Qui suis-je ?

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Président de Lacroix Groupe Conseil à Montréal, une firme qui offre des services de consultation stratégique en gouvernance, l’auteur était jusqu'à tout récemment, Vice-président investissements au Fonds de Solidarité FTQ et Vice-président du chapitre québécois de l’IAS. **** Les chroniques qui apparaissent dans ce blog sont rédigées puis publiées dans le bulletin mensuel de l'Association des MBA du Québec. À noter qu'elles ne reflètent que l'opinion de l’auteur **** Vous pouvez également obtenir plus d'infos sur certains des services en gouvernance que Lacroix Groupe Conseil est en mesure de vous offrir en allant voir le site web à : http://www.lacroixconseil.com

mercredi 30 novembre 2005

Le scandale Norbourg

Il est difficile de passer sous silence le nombre de scandales récemment mis à jour dans notre coin de pays (Zénith, Argentum, Norshield), mais le plus médiatisé de l’heure est certainement celui du groupe Norbourg, présidé par Vincent Lacroix (aucuns liens avec l’auteur de ces lignes…).

Plusieurs questionnements nous viennent rapidement à l’esprit, que ce soit à propos :
· de l’entreprise (où est l’argent ?);
· ses dirigeants (qui a participé à la fraude ?);
· ses compagnies affiliées (sont-elles encore solvables ?);
· des courtiers (certains ont-ils indûment profités de la situation ?);
· des organismes de réglementation (ont-ils fait leur boulot ?);
· des clients eux-mêmes (savaient-ils avec qui ils transigeaient ?).

Je vais laisser le soin à la justice de suivre son cours et de tenter de faire tout l’éclairage sur la situation, mais je ne peux m’empêcher de me demander : Où étaient les administrateurs externes et qu’ont-ils faits ?

Des journalistes ont mis en lumière le fait que Vincent Lacroix avait entrepris un processus visant à recruter des personnalités du monde de la finance pour former un CA indépendant. Loin de moi l’idée de vouloir blâmer les personnes recrutées (ou en cours de l’être…) à propos de la fraude s’ils n’y ont pas participé. Par contre, s’il y avait un CA, il revenait aux administrateurs d’assumer leurs rôles. On s’entend généralement pour dire qu’ils incluent entre autres (en lien avec notre sujet) de :

· suivre les résultats (opérationnels et financiers);
· fournir des opinions critiques et obtenir des assurances sur l’exactitude et l’intégrité de l’information financière;
· s’assurer que les risques de l’entreprise sont identifiés et gérés;
· s’assurer d’une conduite légale et éthique appropriée, tant de l’entreprise que de ses dirigeants.

On constate qu’on peut se retrouver bien démuni face à ces devoirs plus ou moins bien accomplis, lorsque l’on a gracieusement accepté de s’associer au CA d’une entreprise toute reluisante à l’extérieur, et que l’on se retrouve au cœur d’un tel scandale. Outre d’être présent, diligent, de poser des questions et de s’assurer d’obtenir des réponses, à titre d’administrateur, on demeure tributaire de l’information que nous fournit la direction et il peut s’avérer difficile de la mettre en doute.

Conséquemment, je ne saurais trop conseiller à tout administrateur potentiel de faire certaines vérifications avant d’accepter de joindre le CA d’une entreprise, quelle qu’elle soit.

Préalablement à une acceptation, il devrait :
· être conscient de ses rôles, obligations et responsabilités;
· se questionner à savoir s’il est disponible (par rapport au temps requis) et sur l’existence de conflits d’intérêts potentiels;
· s’informer sur les véritables raisons pourquoi il est sollicité et s’enquérir des faits d’armes des autres administrateurs et de la nature de leurs relations avec les dirigeants;
· lire les PV et les états financiers vérifiés des 2 dernières années, le plan d’affaires et la revue de presse de l’entreprise pour bien comprendre son modèle d’affaires;
· discuter avec les principaux actionnaires, le Président du CA et le PDG de la qualité des informations qu’il va recevoir et du processus décisionnel et ensuite;
· obtenir une attestation de conformité quant respect des lois environnementales et au paiement des DAS et des salaires;
· Si possible, faire une vérification des poursuites contre la compagnie, ses dirigeants ou administrateurs.

Être administrateur vous intéresse toujours ? Alors, tout comme pour vos placements, sachez avec qui vous faites affaires.

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#17 - Bulletin AMBAQ de novembre 2005

dimanche 30 octobre 2005

Pay Pay Pay…

À mon avis, les PPP visent l’atteinte d’objectifs publics par l’usage de moyens privés. À la base, le concept mise sur l’expertise, la spécialisation ou les économies d’échelle (donc l’efficacité et la bonne gestion) d’un partenaire privé et ce, afin de réduire le coût final global de la prestation d’un service pour l’ensemble des contribuables. Le partenariat vise donc un partage « équitable» entre l’état et l’entreprise privée de cette économie d’expertise (son profit). Jusque là, ça va.

Cependant, lorsqu’on parle de la gouvernance d’un tel projet, on peut facilement imaginer certains écueils. Rappelons nous que les administrateurs d’une organisation sont redevables envers l’ensemble de leurs actionnaires également et ce, dans le meilleur intérêt à long-terme de la compagnie.

Mais comment structurer les PPP et leurs conseils d’administration pour arriver à balancer des intérêts aussi opposés que la maximisation des profits pour l’un versus les services pour l’autre.

Comme la notion d’objectif public implique presque toujours des valeurs et des objectifs sociaux, il faut se demander comment réconcilier tout ça avec une notion de profitabilité. Par exemple, comment arriver à rendre une prison plus humaine lorsque l’on est contraint à respecter un coût annuel maximal par prisonnier? Comment maintenir le BAIAA stable tout en évitant d’augmenter le coût de l’eau ou du passage sur l’autoroute pour ceux qui sont moins en moyens ?

Tout dépendant des contrats qui définiront qui, du partenaire privé ou public, contrôlera la majorité des décisions liées à la performance et à la tarification, on se retrouvera dans des situations plus ou moins difficiles à gérer au niveau du conseil d’administration.

Des modèles d’ententes contractuelles devront être développées pour permettre le partage équitable des risques, afin de compenser, également et adéquatement, pour le partage des profits consentis au privé. Mais un modèle de gouvernance axé principalement sur la mécanique des contrats risque d’être extrêmement difficile d’application, en dehors des zones de conflit d’intérêts.

En réponse à la problématique et basé sur des projets déjà réalisés, le CIRANO[1] travaille à développer un cadre de gouvernance pour les projets d’infrastructure publique au Québec (le type de projet le plus susceptible d’être « pppaysé »). Sans doute reconnaissant que, sans une bonne gouvernance, les grands projets peuvent s’avérer de grands échecs coûteux. Reste à savoir s’ils arriveront à définir un cadre applicable et efficace.

Collectivement, on va devoir définir à qui la reddition de compte doit s’adresser, au public ou aux actionnaires des entreprises privées impliquées dans les co-entreprises. Certains pays semblent y parvenir (notamment l’Angleterre). Avant d’aller trop loin, il serait peut-être prudent d’aller étudier comment se gèrent ces entreprises à haut niveau.

Certes, il est probablement légitime de penser que les PPP permettront la réalisation de projets qui autrement, faute de fonds publics, resteraient sur les tablettes. On peut aussi croire qu’on renonce, pour un même coût, à accroître la qualité de certains services reçus et actuellement donnés par le gouvernement.

Mais pour y arriver, il faudra d’abord établir les balises qui délimitent les rôles de l’état et ce qui peut légitimement être privatisé (directement ou en partenariat avec les entreprises). Il faut surtout éviter de tomber dans le piège de la privatisation des profits et de la socialisation des coûts et des risques.

[1] Centre Interuniversitaire de Recherche en ANalyse des Organisations basé à Montréal

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#16 - Bulletin AMBAQ d'octobre 2005

vendredi 30 septembre 2005

Les élèves de la relève

Quand doit-on parler de relève en matière de gouvernance ? Lorsque :

· trop de nouveaux CA et de postes d’administrateurs sont créés ?
· qu’on manque de candidats qualifiés ?
· ceux déjà en poste doivent quitter ou sont rendus « périmés » ? ou simplement,
· comme dans toute bonne organisation, on se demande quelles personnes succèderont à celles qui sont en place…?

Rares sont les sujets tout blanc ou noir et cette question ne fait pas exception, alors, toutes les réponses sont bonnes. Oublions pour quelques instants les grosses compagnies publiques où on ne manquent pas de copains à inviter; regardons plutôt la situation d’une PME typique faisant face à une des situations. Vers qui peut-elle se tourner ? Où peut-elle regarder pour dénicher des administrateurs qualifiés lorsqu’elle doit trouver une nouvelle ressource.

En réponse à cette question et aux besoins criants de formation, un phénomène s’est développé au Québec au cours des deux dernières années : la formation de haut niveau. J’ai pris connaissance de 3 initiatives, celles :

1. de l'Institut des Administrateurs de Société (« IAS ») qui, en partenariat avec l’Université McGill a développé le volet francophone du « Programme de Perfectionnement des Administrateurs » de son École Supérieure de Régie d’Entreprise;
2. de la Caisse de dépôt et placement du Québec qui avec l’Université Laval et l'Autorité des Marchés Financiers a mis sur pied le « Collège des administrateurs de sociétés »;
3. de Stephen Jarislowsky qui en collaboration avec les HEC et l’Université Concordia vient de lancer « l'Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques »;

On constate la prolifération de ces nouveaux programmes qui ont pour objectifs l’établissement et la promotion de hauts standards en matière de gouvernance adaptés à notre environnement. Souvent de types exécutifs (12 à 15 jours de formation), ils offrent à des individus possédant un certain vécu des modules traitant des meilleures pratiques et des diverses façon d’aborder les situations complexes au sein d’un CA.

Pour avoir personnellement eu la chance de suivre celui de l’IAS, je peux vous dire qu’il s’agit là d’une expérience incroyablement bénéfique. D’ailleurs, plusieurs de mes collègues membres de CA de grosses compagnies ont reconnu les bienfaits d’une telle mise à niveau, même pour eux…

Si on combine cette formation avec des expériences concrètes de haut niveau sur le terrain, on accroît les chances que l’administrateur, non seulement comprendra bien son rôle, mais connaîtra les meilleures pratiques et visera à les mettre en place au sein des CA où il siège.

Il est évident que de suivre une formation ne transformera pas le modeste gestionnaire en super administrateur du jour au lendemain. Mais c’est là un élément concret visant à s’assurer de l’établissement d’un corpus minimal de connaissances à maîtriser pour prétendre être en mesure d’occuper la fonction.

Je finis donc par arriver où je voulais en venir, soit que dans un proche avenir, les entreprises auront accès (via les répertoires de finissants) à un bassin élargi d’administrateurs non seulement expérimentés, mais également formés en « bonne gouvernance». Ils seront plus faciles à identifier et à recruter. On pourrait même espérer l’émergence d’une nouvelle profession, qui sans avoir un champ de pratique exclusif, pourrait offrir un sceau de qualité sur des membres qui adhèreraient à un code d’éthique et qui prendraient soin de se garder à jour en terme de connaissances.

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#15 - Non publié

jeudi 30 juin 2005

« Pay peanuts, Get monkeys…»

Alors que j’écris cette chronique, Paul Tellier fait les manchettes dans les médias pour avoir touché près de 6 millions de $ lors de son départ du poste de PDG de Bombardier. La tentation est forte de parler de rémunération des hauts dirigeants (et de ses excès fréquents), mais je vais me retenir et me limiter à celle des administrateurs (et de sa chasteté récurrente…).

Vous me voyez venir ? J’en ai déjà discuté, mais j’ai à cet égard une opinion qui ne fait pas nécessairement l’unanimité. Faisons tout d’abord quelques constats sur l’évolution du rôle d’administrateur au cours des dernières années :

  • Accroissement des responsabilités
  • Accroissement des risques
  • Augmentation du temps requis

Si on exclue les compagnies publiques (parce qu’elles payent) et les OSBL (parce que c’est compréhensible), à mon avis, les conseils d’administration versent encore trop fréquemment des rémunérations modestes. Cette façon de faire est souvent basée sur une attitude qui assimile le rôle d’administrateur à celui d’un bénévole. On suppose l’administrateur prêt à partager gracieusement avec d’autres ses expériences passées. En fait, cela suggère que les actionnaires croient que l’on peut s’adjoindre du « talent » sans avoir à payer pour, et à mon grand désarroi, ils ont souvent raison... Cela permet de perpétuer le mythe à l’effet que c’est ainsi que cela doit se faire.

Mais pourquoi un haut dirigeant accepte t-il un tel poste sans une rémunération adéquate ? On peut imaginer diverses raisons dont les suivantes :

  • Par altruisme ou pour aider un ami
  • Pour partager ses succès commerciaux antérieurs
  • Pour la gloire
  • Pour avoir accès au « réseau »
  • Pour pouvoir entrer dans le club…
  • Pour les autres avantages

Si certaines de ces raisons sont honorables, les autres sont moins acceptables. En effet, la gratuité peut facilement devenir l’excuse pour la non-performance et la non-indépendance.

Comment puis-je blâmer mon vieil ami qui n’a pas assisté aux deux derniers CA. Il est actuellement bien plus préoccupé par les problèmes que subits son entreprise que par les miens… Une rémunération raisonnable me permettrait-elle d’exiger de la performance, même d’un ami ?

Aussi, pourquoi ne pas donner un mandat de consultation à mon autre bon ami qui me supporte si vaillamment dans notre projet d’expansion, sans compter qu’il est là depuis si longtemps ?

Mon expérience d’administrateur de PME me permet de croire que l’on peut faire fonctionner un CA (tout frais compris, incluant : jetons, assurances, comités, consultants, formation et autres activités) et rémunérer 3 ou 4 administrateurs externes, indépendants, compétents et disponibles, pour un budget équivalent au salaire d’un des exécutifs de l’entreprise (plus elle est grosse, plus le salaire est haut et plus le budget est élevé, ce qui permet d’ajuster en fonction des besoins).

Une autre façon est d’estimer le temps requis (préparation, réunions, visites, lectures, formation) et d’utiliser un taux horaire raisonnable (pouvant aller de 150$ à 250$ de l’heure) pour établir une rémunération annuelle raisonnable.

Si on y ajoute quelques options d’achat d’action (ouffff… je vois déjà des boucliers se lever… mais voir ma chronique de Mars 2004 sur le sujet), on arrive à établir une enveloppe qui non seulement permet d’enligner leurs intérêts avec ceux des actionnaires, mais qui tient compte de la quantité et de la qualité des efforts fournis.

Selon moi, il s’agit d’un coût tout à fait raisonnable quand on considère tous les avantages qu’on peut en retirer. Mais surtout, le fait de payer me donne le pouvoir d’exiger. Exiger qu’ils soient disponibles, responsables, impliqués et à l’affût, indépendants d’esprit, des ambassadeurs motivés quoi !

Actionnaires, il est temps de se questionner à savoir si les bon vieux jetons de 300$ ou 500$ sont encore pertinents.

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#14 - Bulletin AMBAQ de Juin-Juillet 2005

lundi 30 mai 2005

Un nouveau poste (CGO) dans l’organigramme ?

En matière d'obligations et de responsabilités d'administrateurs, depuis 2 ans, une loi n'attends pas l'autre et les normes s'accentuent. Le contexte se complexifie et s'alourdit sans cesse. Lors d’une conférence récente sur la régie d’entreprise, j’ai été surpris par une citation de James Lundy du Gartner Group qui affirmait que « 75 % des compagnies du Global 500 auront un CGO[1] d’ici l’an 2006 ». Le groupe, composé d’administrateurs de sociétés chevronnés, a alors entamé une discussion sur les rôles perçus d’un tel exécutif et à qui il devrait se rapporter. Le consensus était qu’il devrait être là pour assurer la conformité de l’organisation aux diverses lois et règlement ainsi que bonifier les pratiques de gouvernance du CA et que c’est là qu’il devrait se rapporter.

J’ai pris sur moi de contacter l’auteur de la citation et d’un article[2] détaillant sa position afin de discuter des éléments entourant sa prédiction. Il y décrit notamment :

1) Les rôles et responsabilités d’un CGO :
o établir les politiques et procédures;
o les communiquer;
o les superviser;

2) Le profil idéal :
o légal;
o finances;
o opérations;
o systèmes; et

3) Les raisons qui militent pour sa nomination :
o contexte légal (SOX) et normatif (bourses);
o internationalisation;
o internet.

Il conclut en disant que le CGO devrait avoir un mandat large, du pouvoir, des ressources et se rapporter au CA. Il indique que pour les moins grandes entreprises, la fonction (probablement temporaire) pourrait être partagée entre plusieurs exécutifs.

Lors de notre discussion, il m’a confirmé qu’il ne se passait pas une semaine (aux USA) sans qu’il ne voit une annonce pour un « Chief Compliance Officer » et c’est ce qui m’a surpris le plus. Le poste décrit était axé sur la conformité (« compliance ») de l’organisation bien plus que sur la gouvernance et les meilleures pratiques en régie d’entreprise du CA et de la compagnie.

À mon avis, ce qui manque à une telle approche est l’absence de préoccupations relatives à l’adoption des meilleures pratiques en gouvernance (tant par le CA et ses membres que par l’organisation), la gestion des risques et les processus de dénonciation (« whistleblowing »). Il faut souligner que la multiplicité d’expertises requises requiert des individus non seulement exceptionnellement diversifiés mais également capables de composer avec toutes les embûches qui ne tarderaient pas à se mettre en travers de leurs fonctions.

De plus, la création d’un poste relevant du CA (et non du PDG) risque non seulement de créer des conflits de pouvoir, mais également d’insinuer un manque de confiance envers ce dernier. Par contre s’il se rapporte au PDG, on comprend qu’il faut oublier d’agir sur les pratiques du CA.

À bien y penser, peut-être que le secrétaire corporatif ou le président du comité de gouvernance du CA peut assumer ce rôle en ayant accès aux ressources qui sont mises à la disponibilité du CGO. À terme, on pourrait penser que, le CGO aurait le même rapport avec le comité de gouvernance que le CFO avec le comité de vérification.

Alors, bien qu’on pourrait croire qu’il s’agit d’une bonne initiative, ce n’est probablement pas pour demain qu’on verra des compagnies publiques québécoises (encore moins des PME) créer un tel poste au sein de leur organigramme.


[1] CGO : « Chief Governance Officer » - Chef de la direction gouvernance
[2] “Demand is Growing for a Chief Governance Officer”, M.R. Gilbert et J Lundy, Gartner Group, septembre 2003 (non disponible sans frais)

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#13 - Bulletin AMBAQ de Mai 2005

samedi 30 avril 2005

De l’éthique ou de l’esthétique !

Mot à la mode par les temps qui courent, l’éthique se fait galvauder et est utilisé à bien des sauces, fréquemment poétiques. L’éthique se définit par l’organisation qui s’y assujetti. Ce n’est pas une fin en soi et elle varie passablement d’une entité à l’autre.

Ce qui n’est pas éthique, n’est pas nécessairement illégal, ni même immoral…

Dans une compagnie, il revient aux administrateurs de décider à quelle hauteur on va fixer la barre. C’est un de ces rôles à valeur ajoutée qu’ils se doivent d’assumer. À cet titre, si l’exercice vous intéresse, l’Ordre des CMA publie[1] un recueil intéressant portant sur la conception et la mise en place d’un code d’éthique en 3 phases :

1. Gestion axée sur la conformité
2. Gestion axée sur de bonnes relations avec les intéressés
3. Créer une organisation fondée sur les valeurs d’éthique

Ces phases étant progressives et basées sur une évolution positive dans le temps des valeurs éthiques au sein d’une entreprise.

Mais un tel exercice ne revient-il pas à placer les détenteurs d’intérêts de l’entreprise à un niveau de plus en plus élevé et ce, au détriment des intérêts des actionnaires ? Une compagnie peut-elle faire bien en faisant le bien ? Un homme d’affaires confronté à une décision doit-il considérer des éléments autres que ceux ayant des impacts économiques (tel que sociaux, SST, environnementaux,…) ?

De hauts standards éthiques ne se transposent pas nécessairement en une bonne performance financière. En faisant ma recherche, j’ai constaté qu’il existe plusieurs études contradictoires sur le sujet. Je retiens celle du Institute of Business Ethics[2] qui semble confirmer qu’il existe une corrélation entre les 2, pour de grandes entreprises publiques anglaises. On a tous été à même de constater que bien que peu ou pas récompensée par les marchés, l’absence d’éthique (ou sa déficience) peut être cruellement punie (Nike, Mc Donald, Arthur Andersen, Gildan).

L’éthique est-elle devenue une nouvelle norme pour juger de la performance d’une organisation ? Devra t-on développer de nouveaux indicateurs tel le ROV : « Return on values » ? Généralement, le réflexe d’élever les standards éthiques découle de la certitude que cela va bénéficier les actionnaires à long terme. On revient à la case départ.

En fouillant sur le net, je suis porté à croire qu’une majorité associe encore l’éthique aux scandales (financiers et comptables), alors qu’ils sont plutôt des problèmes de fraude. Selon moi, le premier est un état d’esprit alors que le second est le résultat d’esprits déviants.

Éthique = (Valeurs + Croyances) ≠ Morale

Il est difficile de dissocier ces éléments, surtout que croyances et morale sont intimement liées. Mais, je suis pour l’éthique en affaires, alors que je trouve que la morale y a rarement sa place.

Je pense que le principal obstacle à l’instauration de nouveaux standards demeurera la globalisation des marchés. Confronté à des concurrents lointains moins éthiques, le gestionnaire pourra-t-il se permettre d’être plus saint que son prochain ? Sans des obligations statutaires qui seraient imposées par divers paliers de gouvernements, je vois mal comment on pourra avancer rapidement sur ce front.

Pour conclure, je vous mentionne ce que disait mon professeur d’éthique du MBA (Michel Dion de l’UdS) concernant les codes d’éthiques, « l’important n’est pas tant ce qu’ils contiennent, mais qu’on les respectent en tout temps et toutes circonstances ».



[1] La Société des CMA du Canada, « La Mise en Oeuvre de la Stratégie Éthique d'une Organisation », Collection Gestion Stratégique, 1999
[2] Institute of Business Ethics, “Does Business Ethics Pay ? ”, Simon Webley & Elise More, UK, 2003

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#12 - Bulletin AMBAQ d'Avril 2005

mercredi 30 mars 2005

Finances publiques et gouvernance !

Pas facile de parler de gouvernance et de finances publiques sans avoir surtout des images négatives qui viennent à l’esprit. On a souvent l’impression (non sans raisons ???) que nos gouvernements gèrent notre bien-être basé sur des sondages à géométrie variable, plutôt que sur la base d’indicateurs de performance fiables. Pourrait-on imaginer à la place que nos dirigeants élaborent des tableaux de bord significatifs (adaptés aux enjeux) sur la base d’informations décisionnelles de qualité et qu'ils s'en servent pour les assister dans leurs actions.

Au lieu de cela, ils orientent souvent leurs décisions pour répondre aux fracas médiatiques, aux minorités bruyantes et aux divers « lobby » qui exercent tout un chacun des pressions en fonction de leurs intérêts particuliers, et ce, au détriment de ceux de la grande majorité silencieuse.

À titre d’exemples, que devons nous penser :

  • Lorsqu’on dépense des dizaines de millions de $ pour faire moult études de faisabilité pour un projet d’hôpital et ce, jusqu’à ce qu’une d’entre elle donne la réponse attendue et finalement décréter que la transparence est de mise;
  • D’un ex-ministre des finances qui admet avoir assisté à seulement 17 des 220 réunions du cabinet auxquelles il a été convié;
  • D’un ex-Premier ministre qui tente de ridiculiser une commission d’enquête en affirmant que son coût dépassera la valeur des millions de $ disparus sous sa gouverne via un « scandale» de commandites;
  • D’un gouvernement qui envisage de limoger le PDG performant de sa plus grande société d’état parce qu’il réagit mal en public pour expliquer des problèmes liés à la sécurité de certaines installations;

Combien de projets bénéficieraient d’être gérés plus professionnellement avec des interventions politiques du même type que celles attendues d’un conseil d’administration, qui par exemple :

  • Validerait l’existence de la stratégie utilisée et travaillerait plus sur les attentes et les idées que les moyens;
  • S’assurerait que l’équipe de direction est bien constituée;
  • Ferait du monitoring de la performance avant, pendant et après des ministères et projets majeurs;
  • Éviterait l’acharnement thérapeutique sur des projets de type : « canards boiteux »;
  • Assumeraient ses responsabilités sans les pelleter par en avant et qui exigeraient des actions lorsque requis;

Mais comment arriver à insuffler un niveau acceptable de gouvernance au sein de nos gouvernements. Et bien je l'ai déjà mentionné, ça commence par nous qui devons rendre les élus imputables de leurs actions et inactions. Malheureusement, notre système politique polarisé (généralement limité à deux options) nous confine souvent à choisir entre la moins pire des options sans vraiment pouvoir licencier les élus non performants.

Un autre élément, sans tomber dans les excès du privé décelés récemment, il pourrait être à propos de réévaluer la rémunération de nos députés et hauts fonctionnaires pour permettre d'attirer et retenir le talent.

J’aimerais souligner une initiative récente démarrée en Colombie-Britannique[1] qui vise à réformer la gouvernance du secteur public, notamment en révisant les méthodes de sélection et de nomination des administrateurs de sociétés gouvernementales et parapubliques. À quand une telle initiative au Fédéral et au Québec ?

Finalement, lorsque vient le temps de faire des nominations, j'aimerais bien que nos dirigeants utilisent des matrices de compétences (sujet d'une prochaine chronique) pour juger de la complémentarité et de l'expertise des individus à qui l'on confie notre argent.

On m’a déjà dit que la politique n’est pas l’art du meilleur mais plutôt celui de l’art du possible. On doit donc s’attendre à un certain pragmatisme et à des compromis. Mais lorsque la gestion des finances publiques devient l’art de l’absurde et du moindre mal, il faut s’objecter et exiger des correctifs.

[1] http://www.iveybusinessjournal.com/view_article.asp?intArticle_ID=473

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#11 - Bulletin AMBAQ de mars 2005

mardi 15 février 2005

Tasse-toi mon’oncle !

J’en suis rendu à ma 10ème chronique pour le bulletin (ici, je m’autocongratule) et je me demande si on va me mettre à la retraite. Pourquoi ? Et bien, tout récemment, le CA de la Banque TD a adopté un règlement à l’effet que la durée maximale du mandat d’un administrateur ne pourra excéder 10 ans (on comprend que l’horloge commence aujourd’hui et ce même si certains administrateurs en poste se qualifient probablement déjà pour une sortie).

C’est là une question ambiguë et je ne suis pas certain que je partage leur vision (et celle de la Coalition Canadienne pour la Bonne Gouvernance) sur le sujet.

Imaginez, je commence à bien comprendre mon nouveau métier de chroniqueur, je me suis habitué aux routines des dates critiques (de tombée dans ce cas-ci), je connais les limites de mon éditrice, je pense avoir un banque de sujets à commenter pour encore un bon bout de temps et de bonnes idées sur vers où aller en matière de gouvernance. Et là on me remplace pour faire place à de nouvelles compétences, à une diversité d’opinion ou parce que je suis trop âgé. L’analogie est à peine caricaturale.

Un sondage récent mettait en évidence que l’âge moyen des administrateurs de grandes compagnies canadiennes était de 59 ans et qu’ils en étaient plus ou moins à leur 8ème année de mandat. À une époque où l’on entend parler de pénurie de candidats qualifiés, est-ce une bonne pratique ?

On doit garder à l’esprit qu’on ne les met pas à la retraite, on favorisera en fait la dissémination de l’expérience en « recyclant » les administrateurs concernés au sein des CA de d’autres entreprises.

C’est donc un débat portant sur la nécessité de renouveler les CA. On s’interroge sur la valeur de la nouveauté et du sang neuf par rapport à la connaissance, l’expérience et la compétence (peut-être un peu aussi sur l’indépendance…).

Ne devrait-on pas plutôt privilégier des processus objectifs d’évaluation portant sur la valeur ajoutée et la contribution d’un membre sur un CA donné ? Cela m’apparaît comme la voie à suivre.

Si on suit une telle approche, le bois mort est vite identifié et remplacé et certains icônes peuvent continuer d’exercer une influence positive et ce, malgré le fait qu’ils soient trop expérimentés pour les jeunôts, non ?

Pour identifier un administrateur prêt pour la retraite, il suffit qu’il affiche de façon marquée une combinaison de comportements déficients, notamment :

· Absences répétées;
· Manque de préparation;
· Manque de participation aux réunions;
· Relations interpersonnelles inutilement tendues;
· Manque de vision « stratégique »
· Émet des opinions plus que des conseils;
· Confond son rôle avec celui d’actionnaire ou dirigeant.

Selon moi, il est préférable d’agir en se basant sur de tels critères plutôt que sur le simple nombre d’années que vous avez passé au sein d’un groupe, l’usage de ce seul critère risquerait de priver certains CA de leurs meilleurs éléments au mauvais moment.

Alors, tout comme avec des actionnaires, je vous laisse le soin de m’évaluer et de juger de la valeur de mes écrits et lorsque les critiques surpasseront les compliments, il sera temps de passer à autre chose. Bonne année 2005.

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#10 - Bulletin AMBAQ de février 2005

samedi 29 janvier 2005

Moi si j'étais un homme !

Les meilleures pratiques en gouvernance prônent la diversité d'opinions au sein des CA. Le fait demeure qu'à l'exception des CA d'OSBL, on retrouve bien peu de femmes sur les conseils d'entreprises québécoises. Au Canada, moins de la moitié des conseils de compagnies publiques incluent au moins une femme, et celles-ci ne représentent que 7% des administrateurs en poste; c’est bien peu, non ?

Aux USA, 14% des postes d’administrateurs du F500 sont comblés par des femmes. Un peu mieux, mais encore loin d’une représentation proportionnelle. Je n’ai pas de statistiques précises pour les CA des PME au Québec, mais mon expérience personnelle me porte à croire que c’est moins que 10% des femmes qui siègent au forum des forums de l’organisation.


Pourtant le nombre de femmes en poste dans les positions exécutives ne cesse de croître. On pourrait s’attendre à ce qu’elles soient conviées à se joindre aux CA en quête de candidates possédant expérience et expertise.

Qu’est ce qui explique cette aberration ? Selon une étude(1), les femmes elles-mêmes identifieraient 3 raisons principales au « glass ceiling » susceptibles de freiner l’atteinte des postes de gestion supérieurs, soit :
1. le manque d’expérience significative en direction générale;
2. l’exclusion des réseaux de communication informels;
3. les stéréotypes/idées préconçues vis-à-vis le rôle et les habiletés des femmes.

Il est certainement facile de perpétuer ces types de réflexes et d’exclure les candidatures féminines lorsque l’on s’affaire à composer un CA ou à recruter un nouvel administrateur.

Pourtant, de nombreuses études, livres et commentaires militent en faveur non seulement d’une diversité d’opinions, mais aussi de l’origine de ces opinions. La perspective féminine est fréquemment différente et à cet égard, elle devrait être recherchée au sein d’un CA.

Doit-on pour autant s’imposer des quotas ou objectifs quantitatifs ? Est-ce vraiment si difficile d’ajouter un tel critère à la matrice de compétences recherchées chez nos administrateurs ? Ne pourrait-on pas puiser un peu plus dans des listes telles que celle élaborée par Femme de Tête(4) ? Ce sont là des questions complexes, mais il me semble que collectivement on aurait intérêt à s’assurer d’une certaine représentativité.

Une chose est certaine, comme dans presque tout, la formation d’administrateur débute par des participations au sein des CA de PME. Il revient aux actionnaires de ces compagnies de poser les gestes qui feront en sorte que de plus en plus de candidates qualifiées seront disponibles.

Vous me direz que c’est le dilemme de l’œuf et la poule, mais serait-il possible que ce soit plutôt une guerre de coq !

(1) : Étude Catalyst 2003, Catalyst Census of Women Board Directors
(2) : Étude 2003, Patrick O'Callaghan & Ass et Korn/Ferry International
(3) : Estimé de l'auteur
(4) : Women in the Lead, Doreen McKenzie-Sanders, 2004

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#9 - Bulletin AMBAQ de Décembre-Janvier 2005