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Président de Lacroix Groupe Conseil à Montréal, une firme qui offre des services de consultation stratégique en gouvernance, l’auteur était jusqu'à tout récemment, Vice-président investissements au Fonds de Solidarité FTQ et Vice-président du chapitre québécois de l’IAS. **** Les chroniques qui apparaissent dans ce blog sont rédigées puis publiées dans le bulletin mensuel de l'Association des MBA du Québec. À noter qu'elles ne reflètent que l'opinion de l’auteur **** Vous pouvez également obtenir plus d'infos sur certains des services en gouvernance que Lacroix Groupe Conseil est en mesure de vous offrir en allant voir le site web à : http://www.lacroixconseil.com

lundi 29 novembre 2004

Couverts, pas couverts…?

Empli d’une certaine fierté, vous avez récemment accepté de siéger au CA d’une entreprise de votre région. Échaudé par la couverture faite sur les risques associés à cette fonction, vous avez demandé à votre ami PDG si une police d’assurance «Administrateurs et dirigeants» était en place. Affirmatif, vous a-t-il répondu ! Alors aucun danger, n’est-ce pas ?

Au mieux, la réponse est peut-être. Les polices d’assurance diffèrent les unes des autres et il existe plusieurs niveaux de couverture plus ou moins efficaces. Leur valeur dépend des clauses négociées en fonction des déductibles, du risque de l’entreprise, de son historique (et potentiel) de réclamations et évidemment de son budget.

La police couvrira les manquements liés aux responsabilités, obligations ou devoirs imposés aux administrateurs, incluant notamment les erreurs et omissions et les sommes qui seraient dues en cas d’insolvabilité de l’entreprise (salaires impayés, DAS…).

Le problème est qu’il y a plusieurs situations particulières qui se doivent d’être considérées et qui feront en sorte que votre patrimoine familial pourrait, à votre insu, être mis en jeu un jour ou l’autre. Voici quelques cas ou la protection est généralement exclue :

1. Les situations de fraude et d’actes intentionnels, les causes pénales ou criminelles, les amendes et les pénalités ;
2. Les risques en matière d’environnement et de produits dangereux, et ce, même si la loi rend l’administrateur personnellement responsable ;
3. Les actes ayant procurés un avantage au réclamant (ex : délits d’initiés, compensation excessive, réclamation de dépenses de nature personnelle) ;
4. La diffamation, à moins de souscrire un avenant à cet effet ;
5. Les gestes posés à titre d’actionnaire (si distinguables de ceux effectués à titre d’administrateur) ;
6. Les actes commis après une fusion, consolidation ou acquisition qui n’aurait pas été déclarée à l’assureur ;
7. Les gestes posés par les observateurs et administrateurs de facto (à moins qu’ils ne soient aussi dirigeants) ;
8. Certaines polices récentes excluent même les risques liés à l’insolvabilité de l’entreprise.

D’autres problématiques sont liées à la nature même de la police. Ainsi, il existe deux types de polices d’assurance, soit des polices dites d’indemnité et d’autres de type responsabilité.

Dans le premier cas, l’assureur n’aura pas l’obligation de vous défendre. Vous devrez prendre le dossier en charge et vous faire indemniser après pour vos frais de défense et de règlement.

À l’opposé, la police responsabilité, beaucoup plus désirable pour vous, prévoit l’obligation pour l’assureur de prendre en charge votre défense.

Un autre élément important est la présence ou non de la clause dite de non opposabilité (severability) que les assureurs évitent de plus en plus d’offrir. Celle-ci vous protège en maintenant votre couverture en cas de fausse déclaration durant la souscription par un des coassurés (qui lui sera exclu). Avez-vous pris soin de lire et de vérifier ce qu’ils ont déclaré au cours de la demande initiale et ses renouvellements…?

Finalement, comme la plupart des polices couvrent un sinistre sur la base de sa date de déclaration, il y a lieu de s’assurer que la direction n’a pas omis, sous peine de perdre la couverture, de déclarer immédiatement tout sinistre connu qui pourrait être considéré par l’assureur comme une réclamation potentielle. C’est encore plus important si la firme a récemment changée d’assureur.

Vous voyez, ce n’est pas si simple que ça. Mon conseil, avant d’accepter une nomination : obtenez une copie du dossier (police et déclaration) et faites-la examiner par un courtier expérimenté. Demandez-lui de vous aviser de toute déficience potentielle vis-à-vis du niveau de risque que vous êtes prêt à tolérer, et ce, avant qu’il ne soit trop tard.

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#8 - Bulletin AMBAQ de novembre 2004

vendredi 29 octobre 2004

Tout ce qui monte, redescend…

Commençons par une histoire inventée qui parle de liberté d’action et du droit de profiter du fruit de ses labeurs. Imaginons un propriétaire d’entreprise, travaillant, entrepreneur modèle et créateur d’emplois. Sa compagnie est profitable, peu peut-être, mais ça le fait bien vivre.

Ça commence avec le gouvernements et ses impôts et taxes. Il est légitime pour tous et chacun, de tenter de minimiser sa facture d’impôts. C’est possible grâce aux zones grises générées par l’interprétation, de la façon qui les avantage le plus, des multiples règles existantes. Cependant, certains tasseront la ligne, toujours un peu plus loin, parfois jusqu’à ce que le gris se noircisse.

Et ça se poursuit si notre entrepreneur se prend des associés-employés à qui il concède peu, tout en maintenant le contrôle sur la machine distributrice à bonbons. Contrôlant le profit net et surtout les bonis de performance au gré des ajustements comptables via des salaires familiaux, des « bénéfices marginaux » et autres éléments de dépenses inusités.

Puis vient le goût de croître plus rapidement et il se décide à solliciter du capital de tiers, qui achètent une partie de l’entreprise avec l’espoir d’en tirer leur juste quote-part des bénéfices. Mais, même s’il convient de respecter toutes les règles de bonne conduite et de comptabilité, les vieilles habitudes refont rapidement surface lorsqu’il se convainc qu’après tout, c’est grâce à lui si la compagnie fait des bénéfices… Il est alors à la recherche d’astuces qui lui permettront d’augmenter sa part du gâteau au détriment de ceux qui lui ont confié leur argent en toute confiance :
  • Salaires et bonis démesurés;
  • Dépenses personnelles camouflées;
  • Ventes au comptant (qui disparaissent);
  • Ententes avec des fournisseurs ou clients qui l’avantagent personnellement.

Une caricature d'un entrepreneur fou ? Et bien c’est exactement ce que le comité du CA qui a enquêté sur les agissements de Sir Conrad Black a trouvé. Seulement, à plus grande échelle et amplifié par le fait que Black contrôlait la compagnie via des actions multi-votantes. Selon son actionnariat, c’est 18% des bénéfices des 7 dernières années qu’il aurait du encaisser, au lieu de 95% comme ils le prétendent.

Ils ont même inventé un néologisme pour qualifier l’attitude qui prévalait au sein de la direction du groupe en parlant d’un régime de « cleptocratie corporative ». Quelle belle image, quelle triste affaire.

Ce scandale additionnel ne vient que jeter plus d’huile sur un feu déjà passablement allumé. Il est aberrant que de tels abus puissent encore survenir au sein d’une compagnie publique. Depuis longtemps, Stephen Jarislowsky utilise l’exemple du CA d’Hollinger (ou il a déjà siégé à titre d’administrateur) pour illustrer la nocivité des actions à votes multiples et les nominations de copinage au sein du CA. Il a essayé de changer des choses mais devant l’impossibilité d’y parvenir, plutôt que de les cautionner, il a préféré se retirer et dénoncer leurs agissements.

Comment éviter qu’une telle situation surgisse au sein d’une compagnie privée ? En utilisant les mêmes éléments de réponses, notamment :

  • Transparence;
  • Indépendance des administrateurs;
  • Mise en place de processus de divulgation étanches.

Individuellement, à titre d’administrateur de compagnie, il vous faut éviter de vous rendre complice d’une telle situation. Vous êtes fiduciaire et mandataires de l’intérêt de tous les actionnaires, et non ceux de celui qui vous nomme. N’oubliez jamais que, comme le prédisait Newton, tout ce qui monte redescend…

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#7 - Bulletin AMBAQ d'octobre 2004

mercredi 29 septembre 2004

Coussins gonflables et gouvernance !

Imaginez mon désarroi, je travaille pendant des jours à élaborer un cours sur la gouvernance basé sur un postulat très simple, illustré par Richard Leblanc[1] dans une étude publiée en 2001 :

· De bons processus et une bonne structure d'un CA amène à son efficacité;
· L'efficacité du conseil devrait amener une meilleure performance de l'organisation;


À titre d'exemples pour illustrer chacun des éléments on pourrait mentionner les suivants :

Structure

  • Modes de fonctionnement;
  • Nombre d'administrateurs;
  • Comités et assemblées;
  • Nombre de réunions;

Processus

  • Rôles et leadership;
  • Recrutement et introduction;
  • Formation et évaluation;
  • Gestion des risques;

Puis je découvre une étude des plus sérieuses de Yvan Allaire et Mihaela Firsirotu. Ceux-ci ont interprété les données d'une étude du Globe & Mail d'octobre 2002 portant sur la qualité de la gouvernance dans les entreprises canadiennes en les classant au moyen de notes (allant de 0 à 100%). Les universitaires tentaient de corréler "bonne gouvernance" et "bonne performance". Leurs conclusions étaient pour le moins controversées. Notamment, les compagnies ayant les meilleures pratiques étaient loin d'être celle qui livraient les meilleures performances. Qui plus est, celles ayant obtenues les pires notes, semblaient obtenir des rendements supérieurs.

Vous comprendrez que cela jetait un gros pavé dans ma mare de tranquillités et de certitudes. Mais comme pour toute bonne religion, j'ai gardé la foi, conservé ma croyance dans le postulat, continué à l'enseigner et par temps perdus, cherché à comprendre ces "écarts".

Par rapport au postulat, mon premier constat est qu'il est fondé sur le mot "efficacité". L'efficacité, c'est le rapport entre les résultats et les buts visés, ça s'enseigne. On peut identifier les meilleures pratiques de gouvernance et un CA qui en fait toujours plus, devrait finir par arriver à des meilleurs résultats. Le problème en est un de ressources, quelle organisation (surtout une PME) peut se permettre de tout faire ?

Et c'est là que j'en ai déduit qu'il fallait probablement introduire dans l'équation la notion "d'efficience", soit le rapport entre les résultats et les moyens utilisés. Mais là, c'est une autre histoire, on parle d'éléments intangibles. L'efficience, mix de connaissances, compétence et d'expérience. Ça, c'est plus difficile à enseigner.

Ainsi, les pires cas de gouvernance des compagnies identifiés dans l'étude étaient des entreprises contrôlées par des individus ou familles du type hors du commun : Desmarais, Rogers, Greenberg, Audet. Des individus dans une ligue à part et souvent réputés pour leur efficience.


Peut-on penser arriver à introduire suffisamment d'efficience et d'efficacité dans les CA pour arriver à rendre les entreprises plus performantes ? Je le crois encore. Il faut bien commencer quelque part. Peut-être qu'un jour les études empiriques nous donneront les dosages exacts et l'ordre précis de mise en place des processus, mais entre-temps, le gros bon sens doit primer. Comme me le mentionnait Richard Joly MBA, il faut voir la gouvernance comme un coussin gonflable. Votre auto ne va pas plus vite, mais s'il arrive un accident, vous risquez d'en sortir moins amoché. Ça c'est performant !

[1] Getting Inside the Black Box: Problems in Corporate Governance Research, R Leblanc, York University, Toronto
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#6 - Bulletin AMBAQ d'août-sept 2004

mardi 29 juin 2004

L'évolution de l'évaluation

"Ce qui ne se mesure pas, ne se gère pas ! ", un vieux dicton d'affaires qui a sa place même au sein d'un CA. Combien d’entre vous participez à chaque année à des conseils sans jamais vous interroger à savoir si vous remplissez bien votre tâche individuellement et en groupe. Un confrère me soulignait récemment qu’on devient membre d’un CA, un rappel anatomique, qui suggère qu’un corps ne fonctionne bien qu’avec tous ses membres et au surplus, uniquement s’ils sont coordonnés entre eux.

Pour pouvoir évaluer un conseil ou ses administrateurs, il faut tout d’abord avoir précisé le rôle et les performances attendues des administrateurs, du président du conseil, des comités et du PDG. C’est là une première étape essentielle. Par la suite, un plan échelonné dans le temps devrait être élaboré, transmis et expliqué aux administrateurs afin qu’ils comprennent bien vers quoi ils se dirigent.

Ainsi, lorsque l’on considère implanter un processus d’évaluation de la performance, on se doit de débuter par le PDG et son équipe. Subséquemment, on peut passer au CA (en tant que groupe), aux comités, puis aux administrateurs individuellement. Il est probable que l’évaluation des dirigeants sera plus axée sur la réalisation d’objectifs, tandis que celles du CA et des administrateurs devraient être plus orientée sur la valeur ajoutée.

Afin de faciliter l’implantation, on recommande généralement de débuter avec un processus d’auto-évaluation, effectué par chacun des membres, qui compare alors sa perception, de sa performance, avec les attentes précisées initialement (les réponses étant compilées par le président du CA ou un tiers externe ayant la confiance des administrateurs). Une rétroaction est ensuite donnée aux administrateurs qui devraient alors pouvoir évoluer et s’améliorer sur une période d’un ou deux cycles d’évaluation.

Une fois cette étape franchie, on est probablement prêt à passer à la prochaine, soit l’évaluation par les pairs. Délicat, car bien que plus exacte, cette procédure implique un certain niveau de maturité et de confiance. Il importe alors de maintenir un esprit constructif au conseil pour lui permettre de se doter d’un outil pour évaluer ses forces et ses faiblesses et progresser positivement.

Par la suite, les administrateurs pourront élaborer un programme de formation ou encore des activités spécialisées ayant pour but d’élever leur niveau de compétences, en fonction des faiblesses identifiées.

Le conseil doit également être disposé à agir lorsqu’un consensus se dégage à l’effet qu’un membre, non seulement ne rencontre pas les attentes, mais n’arrive pas à corriger le tir et ce, malgré les interventions ou suggestions formulées.

Un élément important à retenir : le niveau de confidentialité attaché à l’information recueillie sera en relation directe avec sa qualité. Il faut donc que la personne au centre de la collecte de l’information (généralement le Président du CA) jouisse d’une crédibilité hors de tout doute afin que les membres disent réellement ce qu’ils pensent. Ainsi, dans certains cas, il se peut que l’on doive faire appel à une ressource externe pour piloter l’exercice (surtout la première année).

Le processus d’évaluation se doit d’être inclus dans votre stratégie de gouvernance d’entreprise, au même titre que ceux couvrants le recrutement, l’orientation et la formation. Une fois bien rodé, il devrait vous permettre d’augmenter la performance de votre CA et à terme, celui de votre organisation.

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#5 - Bulletin AMBAQ de Juin-Juillet 2004

mercredi 26 mai 2004

Gouvernement sans gouvernance ?

C'est vrai qu’à première vue on pourrait être tenté de croire que le secteur public n’est pas concerné par la régie d’entreprise, mais il existe des gouvernements depuis bien plus longtemps qu’il n’y a des CA et de la gouvernance… Par contre, les notions d’actionnaires et l'atteinte d'un but commun (accroissement de la valeur) semblent absentes. En fait c’est là le cœur du problème ! En effet, on retrouve dans le secteur public une multitude de détenteurs d’intérêts qui militent, tout un chacun, en faveur d'objectifs divergents.

Si on regarde de près les deux systèmes (public et privé), on s’aperçoit qu’ils sont semblables sur plusieurs aspects. En démocratie, le citoyen joue l’équivalent du rôle de l’actionnaire. On doit seulement comprendre que le système public est plus complexe (plus d’étages hiérarchiques). et doit reposer sur des fondations solides, notamment :

· Le rôle de l’Agent qui gère le bien d’autrui;
· La nécessité d’avoir une indépendance d’esprit;
· L’absence de conflit d’intérêts;
· Des nominations basées sur la compétence;



Au cours des dernières années, en plus des scandales financiers, nous avons eu droit aux scandales politiques. Si on les décortique, on se rend compte que dans plusieurs cas, les mêmes règles de base d’une saine gouvernance avaient été quelque peu "oubliées" :

· Nominations politiques ou partisanes au détriment des qualifications et de la compétence;
· Manque de vision commerciale (productivité);
· Manque d’imputabilité face aux objectifs à atteindre;
· Processus de régie mal définis ou conçus;
· Ingérence et influence, lorsqu’un élu permet qu’on utilise des ressources publiques à des fins non liées à son mandat principal;

Alors, comment faire mieux et rapidement pour s'assurer que nos bons gouvernements gèrent le bien d'autrui plus efficacement ? Je suggérerais les points suivants :

· Appliquer autant que possible les concepts :

  1. d’Agent et de Principal (théorie de l'Agence par laquelle on sépare le contrôle des ressources de la compagnie de ses nombreux actionnaires pour le confier aux administrateurs, qui agissent comme agents. Les actionnaires ne peuvent les forcer à agir sur une décision donnée, que les remplacer si insatisfaits);
  2. d’indépendance des agents et mandataires;
  3. d’imputabilité;
  4. du NIFO ("Nose In - Fingers Out), le rôle du CA n'étant pas d’initier ou d’arrêter les actions de la direction mais de les orienter;

· Comprendre les rôles des administrateurs et les faire appliquer;
· Appliquer les meilleures pratiques de gouvernance;
· Recruter et évaluer stratégiquement les administrateurs et hauts dirigeants.

Notre pouvoir comme citoyen réside dans le même outil que celui des actionnaires, celui du vote, qui est malheureusement trop souvent pris pour acquis. Tout ça me fait penser à une phrase d'André Bérard (de la Financière Banque Nationale) qui disait que : « les CA c’est comme les gouvernements, on a ceux qu’on mérite ». Peut-être a-t-il raison … ?


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#4 - Bulletin AMBAQ de Mai 2004

jeudi 29 avril 2004

Est-il déjà trop tard ?

Récemment, j’ai eu à réfléchir tant sur les raisons pouvant mener un entrepreneur à considérer la formation d’un CA que le meilleur moment pour le faire. La première réponse qui m’est venue à l’esprit est, qu’en général, il le fait lorsqu’il est trop tard.

En effet, parmi les situations fréquentes à l’origine d’un CA on retrouve :

  • Association avec un partenaire stratégique;
  • Évaluation de dossiers complexes tels fusion ou acquisition;
  • Élargissement de l’actionnariat.

Ce sont là des décisions qui excèdent parfois les compétences d’un entrepreneur. Pourtant, lorsqu’elles se présentent, l’heure est à la décision et non à celle de former un CA pour en discuter. Il faut comprendre que le temps requis pour mettre sur pied la structure appropriée et les processus minimaux pour rendre un CA efficace, se compte en nombre d’années, et non en mois.

Le chemin à suivre passe par la prise de conscience par l’actionnaire fondateur que des tiers externes, indépendants et compétents, peuvent influencer positivement la destinée de son organisation. Que la somme des compétences d’un CA efficace excède celles de son PDG.

Par la suite, plusieurs étapes sont requises sur une certaine période pour le former. Au préalable, on retrouve à l’interne :

  • Compléter la composition d’une équipe de direction;
  • Avoir la capacité de générer de l’information décisionnelle;
  • Posséder des habiletés à résoudre des problèmes en équipe.

Lorsque la compagnie possède enfin les ressources pouvant être allouées au processus de régie d’entreprise, il lui faut alors :

  • Définir ses attentes, notamment quant au rôle du CA et de ses administrateurs;
  • Procéder au recrutement d’administrateurs basé sur leurs compétences, expériences et expertises;
  • Mettre en place une structure et des processus de gouvernance.

Par la suite, il faut laisser le temps au temps de faire son travail. Le groupe ainsi formé doit apprendre à travailler ensemble. Il doit se choisir un président qui saura exercer un leadership permettant d’extraire le meilleur des connaissances possédées par les membres. Ces derniers doivent également apprendre à contribuer activement à l’essor de l’organisation en lui fournissant conseils, contacts et stratégies.

Le processus de mise sur pied d’un CA peut être imposé par des investisseurs, forcé par une situation, ou décidé par les actionnaires. Mais une chose m’apparaît certaine, sa facilité d’implantation sera inversement proportionnelle à la force des éléments externes qui militent pour l’instaurer. Les chances que cela se fasse en douceur augmenteront de façons substantielles, si les actionnaires et la direction ressentent le besoin de mettre en place un CA, avant qu’il ne soit déjà trop tard et qu’on ne leur impose…

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#3 - Bulletin AMBAQ d'Avril 2004

vendredi 26 mars 2004

Les options du diable

Ironiquement, je me suis retrouvé à un party de Noël seul en train de défendre le concept des options d’achat d’actions, qualifiées de « criminelles » par mes copains. J’ai tenté d’expliquer que les situations aux USA ayant provoqué Sarbanes-Oaxley avaient peu de comparables ici. J’ai même défendu John Roth, porté au pilori, considérant ce qu’il avait fait comme immoral mais non illégal. Il avait joué la « game » selon les règles connues, au vu et au su de tous (trop aveuglés pour lire les signaux). On ramenait l’image du pauvre actionnaire qui ne pouvait savoir. Et bien, à mon avis, ils n’avaient tout simplement pas d’affaires à transiger spéculativement des actions d’entreprises dont ils ne comprenaient pas les enjeux (ha, quand l’appât du gain facile nous tient…). Lorsqu’un actionnaire n’a pas d’influence et qu’il pense qu’il se fait flouer, deux choix s’offrent à lui, vendre ses actions ou se demander ce qu’il fait là….

Mais le marché semble vouloir imposer un régime minceur aux généreux programmes de rémunération incitative des dirigeants. Je crois que c'est bien ainsi, spécifiquement pour les grosses entreprises publiques. Et là s’arrête ma concession. Car voyez-vous, je crois à la valeur d’un bon programme d’options pour les autres situations. Non seulement permettent-elles de rémunérer adéquatement des administrateurs externes, indépendants et qualifiés (sans affecter l’encaisse), mais également d’aligner leurs objectifs avec ceux de création de valeur à long terme de l’organisation.

Bien sur que lorsque des administrateurs de compagnies publiques ont trop d’options (et pas assez d’actions) leur vision peut s’embuer… Si une situation est propice à un gain rapide, au lieu de représenter l’ensemble des actionnaires, diaboliquement, ils peuvent se mettent à protéger l’intérêt des « optionnaires ». Pourtant, des solutions existent :

· obliger à déclarer d’avance l'intention de transiger;
· éloigner la date d’exercice de la date d’octroi;
· ne jamais procéder à des « re-pricing »;
· obliger une détention d’action minimale;
· durée de détention minimale des actions acquises via options;
· remboursement des gains si les états sont redressés.

Des entreprises réagissent, notamment les Banques TD et Nationale qui ont récemment exigées que leurs initiés déclarent à l’avance leur intention de transiger et imposées une détention d'actions minimales. Pensez-vous que si de telles règles avaient prévalues chez Nortel, que son PDG aurait agit de la même façon ? J’en doute fort.

Une autre de mes croyances se résume caricaturalement par la phrase : « Pay peanuts, Get monkeys ! ». Recruter des bons administrateurs est de plus en plus difficile, surtout sans compensation adéquate vis-à-vis les risques encourus qui s'accroissent. À cet égard, les options représentent un outil des plus intéressants. Surtout si on considère que l'absence de liquidité liée aux actions de compagnie privée permet aux PME d'échapper aux pièges liés aux options. Je pense qu'il s'agit d'une pratique à encourager et maîtriser, afin d'accroître les chances pour les organisations de se doter d'un bon CA et ainsi aspirer à une gouvernance efficace.

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#2 - Bulletin AMBAQ de mars 2004

jeudi 26 février 2004

Régir la régie

Un avocat m'a récemment confié qu'il avait recensé jusqu'à 63 lois différentes ayant un impact sur les administrateurs. On comprendra que leurs rôles et responsabilités sont premièrement définis de façon légale ou statutaire. Et bien, malgré le fait que chaque compagnie se doit de composer un CAdm, on dénombre très peu de programmes de formation portant sur la régie d'entreprise.

Mais c'est quoi la bonne gouvernance ? Je dirais que c'est l'ensemble des meilleures pratiques issues des obligations légales, statutaires ou réglementaires imposées au fil des ans aux compagnies, auxquelles s'ajoutent des chapitres de gros bon sens, de réflexions stratégiques et d'expérience, et dont l’objectif est d’accroître la solidité, la viabilité et la compétitivité (la performance quoi) de l’entreprise. Il n'est donc pas donné à tous d'être au summum de la connaissance sur le sujet.

Les administrateurs sont de provenances multiples et possèdent donc des compétences à géométries variables. Il en résulte des niveaux de performance inégaux, allant même jusqu'à une mécompréhension du rôle qu'ils leur incombent de jouer. Cette situation, acceptable pour l’actionnaire seul, se complexifie si l'actionnariat est multiple. C’est là qu’apparaît le besoin de nommer des administrateurs externes et indépendants.

J'ai souvent demandé lors de colloques sur la gouvernance si les administrateurs devraient être soumis à un Ordre professionnel ? Chaque fois pour diverses raisons (déjà expérimentés, nombreuses associations, gouvernement envahissant, …), la réponse reçue est un "NON" catégorique. Mais comme les administrateurs sont nommés directement par les actionnaires, doit-on réglementer pour tenter de les protéger de leurs mauvais choix potentiels ?

Il existe un Ordre professionnel des "Administrateurs Agréés", mais ce dernier couvre les professionnels de l'administration et de la gestion au sens large. Peut-être devrait-il encadrer les gestes des "administrateurs" de CAdm plus spécifiquement ?

Récemment, j’ai posé la question à des étudiants du MBA qui m’ont fourni une panoplie de bonnes raisons justifiant une telle action :
- Compréhension accrue du rôle;
- Maintien des compétences dans le temps;
- Assurances responsabilité obligatoire;
- Connaissance des modes d’évaluation;
- Identification de nouveaux candidats, élimination des mauvais.

Dans tous les cas, un Ordre aiderait à définir le rôle et le corpus de connaissances minimalement requises pour un administrateur indépendant.

La protection du public et des petits actionnaires serait bonifiée par l'introduction de professionnels plus connaissants en gouvernance et astreints à des règles et normes concernant leur formation, indépendance et conduite.

La problématique régionale (aucun Ordre n’existant ailleurs) serait résolue par le fait qu'il s'agirait d'un champ de pratique non exclusif pour lequel, l’Administrateur professionnel posséderait une crédibilité accrue, sans obligation pour les entreprises de recruter des administrateurs ainsi accrédités.

Sachant bien que formation et connaissances n’adéquationnent pas nécessairement compétences et expérience, je persiste à penser qu’il s’agirait d’un pas dans la bonne direction vers de meilleures performances.

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#1 - Bulletin AMBAQ de février 2004