de radiation lors d’un CA
• Il y a rarement de démonstration dans la rue pour protester contre la mise sur pied d’un CA ou de campagne contre la bonne gouvernance
• Si on s’entend pour dire que la bonne gouvernance à toujours sa place, il en va autrement de l’énergie nucléaire

Les essentiels

Si vous siégez sur un conseil qui a un lien, même menu, avec le nucléaire, il y a certains volets de la gestion des risques sur lesquels vous devriez porter une attention particulière, notamment :

• L’opinion publique (envers la marque) et son impact sur la capacité de l’entreprise à se développer et demeurer pérenne
• Mettez en évidence vos efforts portant sur les volets éthique et contrôle
• Tout le volet SST et particulièrement celui lié à l’intégrité physique de vos employés et partenaires d’affaires
• La gestion des déchets et autres résidus issus de vos opérations
• Les éléments inattendus si votre entreprise opère dans des pays où l’on retrouve corruption, extrémisme ou des situations de guerre (réelles ou appréhendées)

Et si vous avez d’autres éléments à suggérer, n’hésitez pas d’aller les inscrire à la suite de la chronique sur ce blogue, mais soyez pas trop sérieux…

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#49 - Bulletin AMBAQ de Novembre 2010

mercredi 8 septembre 2010

LES “RUSTRES” ET LES RUSSES

Notre fierté nationale (RIM)

Alors que les usagers de BlackBerry de par le monde craignent la perte de leur précieux signal, ici, on a parfois l’impression d’en avoir trop.

Qui d’entre nous n’a pas été confronté à un interlocuteur qui semblait tout à coup absent de la conversation afin de porter son regard sur son BB (ou autre appareil dit « intelligent »). Moi… jamais je ne ferais ça !

Sur l’usage du BlackBerry

Évidemment que cela peut paraître impoli si cela survient au resto avec une connaissance intime, mais qu’en est-il lorsque quelqu’un vous ignore de cette façon durant une réunion d’équipe, une présentation à des clients, où encore, un des sujets de la présente chronique, lors d’un conseil d’administration ? Le geste revêt alors une signification beaucoup plus importante :

• Suis-je à ce point inintéressant ?
• Est-il fermé à mes idées ou bien sont-elles mauvaises ?
• A-t-il d’autres préoccupations plus importantes que ce qui est sur la table (pourtant important pour moi et l’organisation) ? Et surtout,
• Est-ce qu’il prend son rôle d’administrateur au sérieux ?

Dans tous les cas, cela peut s’avérer difficile à gérer pour ceux qui entourent le vagabond spirituel.

Doit-on tenter de les régir par BBB ?

Comme il s’agit ici d’une nouvelle technologie, l’étiquette et les tendances lourdes n’ont pas encore eu le temps de formaliser une règle acceptée de tous. À l’exception de regards outrés et d’interventions de type : « Bon, là on ferme tous nos BB pour 1 heure ! », les règles à suivre à ce propos demeurent imprécises ou du moins, variables selon les groupes.

À mon avis, le désir individuel de garder le contact avec le monde extérieur à jusqu’ici primé sur le besoin collectif de capturer l’attention de tous durant quelques heures. Rien n’empêche que plusieurs bonnes raisons militent en faveur d’un « BB Black-out » lors de la tenue d’un CA :

• Temps de qualité limité
• Facteur disruptif de la dynamique de groupe
• Générateur potentiel de conflits interpersonnels
• Perte d’attention du concerné sur les sujets discutés
• Absorption inégale par les administrateurs des informations transmises

J’ai pris l’habitude de suggérer à mes collègues des « règles du jeu » qui précisent notamment d’utiliser les technologies de façon à demeurer présent, et ce, sans déranger les autres. Mais est-ce suffisant ? À partir de quand doit-on arrêter une présentation pour s’assurer que tous sont attentifs et à l’écoute du débat en cours ?

Comment sévir lorsque requis sans s’aliéner personne ? Je demeure un partisan de la ligne douce, celle où l’on en parle discrètement après coup avec le « délinquant » pour tenter d’éviter que cela ne se répète. J’imagine que lorsque certains individus dépassent les limites du convenable, une intervention publique du président du conseil pourrait s’avérer nécessaire, mais à quel prix ?

Notre partenaire international (Russie)

Difficile de parler d’un pays ou je ne suis jamais allé et avec lequel je n’ai eu que des interactions au second degré sur certains CA, mais quelques recherches web permettent de dénicher des études sérieuses sur l’état de la gouvernance en Russie et son évolution.

On y constate que l’introduction en 2002 par les autorités des marchés financiers russes(1) d’un code de gouvernance de type volontaire (« comply or explain »), enchâssé dans un cadre législatif s’apparentant parfois à un mode anglo-saxon, mais combiné avec certaines pratiques (celles des « two-tier board ») en usage dans les pays d’Europe continentale, a généré une gouvernance du genre : démocratie dictatoriale. Bien que les lois changent, il ne semble pas en être de même pour ce qui est du comportement des corporations et des hauts dirigeants. La corruption, le manque de transparence et la facilité avec laquelle les entreprises bafouent les droits de leurs actionnaires minoritaires illustrent le climat auquel sont confrontées les sociétés en quête d’une bonne gouvernance.

Un sommaire comparatif de l’état de la gouvernance au sein de divers pays et préparé en 2007(2) relève 3 zones de problèmes qui affligent les administrateurs de sociétés russes qui tentent de remplir leurs rôles :

i. Le manque de transparence (quant à la propriété et la divulgation financière)
ii. La faible application des lois en général et la difficulté de les faire respecter
iii. Le manque de confiance (« trust ») entre les intervenants

Mais de fortes pressions s’exercent pour que ces pratiques changent, notamment des agences de notation internationales qui réclament plus de transparence et les investisseurs institutionnels qui exigent le respect des droits des minoritaires, à défaut de quoi, ils iront investir ailleurs. Le gouvernement quant à lui travaille à réduire le niveau de corruption qui y est systémique.

Un autre type d’éclairage est apporté par un sondage effectué en Russie(3). Questionnés sur les pratiques d’affaires et la culture managériale prévalant au sein des CA en Russie, plusieurs étaient d’avis qu’il y a encore plusieurs failles à améliorer avant d’atteindre ce qui pourrait s’apparenter aux standards de l’ouest (ou nord-américains), notamment :

• L’encadrement légal et les normes comptables moins propices aux sociétés et leurs conseils
• La faible imputabilité des gestionnaires face aux actionnaires
• Une hiérarchie forte et centralisée et la quasi-absence de délégation d’autorité
• La négligence « volontaire » face aux obligations contractuelles
• Le niveau d’agressivité relatif de l’environnement d’affaires russe

Tous semblent également s’entendre pour dire que la récente crise économique a grandement ralenti l’évolution en cours en termes de bonnes pratiques de gouvernance. Ce freinage étant attribué à l’accès réduit aux capitaux étrangers et la conséquente réduction des incitatifs liés à l’adoption de standards internationaux qui l’accompagnait.

Un ami à moi(4) qui y travaille à l’occasion me disait qu’on « reconnait de plus en plus que bonne gouvernance et transparence contribuent à accroître la valeur de l'entreprise, d’où la tendance à recruter des administrateurs indépendants, parfois non-russes, et d'élaborer et communiquer publiquement ses principes de gouvernance. Cependant, on retrouve encore au sein des CA des sous-groupes plutôt hermétiques qui détiennent le vrai pouvoir décisionnaire. Finalement, de pouvoir s'incorporer dans plusieurs juridictions provinciales (« oblasts ») crée des opportunités pour dissimuler les décisions aux actionnaires ».

Les gens d’affaires désireux de profiter de ce vaste nouveau marché devront donc continuer à composer avec une justice à géométrie variable et espérer que les astres se réaligneront bientôt pour relancer la tendance.

(1) : Principles of Corporate Governance, Russia, juin 2010, eStandardsForum.com
(2) : Governance Lexicon, sept 2007, SpencerStuart
(3) : Modern Corporate Governance in Russia as Seen by Businessmen & Experts, sept 2010, National Council on Corporate Governance
(4) : Piers A. Cumberlege, Straightview, Chairman Emeritus “Canada Eurasia Russia Bussiness Association”


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#48 - Bulletin AMBAQ de Septembre-Octobre 2010

vendredi 4 juin 2010

“SPEED DATING” et Gouvernance

Décidemment, on n’arrête pas le progrès. Lorsque j’ai reçu l’invitation de l’Institut des Administrateurs de Sociétés (« IAS ») au printemps dernier pour participer à une activité de réseautage initié par son Président Jean La Couture et réservée aux membres, j’ai eu une petite réaction épidermique, suivie d’un gros oufff…! Du « speed dating » pour administrateurs ? Je n’étais pas vraiment certain qu’ils visaient le bon public, mais une fois l’effet de surprise estompé, je me suis dit, et pourquoi pas !

Formule connue

Soirée conçue de façon informelle, les 80 membres présents étaient conviés, après un cocktail, à prendre place à l’une des tables (huit personnes par table, incluant un animateur) et à échanger à tour de rôle selon le déroulement suivant :
• se présenter, présenter son entreprise et les conseils où on siège
• identifier ses plus grands défis (au travail ou au sein des conseils)
• parler de ses attentes par rapport à l’IAS en termes de nomination à des conseils, de formation, d’appui ou d'autres activités
• le tout en 8 minutes, la gouvernance en version ascenseur allongée

Pour le dessert, tout le monde changeait de table, pour faire un autre tour avec 7 nouveaux visages. On pouvait voir que les gens prenaient un intérêt réel à écouter et comprendre les enjeux et attentes de tout un chacun.

Intérêt d’une telle soirée

Toutes les activités de ce genre ne sont pas équivalentes. Celle-ci m’a donné l’opportunité de mieux connaître une dizaine de personnes (on connaissait tous déjà quelques convives) potentiellement invitées à siéger à mes côtés dans un futur rapproché. Au-delà d’apprendre à connaître les goûts et désirs d’un individu, l’expérience a permis d’associer des expertises et expériences aux profils de compétence de ces administrateurs. On en arrive aussi à juger de la capacité des individus de s’adapter à une situation inusitée et à présenter leur « offre de service » de façon succincte.

Honnêtement, en dehors d’un contexte de head-hunters et avec un tel objectif avoué (connaître et se faire connaître), je n’aurais pas crû la chose possible. Mais comme l’invitation l’avait annoncé : « Ça, c’est du réseautage de qualité ».

Quelques perles

Ci-dessous, d’une perspective d’administrateur et évidemment enrobés de discussions des plus intéressantes, voici quelques-uns des enjeux et défis glanés au cours des discussions entre convives :
• Le rôle d’administrateur au sein d’un CA sous joug familial
• Comprendre la gouvernance des CA transfrontaliers
• Se garder à jour avec les nouvelles exigences réglementaires (IFRS, ACVM, …)
• La gestion des attentes court-terme (et celles démesurées des investisseurs institutionnels en capitaux de risque)
• Mettre en place une bonne gouvernance pour des filiales
• Soulever les vrais enjeux, sans être ostracisé
• Expliquer ce qu’est la bonne gouvernance, et ce que ce n’est pas
• Comment être « relevant » dans mes interactions avec un conseil
• Recruter des administrateurs appropriés aux circonstances (surtout PME)
• Comment expliquer aux « old boys » la valeur de diversifier la composition de leurs conseils d’administration (lire : intégrer des nouveaux, dont moi…)

À refaire ?

Je dis souvent qu’il n’y a pas de mauvais administrateurs, mais seulement des contextes où ils ne devraient pas siéger; il est donc essentiel d’en savoir assez sur eux pour pouvoir procéder aux bons appariements.

À mon avis, une telle rencontre comblait plusieurs de mes besoins organisationnels :
• Identifier des candidats administrateurs (j’ai même pris des pages de notes manuscrites sur plusieurs d’entre eux)
• Connaître leurs compétences et comprendre les contextes où ils seraient à l’aise
• Me faire connaître comme administrateur de société
• Faire connaitre les services offerts par ma firme en gouvernance
• Indiquer à l’IAS ce que j’aimerais qu’elle fasse de plus pour ses membres

Joindre l’utile à l’agréable est toujours intéressant et cette soirée en fut une preuve de plus. Il ne reste qu’à espérer que l’activité soit répétée l’an prochain, et à dire un gros merci à M. Jacques Ménard, président du conseil de BMO Nesbitt Burns et président de BMO Groupe financier qui a gracieusement offert d’héberger l’évènement.


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#47 - Bulletin AMBAQ de Juin-Juillet 2010

samedi 10 avril 2010

Les 7 péchés capitaux

En quête d’un sujet pertinent lors du récent congé Pascal, l’occasion de faire une analogie avec une croyance religieuse était trop forte, je me suis donc demandé : quelles sont les pires fautes que peut commettre un individu siégeant à titre d’administrateur ? Nos administrateurs contemporains sont-ils confrontés aux mêmes tentations que l’homme original ? À voir. Les voici donc en ordre alphabétique :

L’absence


Lorsque l’on recrute un administrateur, un des critères incontournables à valider est la disponibilité. Mais bonne volonté et beaux discours ne sont pas garants de participation. Que l’absence soit physique ou mentale, en vertu de la jurisprudence actuelle, l’administrateur non impliqué commet la pire des fautes : le défaut d’agir. L’erreur est humaine et pardonnable (et c’est bien ainsi), mais de ne pas participer alors qu’on y est tenu (que ce soit en combattant ou en cautionnant), est répréhensible.

L’aveuglement

Quand on ne sait pas où on va, tous les chemins y mènent ! Un manque de vision des administrateurs (et de ses dirigeants) fera en sorte qu’au mieux, l’entreprise stagnera à un certain niveau et au pire, son éparpillement l’amènera à sa perte. L’absence d’autocritique mènera à des décisions non-réfléchies manquant de profondeur et de recul. Le manque de surveillance permettra des comportements répréhensibles qui risquent de venir vous hanter plus tard.

L’incompétence

Évidemment, tout est relatif mais ce comportement est souvent le résultat d’un certain conformisme où certains se réfugient. L’administrateur inefficace, qui ne sait pas trop comment bien appliquer les processus de gouvernance qu’il décide d’utiliser, risque de prendre des décisions mal fondées. L’inefficient choisira les mauvais enjeux ou combats, ou encore, déploiera des processus de régie d’entreprise inappropriés au détriment de ceux qui pourraient contribuer à créer de la valeur. L’incompétent cumulera tous ces défauts et mettra l’organisation en péril. On dit souvent que la compétence coûte cher, mais que l’incompétence coûte encore plus cher.

L’ingérence

Complément direct de la certitude (une attitude à éviter parce qu’elle cause tant d’erreurs), l’ingérence se matérialise sous la forme d’une tendance hypertrophiée à vouloir tout contrôler. Souvent provoquée par une méconnaissance du rôle d’administrateur, le fautif tentera de faire de la sur-analyse et de la « micro-gestion », généralement sans même s’en rendre compte. Habitué à diriger, il se voit aux commandes de l’entreprise, au lieu d’être celui qui supervise le conducteur. Le côtoyer amène les autres à se désintéresser de la situation.

La lâcheté

On décrit souvent le courage managérial comme étant la capacité de faire face à des enjeux qu’il est possible de contourner (et de les laisser aux autres). Le lâche préfère la facilité et le simplisme. Il se plaît à croire que les problèmes seront soit réglés par d’autres ou par le temps, ou encore qu’ils ne sont pas si graves que ça. On retrouve aussi ce péché à l’origine du manque d’éthique organisationnel (cause de situations douteuses) qui, si adressé, obligeraient à modifier les façons de faire inappropriées, mais qu’on justifie en prétextant qu’on est « pas pire que les autres ».

La paresse

Noble descendant des péchés originels, la paresse sur un CA se traduit par un laxisme et une absence de préparation, qui sont rationalisés par le fautif grâce à son intelligence et sa capacité d’analyse rapide. Il suppose qu’il peut généralement tout résoudre instantanément et peut donc faire preuve de passivité jusqu’à ce qu’on l’interpelle directement. Son complément direct est l’indécision (contraire de la certitude tantôt décriée) qui cause la stagnation ou la non-résolution de situations dommageables.

La proximité

Allo les zamis… le copinage (un réflexe naturel chez l’homme de s’appuyer sur ceux qui le supporte) est un comportement nocif sur un CA. Il dénature le rôle de critique normalement assumé par des gens crédibles et indépendants d’esprit. Il en fait des hypocrites qui privilégient le conflit d’intérêts ou des « bénit oui-oui » qui décident tout en fonction de l’intérêt de ceux qu’ils perçoivent comme leurs alliés.

Gagner son ciel

À sa décharge, l’administrateur fautif sur un CA est rarement le seul coupable, il fait partie d’un groupe. Leur performance dépend de l’ensemble des interactions qu’ils ont entre eux et avec la direction. Mais surtout, il faut se rappeler que quelqu’un les a recruté pour y siéger ! Un bon processus de recrutement de vos administrateurs permettrait peut-être d’éradiquer le mal à la racine.

Alors si comme individu vous voulez éviter le purgatoire (ou les amendes de l’AMF), vous avez maintenant une cartographie des pires choses à faire ou laisser faire.

Si au contraire vous ne reconnaissez pas vos comportements dans ces images, vous pouvez soit en déduire que vous êtes sur le chemin du firmament ou peut-être que sans le savoir, vous commettez un (ou plusieurs) des péchés décrits ci-hauts.

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#46 - Bulletin AMBAQ d'Avril-Mai 2010

lundi 22 février 2010

Double discours



La controverse

Suite aux dernières élections municipales à Montréal, Michel Labrecque a été défait à titre de candidat à la mairie du Plateau Mont-Royal (sous la bannière d’Union Montréal). Dans un geste qui en a surpris plusieurs, Gérald Tremblay l’a tout de même reconduit comme Président du conseil d’administration de la STM (une fonction qu’il occupait avant sa défaite), en le nommant à titre de représentant des usagers. Une première, mais une pratique permise par les règlements de l’organisation.

La Presse s’est empressé de souligner que cette nomination occasionnerait des coûts additionnels de 90 000 $ à l’organisme, alors qu’on y prévoit déjà un déficit d’opération avoisinant les 40 millions $.

Les deux partis d’opposition ont quant à eux dénoncé cette « astuce » et ce tour de « passe-passe », en prétendant que les usagers seront mal représentés en nommant à ce poste un non-élu ayant 2 chapeaux incompatibles .

Les bonnes pratiques

Heureusement, on exige de plus en plus de ces sociétés para-municipales (SPM), une gestion de haut niveau et pour ce faire, il est essentiel d’y adopter un maximum de bonnes pratiques de gouvernance.

Une première est de s’assurer que les administrateurs qui supervisent les actions de l’équipe de direction aient les compétences requises et qu’idéalement, ils soient exempts d’agendas politiques trop directifs.

La seconde serait de les rémunérer adéquatement, notamment pour être en mesure de recruter les bonnes personnes (compétences, expériences, expertises) et ensuite pour être en droit d’exiger d’eux de la performance. Avec un budget dépassant le milliard de dollars et plus de 1800 employés, la somme en jeu de 90,000$, même si elle peut sembler importante pour un individu (ou journaliste), n’est pas significative pour l’organisme. Surtout, il ne faut pas perdre de vue qu’il s’agit d’un salaire raisonnable lorsqu’on considère la nature du poste.

Finalement, le niveau d’indépendance à espérer demeure sujet à critique (compte tenu de l’affiliation antérieure de Labrecque avec le parti au pouvoir).

Plus tôt cette année (juillet 2009), le Maire Labeaume de Québec en avait choqué plus d’un en annonçant qu’il tenait à dépolitiser les CA des SPM sous son contrôle, incluant le Réseau de Transport de la Capitale (leur équivalent à la STM) . Appuyé dans cette démarche par Richard Drouin, administrateur émérite, ils ont clairement exprimé qu’ils considéraient les nominations automatiques des élus municipaux sur les CA des SPM comme une pratique du passé à changer.

Il a insisté sur le fait que la majorité des administrateurs de tels organismes se devaient d’être externes et indépendants (bien que prêt à conserver une minorité d’élus sur les instances). Labeaume allait même jusqu’à qualifier de « malsaine » la situation de Labrecque à la STM. Fait cocasse, à l’époque et alors qu’il était nommé d’office, ce dernier défendait (et défend toujours) la nécessité d’avoir une majorité d’élus sur de telles instances, mais, sans pour autant défendre le fait qu’ils devaient tous en être.

Mais maintenant qu’il n’est plus un élu, doit-on ignorer sa candidature ? On peut au moins prétendre que la situation s’améliore par rapport à précédemment.

La bonne personne

Tout d’abord je dois préciser que je considère Michel comme un ami, ayant de plus siégé sur le CA de Vélo Québec, je ne suis pas à l’abri d’un certains biais. Je vais donc tenter de rester neutre en me demandant s’il possède les bons attributs pour le poste ?

Si on remonte dans le temps (mai 2009), alors que Labrecque était en réflexion à savoir s’il allait se représenter comme candidat, on retrouve dans La Presse une journaliste le qualifiant de leader et de candidat d’envergure, avec un plaidoyer militant fortement pour qu’il se présente et demeure en charge du CA de la STM .

Au cours des 20 dernières années où je l’ai côtoyé, j’ai été à même de découvrir des qualités d’idéateur évidentes et de voir évoluer ses attributs de gestionnaire. Depuis toujours, il est lié à des projets et initiatives d’envergure, notamment :



  • Le tour de l’Ile de Montréal

  • Festival de Montréal en lumières

  • Vélo Québec avec sa Route Verte et ses pistes cyclables

Il est un des rares politiciens que je connais qui pratique ce qu’il prêche. Imaginez un peu, il n’a jamais eu de permis de conduire, il n’a donc pas d’auto et se déplace principalement en vélo ou en transport en commun. Auteur du concept de « cocktail transport », il le propose comme une solution pour éviter le déclin du transport collectif dans les villes. Il me semble que ce sont là des attributs plutôt incriminants pour un dirigeant d’une société de transport en commun…

Que faire ?

Nombreux sont ceux qui crient au loup lorsqu’ils perçoivent une situation qui va à l’encontre de leur agenda politique ou simplement de leurs croyances. Trop souvent, cela s’effectue à l’encontre même de l’intérêt de ceux qu’ils prétendent défendre. Pourquoi, si la bonne gestion de nos SPM passe notamment par une bonne régie d’entreprise, n’aurions nous pas les moyens de nous l’offrir.

Pour ma part je suis heureux de la direction qui a été prise dans ce dossier et j’espère que nos gouvernements, de tous les niveaux, poursuivront les démarches entreprises en ce sens ainsi que la tendance lourde qui a été imprimée pour « nos » sociétés parapubliques. Comme j’ai déjà entendu, on a les dirigeants qu’on mérite, et des fois, j’aimerais mériter mieux.



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#45 - Bulletin AMBAQ de Mars-Février 2010

mercredi 5 août 2009

Infrastructure du pouvoir

La cause du problème

Ayant découvert il y a maintenant plusieurs années un outil intéressant pour m’assister dans la gestion des relations et des décisions liées à nos investissements institutionnels, j’ai souvent eu l’impression de prêcher la bonne nouvelle (de la gouvernance) dans le désert. Presque tous se déclaraient croyants, mais peu d’entre eux étaient vraiment pratiquants.

À l’époque, je me suis souvent demandé pourquoi si peu de gens, bien plus connaissants que moi, refusaient d’utiliser cet outil versatile mis à leur disposition.

Ce n’est que plus tard que j’ai compris que le vrai défi n’était pas de trouver des gens qui pouvaient et voulaient aider, il résidait plutôt dans une résistance viscérale à partager le pouvoir décisionnel (historiquement détenu par le/la PDG, principal actionnaire de contrôle).

« Casus Belli »

J’ai également compris à posteriori que, même si bien intentionnée, la mise sur pied d’une nouvelle instance décisionnelle, non contrôlée par ce PDG et ayant autorité sur ce dernier, remettait en cause la balance du pouvoir concernant les éléments les plus importants de l’organisation.

On a beau dire que les administrateurs sont là pour créer de la valeur et aider la haute direction, il demeure qu’ils ont un rôle de supervision de l’équipe de dirigeants. En cas de perception de mauvaise gestion, ils sont susceptibles d’y apporter des modifications. C’est ce risque que l’industriel québécois typique ne voulait pas courir.

Souvent devenu entrepreneur pour se soustraire du joug d’un patron et être son « propre boss », il entrevoyait l’initiative de mise sur pied d’un CA comme un risque de retour en arrière. Il s’y objectait généralement en plaidant la complexité, l’inutilité ou encore, l’inefficacité du processus.

C’est pourquoi la négociation de la convention d’actionnaire dans laquelle résidait les termes de cet engagement devenait parfois une guerre de tranchée avec des enjeux tels que :

· Qui présiderait le CA ?
· Combien d’externes indépendants ?
· Fréquence des réunions ?
· Des comités ou non ?
· Quoi ! Pas de nominés de l’interne (sauf le PDG) ?

Cause à effet

Mais comme ils avaient vraiment besoin d’un partenaire, ils finissaient généralement par accepter le concept. Par contre, mettre sur pied la structure du CA, recruter ses membres et commencer à discuter des vrais enjeux pouvait prendre une éternité.

On dit souvent que l’information c’est le pouvoir, alors le premier outil de procrastination était généralement un goulot d’étranglement sur celle-ci.
On l’envoie en retard, incomplète et rarement de nature « décisionnelle ».

Ce manque de transparence dans le but de conserver le « pouvoir » complexifiait d’autant les tentatives faites pour rendre le nouveau processus efficace et efficient.

C’est la raison principale pour laquelle j’ai toujours prétendu qu’il fallait habituellement presque 2 ans pour parvenir à un niveau intéressant de gouvernance. Car, étonnamment, on finit généralement par y arriver…

Comme pour la plupart des changements organisationnels, pour qu’il soit accepté, il faut des cas à succès. Si malgré les réticences, le groupe a été bien composé, les occasions où le CA peut contribuer à créer de la valeur pour l’entreprise se présentent vite. Il faut capitaliser sur ces succès pour amener cet entrepreneur à partager plus amplement avec son équipe élargie sur les :

· Stratégies à suivre ;
· Décisions à prendre ;
· Informations décisionnelles ;

Bref, le pouvoir… Je ne suis pas certain qu’il existe une recette magique pour rendre ce partage du pouvoir plus rapidement acceptable. J’imagine que le tout est lié au niveau de confiance et d’influence que l’on arrive à développer entre partenaires. C’est donc un défi de taille !

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#44 - Bulletin AMBAQ de Août-Septembre 2009

lundi 1 juin 2009

Sur la perfection


Le mieux est l’ennemi du bien

Chaque semaine qui passe nous amène son nouveau lot de scandales, certains fondés, d’autres résultants d’une interprétation pointue de faits à la lueur d’attentes démesurées, ou d’une incompréhension de la situation.

Il est facile de plaider pour la perfection. La réalité est qu’une organisation doit composer avec des ressources limitées et cette perfection n’est simplement pas atteignable. Bien sûr, tout est perfectible, mais nos Don Quichotte des médias ne veulent pas voir les contraintes. Ils chassent les buts manqués et omettent de considérer ce qui pèse dans la balance du quotidien. Il ne faut surtout pas laisser de bons arguments empêcher l’éclosion d’un scandale médiatique.


Pour bien la cuire, il faut retourner la crêpe

J’ai recensé quelques clameurs qui ont soulevé des passions récemment, pour voir si on pouvait y attacher un pendant manquant :

· On dit que les politiciens ne sont pas à la hauteur, mais on s’acharne constamment sur eux pour tout et pour rien, s’assurant que personne de sensé n’aura le goût d’en être ;
· On déplore que le CHUM est trop… ou pas assez … mais on en parle encore 14 ans après l’avoir annoncé, parce qu’on veut qu’il soit parfait ; le sera-t-il ? se fera-t-il ?
· On s’indigne qu’il y ait un taux d’erreur dans des tests de laboratoires, mais on oublie que l’erreur est humaine et présente dans tout processus et qu’on sauve des vies autrefois perdues;
· On dit que la ville est mal gérée, mais on refuse de faire des changements qui la rendrait gérable ;
· On demande de s’opposer au projet d’un promoteur, car dans ma cour et aussi que…, mais on se plaint de l’absence de richesse collective, du sort de nos chômeurs et de…
· On se plaint que les FIERS investissent ailleurs et avec ceux qui ont de l’argent, mais on oublie qu’on a conçu le programme pour convaincre des entrepreneurs d’investir leur $, au Québec, dans des projets risqués ;
· On crie au scandale fiscal des autres, mais on paye son peintre cash pour sauver 15%
· On lit le rapport d’un organisme exigeant d’accroître les ressources consacrées à un problème important, en émergence, mais on ne le relativise pas par rapport à toutes les autres urgences qui existent déjà
· On crie que tel pont n’est pas totalement sécuritaire, mais on ne veut surtout pas payer plus d’impôt qui permettrait son entretien

La liste pourrait s’allonger mais rien n’y changera car, pour chaque argument cité, quelqu’un trouvera à redire :

· qu’il y a du laxisme dans la gestion ;
· qu’un tel résultat imparfait est inexcusable ;
· que c’est inadmissible car ça implique de l’argent public ;
· que…, que...

On affirme que tout doit être blanc ou noir, et on oublie les zones grises dans lesquelles le dirigeant navigue constamment, obligé qu’il est de faire des compromis.

On sait tous qu’il vaut mieux prévenir, mais préconiser la réflexion sur un sujet en l’absence de crise n’est pas vendeur. Et comme en plus il est parfois justifié de crier au loup (l’impayable lieutenant-gouverneur), on s’en sert pour excuser les fois où ce ne l’est pas.

Nos Don Quichotte bien intentionnés, mais parfois dirigés de mains habiles et invisibles (même d’eux), visent souvent la mauvaise cible, qui demeure bien protégée derrière un dogme, un beau principe, une vertu ou… un agenda caché. Je ne demande pas d’excuser l’inexcusable, mais selon moi, on ne se demande pas assez souvent : À qui profite la diffusion de cette controverse ?


Ces demi-dieux présumés

Tout cela se transpose en attentes, en nouveaux standards selon lesquels vous serez jugés comme administrateurs, si jamais... On attend maintenant de vous d’être un genre de demi-dieu de la gouvernance, ainsi, au premier détour on vous demandera :

· Comment la situation a-t-elle pu survenir sous votre supervision ?
· Pourquoi ne saviez-vous pas tout et n’êtes-vous pas omnipotent ?
· Comment avez-vous pu ignorer les goûts somptueux et les dépenses répétées de ce dirigeant (en plus de l’avoir laissé faire ainsi pendant 4 ans, sans réagir) ?

De toute évidence, il n’y a pas de jeton de présence assez élevé pour justifier de vous retrouver dans de telles controverses. Mais comment éviter la dernière en lice ?

Au diable la dépense !

La première mesure à prendre est l’établissement d’une politique décrivant ce qui est admis (ou non) en terme de dépenses au nom de l’organisation, comment et par qui, et s’il y a lieu, les limites (en $).

La deuxième étape est la rédaction d’une grille d’autorité. Un document simple qui précise les autorisations requises pour chaque action que doit poser la direction ou les employés (signer un contrat, nommer un dirigeant, établir des salaires, payer une facture ou rapport de dépenses, etc…).

Ici, le bon vieux concept du « Tone at the top » est toujours aussi pertinent. Il y a quelques mois, je vous parlais dans ce forum des bonnes pratiques de gouvernances en disant à la # 10 de : Faire approuver tous les éléments de la rémunération du PDG et ses comptes de dépenses par le Président du conseil. Cette phrase anodine joue 2 rôles, elle exige du :

1. PDG de soumettre ses dépenses à un supérieur au fur et à mesure qu’il les encourre. Si on lui fait remarquer qu’il semble dépenser outrageusement et qu’il continue, il devrait savoir à quoi s’attendre…
2. Président du Conseil d’exercer son rôle de supervision. S’il accepte de rembourser un certain type de dépense sans poser de question pendant 4 ans, je vois mal comment il peut finir par dire : vous n’auriez pas dû…

Cette situation doit se répéter en cascade jusqu’au dernier échelon de gestion. Vous comprendrez que les situations controversées découlent généralement d’une dérogation de la part d’un des 2 protagonistes impliqués (pas toujours celui cloué au pilori).

Comme vous voyez, dans ce métier vous serez toujours condamnés à faire plus avec rien et mieux avec peu, alors mettez vous à l’ouvrage avant que quelqu’un ne se mette à vous poser des questions…


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#43 - Bulletin AMBAQ de Juin-Juillet 2009

lundi 4 mai 2009

L’ADMINISTRATEUR 2.0



De quessé ?

Comme probablement plusieurs d’entre vous, je suis à expérimenter la nouvelle génération de réseaux sociaux Web 2.0 disponibles (« RSW2 »). Par curiosité, peut-être ? par nécessité, j’en doute ! La question du jour est : Est-ce que le web (combiné ou non à certains logiciels de gestion) peut être un outil d’une quelconque utilité pour l’administrateur de société (en dehors du courriel et du site Internet traditionnel) ?

En termes de RSW2, on parle de quoi au juste (ajouter simplement www. et .com pour y aller) :
  • Facebook
  • LinkedIn
  • YouTube
  • Viadeo
  • Spoke
  • Twitter
  • Plaxo
  • Live Space
  • E-Bay
  • SquidWho
  • ZoomInfo
  • MSN
  • ClassMate
  • BlogSpot
  • Picasa

Ce sont généralement des plateformes web ou un usager s’inscrit gratuitement (souvent avec un volet payant offrant plus de fonctions), pour accumuler et relayer des infos (et photos), sur lui, son entreprise, ses amis ou sa famille. Le site lui permet, selon sa nature, d’offrir ses services, se chercher un emploi, de chatter en direct (ou non) sur ses sujets d’intérêt, de poser des questions à débattre sous forme de forum, de présenter ses derniers écrits sous formes de blogue (interactif ou non), ou encore de solliciter de l’aide de « sa » communauté (ses contacts directs ou indirects acquis par l’entreprise de son réseau de contacts – 1er niveau 2ème niveau, etc...). C’est d’ailleurs là le principal attrait de ces RSW2; rejoindre des contacts qu’on ne pourrait rejoindre, rapidement, autrement, sur un sujet donné (ou non ;-).

Les jeunes ont vite migrés vers ces nouveaux modes de communication et les ont incorporés dans leur vie de tous les jours. Il est parfois aberrant de constater le temps qu’ils y consacrent au détriment des communications en réel (versus virtuelles), mais restons en là, c’est un tout autre débat.


Je regrette encore d’avoir perdu l’adresse Hotmail à mon vrai nom, pour non-utilisation pendant plus de 3 mois. Conséquemment, lorsqu’un nouveau phénomène émerge, j’ai tendance à aller voir si je ne devrais pas poser mon « claim », souvent pour les abandonner par la suite.

C’est donc avec ce sujet de chronique en tête que j’ai abordé un peu plus activement ces réseaux au cours des derniers mois.

Les dangers et bienfaits

Il demeure étonnant de constater la quantité d’information trouvable qui nous concerne simplement en se googlant (un néologisme). Il vous appartient d’y faire le ménage et d’essayer d’y présenter une image efficace et idéalement, factuelle. Consolidez les profils, connaissez les bons coups, inexactitudes ou horreurs passées qui circulent à votre égard et adaptez votre discours en conséquence, en bref : gérez votre réputation « virtuelle ». Testez avec quelle facilité il est possible de vous atteindre sous le profil que vous désirez privilégier, et travaillez-y.

Bien sur, on vous aura mis en garde sur les dangers de Big Brother et l’accumulation d’info perso disponible pour tous. Le déchiqueteur à données Internet n’existe pas vraiment et un jour, vous pourriez regretter ce commentaire niais fait dans un forum nébuleux alors que vous vous croyiez hors de la vue de tous. Est-ce que nos divers ordres professionnels et associations (incluant l’IAS) devront tenter de réglementer le contenu avec un volet webéthiquette, j’en doute.

Toutes les tentatives « d’Aller Web » ne sont pas fructueuses. Vous n’avez qu’à comparer le faible achalandage sur nos forums de l’AMBAQ, avec les efforts que l’association y a récemment consacré pour tenter de vous convaincre d’y participer. Est-ce par manque de temps, de goût, de méconnaissance des outils ? Il demeure que c’est un processus complexe.

Mais il y a des beaux cotés. La valeur liée à la capacité de rejoindre les autres facilement est considérable mais requiert un minimum de planification.

Tout sur moi !

En l’absence d’un site web (autre que corporatif car trop générique) qui m’aurait orienté autrement, ma démarche personnelle s’est caractérisée par les éléments suivants :

1. définir ce que je voulais mettre en valeur, notamment sur quels créneaux je voulais établir mon « expertise » (vous serez surpris d’apprendre que j’ai misé sur l’investissement et la gouvernance);
2. choisir quels sites utiliser pour faire l’agrégation centrale de mes données et mes contacts, mon choix s’est arrêté sur BlogSpot et LinkedIn (le FaceBook des gens d’affaires), et répertorier les autres sites d’usage populaire (ou avec lesquels j’avais des liens professionnels) et m’en servir comme outil de référencement vers mon profil principal sur LinkedIn[1];
3. mettre du contenu professionnel d’intérêt ainsi que certaines présentations ou conférences (en espérant que mes chroniques des 5 dernières années qui apparaissent en ligne se qualifient);
4. participer occasionnellement à titre d’expert et chercher à utiliser ces outils (autant que possible) pour m’assister dans mon travail, en essayant de limiter mes opinions et commentaires dans les forums à des sujets que je maîtrise. N’oubliez pas : tout est consolidé et on vous observe(ra)…;
5. en autant que chose se peut, maintenir l’information liée à ma vie professionnelle (ex : BlogSpot) séparée de celle de nature personnelle (ex : Facebook et HomeExchange);

Des résultats ?

Plusieurs résistent encore au phénomène. Il arrive fréquemment que je sois le premier contact RSW2 de ceux qui acceptent une de mes invitations. Parfois ils poursuivent la démarche, des fois pas… pour l’instant du moins.

Je crois sincèrement que l’initiative de l’AMBAQ va porter fruit, éventuellement... (d’ailleurs, votre profil[2] y est-il à jour ?). Lorsque le chapitre québécois de l’IAS met finalement en ligne un répertoire[3] de ses membres, accessible à tous pour faciliter des recherches de candidats, cela me réjouit.

Par ailleurs, au delà de la diffusion d’information sur des évènements intéressants, j’arrive à répertorier plusieurs éléments positifs et récents reliés à ma démarche web, par exemple :

· la mise sur pied d’un forum « Gouvernance Québec » (déjà + 50 membres) pour pouvoir discuter en français de sujets plus locaux;
· recevoir une bonne opportunité d’affaires d’une connaissance qui m’a repéré sur le net après une longue période sans contact;
· solliciter des questions à poser à des panélistes (évaluation d’un CA et impact de la crise) lors de mes 2 dernières conférences;
· découvrir un newsletter intéressant en Australie[4], intitulé le “Director's Dilemma” qui tente de résoudre en groupe, chaque mois, une nouvelle problématique en gouvernance;
· recevoir une invitation à titre de panéliste pour une conférence en gouvernance à Singapour (malheureusement sans le billet d’avion ;-(
· participer à une initiative pour créer une plateforme internationale pour répertorier les administrateurs indépendants non-exécutifs liée aux différents organismes de certification (tel que l’IAS);
· rechercher des candidatures pour la 3ème édition du "Gala des Cravates" de l'IAS, pour un poste de formateur dans un cours de gouvernance et pour un poste de gestion dans mon organisation.

Finalement, la découverte d’un logiciel[5] québécois, spécialisé dans la gestion des activités d’un conseil et de ses comités (une option plus complexe et coûteuse) m’a amené à réfléchir sur les divers avantages d’aller web pour un CA. Je pense que j’ai le goût d’être cobaye. Il ne me reste qu’à convaincre mes partenaires d’en faire l’essai.

Est-ce que les résultats que j’ai obtenus sont à la hauteur des efforts que j’ai déployés et surtout, de mes attentes ? Je préfère attendre un peu avant de me prononcer, mais je vous donne un indice, je continue d’avancer.

[1] http://www.linkedin.com/in/hugueslacroix
[2] www.ambaq.com/fr/membres/repertoire/hugues-lacroix-825
[3] www.administrateursduquebec.com/Afficher.aspx?page=3&langue=fr&mp12=userId=812
[4] www.mclellan.com.au/newsletter.html
[5] https://www.idside.com/gouvernance.asp





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#42 -Bulletin AMBAQ de Mai 2009

vendredi 24 avril 2009

ET SI C’ÉTAIT FAUX ?


Création versus Évolution

Les célébrations entourant le 200ème anniversaire de naissance de Darwin ont mis en lumière le fait que 40% de la population américaine semble être d’avis que l’Homme et son univers ont été créés de toute pièce il y a quelques six mille ans par un être supérieur. Sous-entendu : la théorie de l’évolution défendue par la communauté scientifique n’est qu’une théorie. Au Canada, cette tendance semble moins prononcée, bien que notre ministre canadien des Sciences et Technologies (Gary Goodyear) ait récemment refusé de confirmer qu’il souscrivait à cette théorie.


C’est quoi le rapport avec la gouvernance ?

Tout comme ces bons américains, plusieurs propriétaires d’entreprises (aussi administrateurs) que je fréquente, sont des créationnistes. Ils semblent croire que la gouvernance a toujours existée au sein de leur organisation. Que la formation, l’évaluation de la performance, l’indépendance, la complémentarité sont des bonnes pratiques qu’ils ont toujours utilisées. Que la formation et le développement des compétences, c’est OK pour les autres, mais eux sont d’avis qu’ils possèdent ce qu’il faut. Il est plus facile de croire à cet état de fait, que d’avoir à se pencher sur comment mieux faire les choses.


L’Homo Gouvernus

Amusé par un commentaire de Charles Sirois lors d’une conférence où il a référé aux administrateurs artisans et aux technocrates, basé sur cette image j’ai revisité l’évolution de l’Homo Gouvernus (sans les dessins de singes usuels) qui grosso modo, passerait par les cinq stades suivants :

Le gestionnaire : Produit de nos collèges et universités, dans la vingtaine, bardé d’au moins un diplôme, il en est à ses premières armes en entreprise. Peu utile sur un CA, on tente souvent par sa présence de combler une lacune de gestion.

L’intrapreneur : Maintenant trentenaire, mariant talents, expérience et connaissances, il s’élève au sein de l’entreprise dans son champs d’expertise et est reconnu par ses collègues. Parfois utile sur un CA (il se distingue par son intensité), sa participation l’aidera à comprendre ce qui préoccupe les patrons de son grand patron.

L’administrateur technocrate : Début quarantaine, il est invité à siéger sur son premier CA d’envergure. Il y apprendra la gouvernance (+/- bien) en fonction de la qualité de ses pairs et du contexte. Malheureusement, trop souvent dans notre écosystème québécois, c’est la règle de « l’aveugle qui mène l’aveugle ». On l’informe sur les bonnes pratiques et il tente de les appliquer. Souvent confiné aux rôles plus accessibles de préservation de valeur et de conformité, il est fort possible qu’il ne progresse plus.

L’administrateur artisan : Fin quarantaine, chanceux d’avoir eu de belles expériences et de bons modèles, il est efficace dans ses pratiques et en mesure de moduler ses actions pour générer une certaine efficience au CA. Il s’informe et se forme, recherche de meilleurs modèles et se distingue de la masse. Il aide l’équipe de direction à mieux performer et créer de la valeur. La poursuite de son évolution est liée à ses qualités intrinsèques.

L’artiste : Souvent âgé, parfois plus jeune, fruit d’attributs innés et acquis, grâce à son image de performant il a bénéficié de tous les « fast-track » offerts et a su les assimiler. Il est de ces individus hors de l’ordinaire, capable d’émettre (ou d’encourager) des idées originales et d’exercer un leadership auprès de gens de haut niveau. Ses conseils valent leur pesant d’or, si utilisés à bon escient.

J’ai sciemment omis le terme Entrepreneur car cet électron-libre est généralement déjà greffé en plus ou moins grande quantité à l’ADN de l’homme d’affaires. On le retrouve fréquemment sur celui des Artistes et, à un moindre degré sur celui de l’Artisan.


J’aurais voulu être un artiste

Mais comment faire pour arriver au stade ultime de l’évolution ? Je pense pouvoir enseigner les bonnes pratiques de gouvernance et faire des Technocrates de mes étudiants (s’ils ont les bons bagages avec eux). Mais pour leur montrer comment devenir un Artisan, j’ai toujours eu de gros doutes et pensé que c’était pas mal plus compliqué.

J’espère par mes actions avoir réussi à me qualifier comme Artisan dans certains contextes favorables (svp, donnez moi le bénéfice du doute…), mais j’ai beau aspirer à m’élever plus haut, le chemin et les moyens restent à trouver. J’ai appris à gérer mes attentes en conséquences.

Lors d’une discussion récente avec la Présidente de l’IAS sur comment créer plus d’Artistes plus vite et « enseigner » le dernier niveau, une image de mentorat m’est venue à l’esprit. Je me suis demandé si des CA réputés, composés de nos artistes de la gouvernance connus et répertoriés, accepteraient d’accueillir en leur sein des administrateurs qui ne serait pas encore rendu à leur niveau, pour contribuer à leur développement ?

Est-ce réaliste de croire que l’on pourrait franchir les obstacles (moins de confidentialité, disponibilité, responsabilité, exclusivité,… plus de générosité, accessibilité, …) qui gênent la mise en place d’une telle initiative ? Pourrait-on stimuler agressivement l’évolution de l’état de la gouvernance et de ses acteurs au Québec ?

Peut-être qu’un programme plus encadré (ou même subventionné) pourrait y arriver, c’est à espérer, mais c’est plus facile de croire qu’on y est déjà.


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#41 -Bulletin AMBAQ d'Avril 2009

mardi 24 février 2009

DES BONNES VALEURS PRATIQUES

Un autre cours ?

Depuis maintenant plus de 25 ans, au fil des dossiers d’investissements, mon organisation a collaboré à la mise sur pied de centaines de conseils d’administration au sein d’entreprises québécoises. À ce titre et sans trop le vouloir, nous sommes devenu un influenceur important en matière de gouvernance de PME. C’est pourquoi une grande partie de nos entreprises partenaires ont du procéder à des changements majeurs de leur régie d’entreprise suite à notre arrivée à leur actionnariat.

Nous avons récemment décidé d’élever notre jeu d’un cran en terme de processus de création et de préservation de valeur. Ainsi, afin d’assister dans ce processus de changement nos employés, nos représentants (nominés) et les autres administrateurs siégeant sur le CA de nos partenaires, nous avons développé une formation adaptée à la gouvernance des PME, en collaboration avec l’IGOPP[1], un institut réputé en la matière.

C’est dans le cadre de cette initiative que j’ai eu à me pencher sur les valeurs et pratiques que nous voulions véhiculer en tant qu’actionnaire institutionnel. Le texte qui suit est donc extrait d’un document plus détaillé qui est le fruit d’une réflexion d’équipe, mais que je trouvais intéressant de partager avec vous.

Je vais donc vous présenter les cinq valeurs et les dix pratiques que nous entendons préconiser auprès de ses partenaires d’affaires (constitués essentiellement de PME) afin d’accroître la performance et le fonctionnement de leurs administrateurs et de leur CA. Évidemment, d’autres institutions font d’autres choses toutes aussi valables, c’est juste que je ne les connais pas autant.

J’insiste sur le mot « préconiser », car plusieurs débats ont eu lieu entre nous sur le fait que telle ou telle pratique pouvait s’avérer difficile d’application dans un cas donné. Mais nous avons convenu que les administrateurs comprendraient les limites de notre bonne volonté. Alors je plonge…

Les cinq valeurs

I. Fonctionner sur des bases de respect, de transparence et d’intégrité.
II. S’assurer d’un traitement équitable entre les intérêts des actionnaires, administrateurs, dirigeants, employés et partenaires de l’entreprise.
III. Rechercher le consensus des administrateurs (autant que possible) pour les décisions importantes soumises à leur attention.
IV. Sélectionner les membres du conseil selon les meilleures ressources disponibles et accessibles pour l’organisation (en les rémunérant de façon adéquate), et en utilisant des gens à la fois crédibles et indépendants (incompatible avec un rôle de consultant).
V. Préconiser des comportements corporatifs responsables et éthiques visant à atteindre les meilleures pratiques de l’industrie dans laquelle évolue l’organisation.

Quand on parle de valeurs, on va chercher les gens dans ce qui les caractérise, ce qui les distingue et les élève au dessus de la moyenne des ours… Ces valeurs concordent d’ailleurs avec celles de notre organisation :

  • L’intégrité ;
  • Le travail d’équipe ;
  • La compétences ; et
  • Le respect de la personne ;

Les dix pratiques

Au-delà des concepts, il y a l’action. Que voulons nous que les administrateurs fassent lorsqu’ils se rencontrent ? Nous avons identifié un « top 10 » des pratiques qui sont selon nous non seulement désirables, mais importantes pour aider les administrateurs à améliorer leurs performances, ainsi que pour faciliter le bon fonctionnement des CA sur lesquels ils siègent, soit :

1. Séparer les rôles de président du conseil et de président-directeur général de l’entreprise
2. Limiter le nombre d’interne au seul poste du PDG (les autres peuvent être observateurs).
3. Équilibrer l’agenda du conseil de façon à couvrir autant les items de création que de préservation de valeur (gouverne vs contrôle).
4. Viser la mise en place par la direction d’un processus annuel de planification stratégique.
5. Viser la mise en place d’un tableau de bord stratégique avec les indicateurs de performance significatifs.
6. Viser la mise en place par la direction d’un plan de gestion des risques pour l’entreprise (et de leurs suivis).
7. Régir la composition du conseil d’administration et de ses nouveaux membres et évaluer leur performance annuellement.
8. Mettre en place un processus régissant l’évaluation annuelle de la haute direction.
9. Exiger pour chaque conseil une « Déclaration de la direction » portant sur les éléments qui peuvent engager la responsabilité et la réputation des administrateurs.
10. Faire approuver tous les éléments de la rémunération du PDG et ses comptes de dépenses par le Président du conseil.

Vous comprendrez que, bien que chaque élément pris isolément soit un défi comme tel, d’arriver à mettre l’ensemble des items en place peut s’avérer un défi considérable pour un conseil aux ressources limitées.

Est-ce réaliste ?

Pour ma part, j’imagine que dans la mesure où les administrateurs s’établiront un plan de match avec des échéanciers suffisamment souples pour procéder à l’implantation des pratiques, ils devraient être en mesure de naviguer en harmonie avec ces attentes, dans la majorité des cas. Et pour le reste, on va devoir se fier à leur bon jugement, comme on le fait actuellement. Mais il faut être conscient que cela peut requérir une bonne dose de « courage managérial » à ces individus pour exprimer leurs convictions et exiger des actions.

Je crois également que les actionnaires, tant individuels qu’institutionnels, ont tout à gagner de s’entourer de gens compétents et crédibles pour relever avec succès les nombreux défis qui nous interpellent et parvenir à faire croître nos entreprises.

C’est pourquoi un tel cours s’adresse à tous les administrateurs qui ont à cœur la bonne gouvernance des PME. Alors, si jamais l’idée de vous inscrire vous passait par la tête, contactez-moi je vous donnerez les informations requises.

[1] L’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques

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#40 - Bulletin AMBAQ février-mars 2009

jeudi 15 janvier 2009

Discrétion et indiscrétions


Discrétion ???

À la lueur de certaines nouvelles portant sur les dépenses royales de notre récente Lieutenant-Gouverneure, je pense qu’elle a réussi à démontrer que la maxime qui suit, attribuée à un Lord anglais (Lord Acton) d’il y a bien longtemps, est loin d’être démodée.

« Le pouvoir corrompt,
mais le pouvoir absolu corrompt absolument ».

En poste pendant 10 ans et en l’absence de supervision réelle, notre représentante de la Reine d’Angleterre a établit elle-même ses règles du jeu. On laissera aux enquêteurs et à la justice le soin de décider s’il y a eu des gestes illégaux de commis, mais on peut au moins en tirer quelques leçons. Ainsi, je ne peux m’empêcher d’insister sur la nécessité de toujours mettre en place un contre-pouvoir au pouvoir. Cela se traduit généralement par la rédaction de règles claires et connues et la mise en place de mécanismes de supervision adaptés à la situation.

Dans un contexte de gouvernance de PME, une analogie facile à faire est celle des dépenses du PDG d’une entreprise qui passe d’un contexte d’actionnaire unique, à un d’actionnariat multiple. Dans un tel cas, pour éviter de froisser certaines susceptibilités ou encore pour éviter d’inférer que l’on doute de l’intégrité d’une personne importante, il arrive (trop souvent) qu’on omette de mettre en place un processus clair d’approbation des divers éléments de rémunération et d’autorisation des rapports de dépenses du PDG. Et c’est cette absence de contrôle qui crée l’opportunité, mère de toutes les tentations.

Car les spécialistes de la prévention des fraudes s’entendent pour dire que l’opportunité est l’une des trois conditions qui doivent exister pour qu’un individu à l’esprit malveillant décide de passer à l’acte. Ainsi, conjugué avec la motivation (on a toujours besoin de plus d’argent, de pouvoir, de…) et la rationalisation (« ben voyons donc, j’avais le droit » ou « tout le monde le fait comme ça »), la personne en arrive à un sentiment d’impunité qui légitimise dans sa tête l’éventuelle mauvaise action.

Que faire

En accord avec les actionnaires ou selon des modalités établies par le CA, il est facile de mettre en place une grille d’autorité. Non seulement celle-ci permettra de clarifier qui autorise quoi, quand et comment, mais elle assurera, par exemple, que tous les postes liés à la rémunération et aux dépenses du PDG seront approuvés par le Président du CA ou, si c’est la même personne, par le président du comité de vérification.

Indiscrétions !!!

Sur un autre continent, la vente en octobre dernier, de 2,000 actions de Fortis à 5 euros pièce, par Mireille Schreurs (pour le compte de sa maman) a fait les choux gras de la presse à scandale locale. Il faut comprendre que la dame est l’épouse de Karel De Gucht, Ministre des Affaires étrangères de Belgique et que ce dernier s’est alors retrouvé accusé de délit d’initié (par le biais d’une plainte anonyme). Il faut aussi savoir que dans les heures précédant la transaction, il était au cœur des négociations devant mener à la vente ou au démantèlement du groupe d’assurance belge-hollandais et de sa reprise par l’État néerlandais.

Une enquête de leur « AMF » locale verra à déterminer s’il a commis (ou non) un délit d’initié, mais pour l’instant, il bénéficie de la présomption d’innocence et demeure en poste. D’autant plus qu’il semblerait que ni lui, ni les membres de sa famille (fils et mère) qui étaient actionnaires de Fortis, n'aient vendu leurs actions, et que conséquemment, il aurait encouru personnellement des pertes de plus de 85,000 euros.

Que retenir
On nage ici entre les faits et les apparences. Comment arrive t-on à mettre sa carrière en jeu sur une apparence de conflit et comment l’éviter à la source ? Pourquoi prêter flanc à la critique inutilement ?

C’est pour parer à ce genre de situation que l’on met en place des règles d’embargo et de divulgation pour les hauts dirigeants (et politiciens). Comme ils sont alors tenus de divulguer à l’avance les entreprises avec lesquelles ils pourraient éventuellement se trouver en conflit d’intérêt, l’organisation s’assure de ne pas les placer dans une situation délicate.

Mais peu importe les règles en place (où non), à titre d’administrateur, cela nous rappelle l’importance de l’obligation de confidentialité, surtout lorsqu’on est un initié (d’une société publique). Les confidences sur l’oreiller, toujours mal avisées, doivent être assorties de mise en garde suffisamment étoffées, pour que l’autre personne comprenne à coup sur les enjeux qui nous guettent en cas de geste malveillant.

Finalement, bien que j’ai fréquemment observé le contraire au sein de CA, je vous rappelle que, si vous avez à décider dans un contexte où il y a un conflit potentiel (où une apparence de…), vous devez non seulement divulguer votre conflit, mais également vous exclure de la discussion portant sur le dossier (i.e. : sortir de la salle). À défaut de quoi, on pourra vous reprocher d’avoir influencé la décision à votre avantage et donc, au détriment de celui des actionnaires que vous êtes supposé représenter.

Sur ce, je vous transmets mes meilleurs vœux de santé et de bonheur pour la nouvelle année 2009. Pour ce qui est de la prospérité, on va devoir y travailler encore un peu toute la gang ensemble.

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#39 - Bulletin AMBAQ janvier 2009

samedi 20 décembre 2008

Les critiques ont la cote

C’est en assistant à une conférence portant sur le lien entre la bonne gouvernance et la bonne performance que l’idée de cette chronique m’est venue. Dans sa présentation, Roberta Romano[1], mentionnait avoir étudié plusieurs des indices composés disponibles qui visent à évaluer la qualité de la gouvernance des CA des sociétés ouvertes.

Bien qu’elle affirme que « qualité de gouvernance » et « performance d’une organisation » ne sont pas indépendantes l’une de l’autre, ses conclusions sont essentiellement que :
  • Il n’y a pas de lien démontré entre la performance des entreprises et les indices de gouvernance (ou de mesure spécifique) connus;
  • Il n’y a pas de bonne mesure, tout dépend du contexte.

Conséquemment, les autorités règlementaires devraient permettre de la flexibilité dans les modèles de gouverne des organisations.

Une analogie impertinente

C’est vrai qu’il est parfois difficile de juger de la performance de choses dont la variabilité est extrême. Prenons les films par exemple, il existe plusieurs types de façon de les évaluer :

(B+) Crash (v.f. de Crash), Thriller de P. Haggis avec S. Bullock, M. Dillon et D. Cheadle, États-unis, 1 h 55 min. Gagnant de 3 Oscars pour le meilleur film, le meilleur scénario et le meilleur montage. (13+). Les destins entrecroisés de huit personnes à Los Angeles, 24 heures avant qu'on ne retrouve le corps d'un homme assassiné.

Le premier indicateur est une cote, moyenne établie par plus de 40,000 internautes (un groupe de 13 experts[2] avait donné la cote B), indique un film de très grande qualité (par opposition à un « F » qui présume d’un navet). Le second, un genre, qui permet au cinéphile d’espérer que le film le tiendra en alerte. Suit une liste d’informations factuelles.

La référence aux Oscars et à plusieurs autres prix émérites, est le constat d’une forte reconnaissance (par les pairs et le public), quant à certains aspects techniques du film. La cote d’âge, allant de « Général » à « Adulte 18+ » indique aux parents qu’ils peuvent laisser leurs adolescents (et non leurs enfants) écouter un tel film. On termine le tout avec un bref synopsis.

Comparons maintenant cette critique de film avec celle, quasi-fictive, d’une société cotée en bourse à New-York et que l’on pourrait retrouver dans une revue d’investisseur éthique :

(79,2) Esso (v.f. de Exxon), NYSE États-unis, 1882, Blue-Chip fondé par E. Drake et B. Smith avec J D. Rockefeller comme co-fondateur, R. Tillerson dans le rôle du Chair et J. Houghton au comité de vérification. Gagnante d’une multitude de prix déméritoires (droits humains, environnement et responsabilité sociale), Exxon obtient en 2008 le score le plus bas de sa catégorie (l’un des 3 pires pour les USA) avec un indice du Reputation Institute de 38,5. (Aaa). Le destin d’une entreprise omnipotente et sa lutte pour éviter de payer 2,5 des 5,9 milliards de dollar$ d’amende imposée suite au déversement de pétrole en Alaska par le Exxon-Valdez.

Pour débuter, une référence à l’usage des meilleures pratiques de gouvernance[3]. Alors que GovernanceMetrics Intl. estime que les pratiques d’Exxon méritent une note de 10 sur 10, ISS lui accorde un quotient « CGQ » de 79,2%, note ordinaire principalement due au fait que le PDG occupe le poste de président du CA. C’est quand même bien mieux que les autres indices qui évaluent des éléments plus « subjectifs ».

Ainsi, accusée de prêter peu d’écoute à ses actionnaires dissidents, on constate que plusieurs organisations prétendent qu’Exxon est « la compagnie que tous aime haïr », notamment[4] :

· Ecofact qui la considère la compagnie la plus controversée au monde
· Corporate Equality Index qui lui a conféré son plus bas pointage (14%)
· Prix citron lors du Greenwash Sweepstakes Awards

Pourtant, ses actionnaires et le monde de l’investissement semblent être en désaccord avec eux. Forte d’une cote triple-A de Moody’s et S&P (cinq compagnies américaines seulement la détiennent) l’entreprise qui n’a jamais subie de pertes, apparaît très bien gérée et gouvernée et a une situation financière très solide. Tout comme son genre (Blue Chip) l’indique, ce titre est accessible au public investisseur en général.

Mais, la vrai mesure…

Vous en avez assez ? Je dis souvent que la vraie mesure d’un bon CA est sa capacité à créer (et préserver) de la valeur sur un horizon temporel qui se compte en années (et non en mois).

Alors recommençons : bien qu’ayant un petit budget de 6,5 M$, le film Crash a réussi à générer des revenus mondiaux de près de 100 M$, ce qui le classe au 924 rang[5] de tous les films américains. Une performance financière tout au plus honorable selon Hollywood, et bien inférieure à ce qu’on aurait été en droit de s’attendre vu la qualité des critiques.

On est très loin de la performance financière d’Exxon qui, en tête du Fortune 500 pour les 5 dernières années à titre d’entreprise avec les plus hauts profits (40 MM$ en 2008), s’est classée parmi les trois premières du classement[6] (revenus et profits) depuis, tenez-vous bien : 1955…

Quel est le rendement composé historique d’un titre dont la valeur passe de 2,50$ en 1971 à 92,50$ en juin dernier (en plus de tous les dividendes versés au fil des ans). Selon Fortune, son rendement composé sur 10 ans (pour l’investisseur) a oscillé historiquement entre 10 et 20 % selon les années et les décades (et moi qui dis toujours qu’un taux supérieur à 10 % est insoutenable).

Que peut-on conclure ?

On voit donc que, comme pour toutes sortes d’évaluations, lorsqu’on utilise un indicateur donné pour prédire la performance finale, bien qu’il soit possible de constater l’existence de liens entre les deux, il peut parfois s’avérer extrêmement difficile de les corréler entre eux, et surtout, d’arriver à quantifier la valeur qui sera créée ou générée.

De plus, certains indicateurs de nature plus qualitative, bien qu’utiles pour mobiliser et amener des changements de comportement, ont encore moins de capacités prédictives (parfois même inverses).

Alors, en cette période trouble sur les marchés financiers mondiaux, j’espère que nos voisins américains, tout empressés qu’ils seront de vouloir empêcher une répétition de la récente débâcle, sauront résister à l’envie de légiférer inutilement à nouveau et de tenter de règlementer à outrance les pratiques des conseils d’administration. A-t-on vraiment besoin d’un Tome II de la saga Sarbanes-Oxley ?


[1] Corporate Governance and Performance, Roberta Romano, Yale Law School, Conférence de l’IAS sur la gouvernance, Montréal, Sept. 2008
[2] http://movies.yahoo.com/movie/1808631706/info
[3] http://www.kenan-flagler.unc.edu/assets/documents/sustainabilityIndexSummaries.pdf
[4] http://www.sri-adviser.com/briefs.mpl
[5] http://www.boxofficemojo.com/movies/?id=crash05.htm
[6] http://money.cnn.com/magazines/fortune/fortune500/2008/

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#38 - Bulletin AMBAQ décembre 2008