Qui suis-je ?

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Président de Lacroix Groupe Conseil à Montréal, une firme qui offre des services de consultation stratégique en gouvernance, l’auteur était jusqu'à tout récemment, Vice-président investissements au Fonds de Solidarité FTQ et Vice-président du chapitre québécois de l’IAS. **** Les chroniques qui apparaissent dans ce blog sont rédigées puis publiées dans le bulletin mensuel de l'Association des MBA du Québec. À noter qu'elles ne reflètent que l'opinion de l’auteur **** Vous pouvez également obtenir plus d'infos sur certains des services en gouvernance que Lacroix Groupe Conseil est en mesure de vous offrir en allant voir le site web à : http://www.lacroixconseil.com

mercredi 5 août 2009

Infrastructure du pouvoir

La cause du problème

Ayant découvert il y a maintenant plusieurs années un outil intéressant pour m’assister dans la gestion des relations et des décisions liées à nos investissements institutionnels, j’ai souvent eu l’impression de prêcher la bonne nouvelle (de la gouvernance) dans le désert. Presque tous se déclaraient croyants, mais peu d’entre eux étaient vraiment pratiquants.

À l’époque, je me suis souvent demandé pourquoi si peu de gens, bien plus connaissants que moi, refusaient d’utiliser cet outil versatile mis à leur disposition.

Ce n’est que plus tard que j’ai compris que le vrai défi n’était pas de trouver des gens qui pouvaient et voulaient aider, il résidait plutôt dans une résistance viscérale à partager le pouvoir décisionnel (historiquement détenu par le/la PDG, principal actionnaire de contrôle).

« Casus Belli »

J’ai également compris à posteriori que, même si bien intentionnée, la mise sur pied d’une nouvelle instance décisionnelle, non contrôlée par ce PDG et ayant autorité sur ce dernier, remettait en cause la balance du pouvoir concernant les éléments les plus importants de l’organisation.

On a beau dire que les administrateurs sont là pour créer de la valeur et aider la haute direction, il demeure qu’ils ont un rôle de supervision de l’équipe de dirigeants. En cas de perception de mauvaise gestion, ils sont susceptibles d’y apporter des modifications. C’est ce risque que l’industriel québécois typique ne voulait pas courir.

Souvent devenu entrepreneur pour se soustraire du joug d’un patron et être son « propre boss », il entrevoyait l’initiative de mise sur pied d’un CA comme un risque de retour en arrière. Il s’y objectait généralement en plaidant la complexité, l’inutilité ou encore, l’inefficacité du processus.

C’est pourquoi la négociation de la convention d’actionnaire dans laquelle résidait les termes de cet engagement devenait parfois une guerre de tranchée avec des enjeux tels que :

· Qui présiderait le CA ?
· Combien d’externes indépendants ?
· Fréquence des réunions ?
· Des comités ou non ?
· Quoi ! Pas de nominés de l’interne (sauf le PDG) ?

Cause à effet

Mais comme ils avaient vraiment besoin d’un partenaire, ils finissaient généralement par accepter le concept. Par contre, mettre sur pied la structure du CA, recruter ses membres et commencer à discuter des vrais enjeux pouvait prendre une éternité.

On dit souvent que l’information c’est le pouvoir, alors le premier outil de procrastination était généralement un goulot d’étranglement sur celle-ci.
On l’envoie en retard, incomplète et rarement de nature « décisionnelle ».

Ce manque de transparence dans le but de conserver le « pouvoir » complexifiait d’autant les tentatives faites pour rendre le nouveau processus efficace et efficient.

C’est la raison principale pour laquelle j’ai toujours prétendu qu’il fallait habituellement presque 2 ans pour parvenir à un niveau intéressant de gouvernance. Car, étonnamment, on finit généralement par y arriver…

Comme pour la plupart des changements organisationnels, pour qu’il soit accepté, il faut des cas à succès. Si malgré les réticences, le groupe a été bien composé, les occasions où le CA peut contribuer à créer de la valeur pour l’entreprise se présentent vite. Il faut capitaliser sur ces succès pour amener cet entrepreneur à partager plus amplement avec son équipe élargie sur les :

· Stratégies à suivre ;
· Décisions à prendre ;
· Informations décisionnelles ;

Bref, le pouvoir… Je ne suis pas certain qu’il existe une recette magique pour rendre ce partage du pouvoir plus rapidement acceptable. J’imagine que le tout est lié au niveau de confiance et d’influence que l’on arrive à développer entre partenaires. C’est donc un défi de taille !

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#44 - Bulletin AMBAQ de Août-Septembre 2009

lundi 1 juin 2009

Sur la perfection


Le mieux est l’ennemi du bien

Chaque semaine qui passe nous amène son nouveau lot de scandales, certains fondés, d’autres résultants d’une interprétation pointue de faits à la lueur d’attentes démesurées, ou d’une incompréhension de la situation.

Il est facile de plaider pour la perfection. La réalité est qu’une organisation doit composer avec des ressources limitées et cette perfection n’est simplement pas atteignable. Bien sûr, tout est perfectible, mais nos Don Quichotte des médias ne veulent pas voir les contraintes. Ils chassent les buts manqués et omettent de considérer ce qui pèse dans la balance du quotidien. Il ne faut surtout pas laisser de bons arguments empêcher l’éclosion d’un scandale médiatique.


Pour bien la cuire, il faut retourner la crêpe

J’ai recensé quelques clameurs qui ont soulevé des passions récemment, pour voir si on pouvait y attacher un pendant manquant :

· On dit que les politiciens ne sont pas à la hauteur, mais on s’acharne constamment sur eux pour tout et pour rien, s’assurant que personne de sensé n’aura le goût d’en être ;
· On déplore que le CHUM est trop… ou pas assez … mais on en parle encore 14 ans après l’avoir annoncé, parce qu’on veut qu’il soit parfait ; le sera-t-il ? se fera-t-il ?
· On s’indigne qu’il y ait un taux d’erreur dans des tests de laboratoires, mais on oublie que l’erreur est humaine et présente dans tout processus et qu’on sauve des vies autrefois perdues;
· On dit que la ville est mal gérée, mais on refuse de faire des changements qui la rendrait gérable ;
· On demande de s’opposer au projet d’un promoteur, car dans ma cour et aussi que…, mais on se plaint de l’absence de richesse collective, du sort de nos chômeurs et de…
· On se plaint que les FIERS investissent ailleurs et avec ceux qui ont de l’argent, mais on oublie qu’on a conçu le programme pour convaincre des entrepreneurs d’investir leur $, au Québec, dans des projets risqués ;
· On crie au scandale fiscal des autres, mais on paye son peintre cash pour sauver 15%
· On lit le rapport d’un organisme exigeant d’accroître les ressources consacrées à un problème important, en émergence, mais on ne le relativise pas par rapport à toutes les autres urgences qui existent déjà
· On crie que tel pont n’est pas totalement sécuritaire, mais on ne veut surtout pas payer plus d’impôt qui permettrait son entretien

La liste pourrait s’allonger mais rien n’y changera car, pour chaque argument cité, quelqu’un trouvera à redire :

· qu’il y a du laxisme dans la gestion ;
· qu’un tel résultat imparfait est inexcusable ;
· que c’est inadmissible car ça implique de l’argent public ;
· que…, que...

On affirme que tout doit être blanc ou noir, et on oublie les zones grises dans lesquelles le dirigeant navigue constamment, obligé qu’il est de faire des compromis.

On sait tous qu’il vaut mieux prévenir, mais préconiser la réflexion sur un sujet en l’absence de crise n’est pas vendeur. Et comme en plus il est parfois justifié de crier au loup (l’impayable lieutenant-gouverneur), on s’en sert pour excuser les fois où ce ne l’est pas.

Nos Don Quichotte bien intentionnés, mais parfois dirigés de mains habiles et invisibles (même d’eux), visent souvent la mauvaise cible, qui demeure bien protégée derrière un dogme, un beau principe, une vertu ou… un agenda caché. Je ne demande pas d’excuser l’inexcusable, mais selon moi, on ne se demande pas assez souvent : À qui profite la diffusion de cette controverse ?


Ces demi-dieux présumés

Tout cela se transpose en attentes, en nouveaux standards selon lesquels vous serez jugés comme administrateurs, si jamais... On attend maintenant de vous d’être un genre de demi-dieu de la gouvernance, ainsi, au premier détour on vous demandera :

· Comment la situation a-t-elle pu survenir sous votre supervision ?
· Pourquoi ne saviez-vous pas tout et n’êtes-vous pas omnipotent ?
· Comment avez-vous pu ignorer les goûts somptueux et les dépenses répétées de ce dirigeant (en plus de l’avoir laissé faire ainsi pendant 4 ans, sans réagir) ?

De toute évidence, il n’y a pas de jeton de présence assez élevé pour justifier de vous retrouver dans de telles controverses. Mais comment éviter la dernière en lice ?

Au diable la dépense !

La première mesure à prendre est l’établissement d’une politique décrivant ce qui est admis (ou non) en terme de dépenses au nom de l’organisation, comment et par qui, et s’il y a lieu, les limites (en $).

La deuxième étape est la rédaction d’une grille d’autorité. Un document simple qui précise les autorisations requises pour chaque action que doit poser la direction ou les employés (signer un contrat, nommer un dirigeant, établir des salaires, payer une facture ou rapport de dépenses, etc…).

Ici, le bon vieux concept du « Tone at the top » est toujours aussi pertinent. Il y a quelques mois, je vous parlais dans ce forum des bonnes pratiques de gouvernances en disant à la # 10 de : Faire approuver tous les éléments de la rémunération du PDG et ses comptes de dépenses par le Président du conseil. Cette phrase anodine joue 2 rôles, elle exige du :

1. PDG de soumettre ses dépenses à un supérieur au fur et à mesure qu’il les encourre. Si on lui fait remarquer qu’il semble dépenser outrageusement et qu’il continue, il devrait savoir à quoi s’attendre…
2. Président du Conseil d’exercer son rôle de supervision. S’il accepte de rembourser un certain type de dépense sans poser de question pendant 4 ans, je vois mal comment il peut finir par dire : vous n’auriez pas dû…

Cette situation doit se répéter en cascade jusqu’au dernier échelon de gestion. Vous comprendrez que les situations controversées découlent généralement d’une dérogation de la part d’un des 2 protagonistes impliqués (pas toujours celui cloué au pilori).

Comme vous voyez, dans ce métier vous serez toujours condamnés à faire plus avec rien et mieux avec peu, alors mettez vous à l’ouvrage avant que quelqu’un ne se mette à vous poser des questions…


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#43 - Bulletin AMBAQ de Juin-Juillet 2009

lundi 4 mai 2009

L’ADMINISTRATEUR 2.0



De quessé ?

Comme probablement plusieurs d’entre vous, je suis à expérimenter la nouvelle génération de réseaux sociaux Web 2.0 disponibles (« RSW2 »). Par curiosité, peut-être ? par nécessité, j’en doute ! La question du jour est : Est-ce que le web (combiné ou non à certains logiciels de gestion) peut être un outil d’une quelconque utilité pour l’administrateur de société (en dehors du courriel et du site Internet traditionnel) ?

En termes de RSW2, on parle de quoi au juste (ajouter simplement www. et .com pour y aller) :
  • Facebook
  • LinkedIn
  • YouTube
  • Viadeo
  • Spoke
  • Twitter
  • Plaxo
  • Live Space
  • E-Bay
  • SquidWho
  • ZoomInfo
  • MSN
  • ClassMate
  • BlogSpot
  • Picasa

Ce sont généralement des plateformes web ou un usager s’inscrit gratuitement (souvent avec un volet payant offrant plus de fonctions), pour accumuler et relayer des infos (et photos), sur lui, son entreprise, ses amis ou sa famille. Le site lui permet, selon sa nature, d’offrir ses services, se chercher un emploi, de chatter en direct (ou non) sur ses sujets d’intérêt, de poser des questions à débattre sous forme de forum, de présenter ses derniers écrits sous formes de blogue (interactif ou non), ou encore de solliciter de l’aide de « sa » communauté (ses contacts directs ou indirects acquis par l’entreprise de son réseau de contacts – 1er niveau 2ème niveau, etc...). C’est d’ailleurs là le principal attrait de ces RSW2; rejoindre des contacts qu’on ne pourrait rejoindre, rapidement, autrement, sur un sujet donné (ou non ;-).

Les jeunes ont vite migrés vers ces nouveaux modes de communication et les ont incorporés dans leur vie de tous les jours. Il est parfois aberrant de constater le temps qu’ils y consacrent au détriment des communications en réel (versus virtuelles), mais restons en là, c’est un tout autre débat.


Je regrette encore d’avoir perdu l’adresse Hotmail à mon vrai nom, pour non-utilisation pendant plus de 3 mois. Conséquemment, lorsqu’un nouveau phénomène émerge, j’ai tendance à aller voir si je ne devrais pas poser mon « claim », souvent pour les abandonner par la suite.

C’est donc avec ce sujet de chronique en tête que j’ai abordé un peu plus activement ces réseaux au cours des derniers mois.

Les dangers et bienfaits

Il demeure étonnant de constater la quantité d’information trouvable qui nous concerne simplement en se googlant (un néologisme). Il vous appartient d’y faire le ménage et d’essayer d’y présenter une image efficace et idéalement, factuelle. Consolidez les profils, connaissez les bons coups, inexactitudes ou horreurs passées qui circulent à votre égard et adaptez votre discours en conséquence, en bref : gérez votre réputation « virtuelle ». Testez avec quelle facilité il est possible de vous atteindre sous le profil que vous désirez privilégier, et travaillez-y.

Bien sur, on vous aura mis en garde sur les dangers de Big Brother et l’accumulation d’info perso disponible pour tous. Le déchiqueteur à données Internet n’existe pas vraiment et un jour, vous pourriez regretter ce commentaire niais fait dans un forum nébuleux alors que vous vous croyiez hors de la vue de tous. Est-ce que nos divers ordres professionnels et associations (incluant l’IAS) devront tenter de réglementer le contenu avec un volet webéthiquette, j’en doute.

Toutes les tentatives « d’Aller Web » ne sont pas fructueuses. Vous n’avez qu’à comparer le faible achalandage sur nos forums de l’AMBAQ, avec les efforts que l’association y a récemment consacré pour tenter de vous convaincre d’y participer. Est-ce par manque de temps, de goût, de méconnaissance des outils ? Il demeure que c’est un processus complexe.

Mais il y a des beaux cotés. La valeur liée à la capacité de rejoindre les autres facilement est considérable mais requiert un minimum de planification.

Tout sur moi !

En l’absence d’un site web (autre que corporatif car trop générique) qui m’aurait orienté autrement, ma démarche personnelle s’est caractérisée par les éléments suivants :

1. définir ce que je voulais mettre en valeur, notamment sur quels créneaux je voulais établir mon « expertise » (vous serez surpris d’apprendre que j’ai misé sur l’investissement et la gouvernance);
2. choisir quels sites utiliser pour faire l’agrégation centrale de mes données et mes contacts, mon choix s’est arrêté sur BlogSpot et LinkedIn (le FaceBook des gens d’affaires), et répertorier les autres sites d’usage populaire (ou avec lesquels j’avais des liens professionnels) et m’en servir comme outil de référencement vers mon profil principal sur LinkedIn[1];
3. mettre du contenu professionnel d’intérêt ainsi que certaines présentations ou conférences (en espérant que mes chroniques des 5 dernières années qui apparaissent en ligne se qualifient);
4. participer occasionnellement à titre d’expert et chercher à utiliser ces outils (autant que possible) pour m’assister dans mon travail, en essayant de limiter mes opinions et commentaires dans les forums à des sujets que je maîtrise. N’oubliez pas : tout est consolidé et on vous observe(ra)…;
5. en autant que chose se peut, maintenir l’information liée à ma vie professionnelle (ex : BlogSpot) séparée de celle de nature personnelle (ex : Facebook et HomeExchange);

Des résultats ?

Plusieurs résistent encore au phénomène. Il arrive fréquemment que je sois le premier contact RSW2 de ceux qui acceptent une de mes invitations. Parfois ils poursuivent la démarche, des fois pas… pour l’instant du moins.

Je crois sincèrement que l’initiative de l’AMBAQ va porter fruit, éventuellement... (d’ailleurs, votre profil[2] y est-il à jour ?). Lorsque le chapitre québécois de l’IAS met finalement en ligne un répertoire[3] de ses membres, accessible à tous pour faciliter des recherches de candidats, cela me réjouit.

Par ailleurs, au delà de la diffusion d’information sur des évènements intéressants, j’arrive à répertorier plusieurs éléments positifs et récents reliés à ma démarche web, par exemple :

· la mise sur pied d’un forum « Gouvernance Québec » (déjà + 50 membres) pour pouvoir discuter en français de sujets plus locaux;
· recevoir une bonne opportunité d’affaires d’une connaissance qui m’a repéré sur le net après une longue période sans contact;
· solliciter des questions à poser à des panélistes (évaluation d’un CA et impact de la crise) lors de mes 2 dernières conférences;
· découvrir un newsletter intéressant en Australie[4], intitulé le “Director's Dilemma” qui tente de résoudre en groupe, chaque mois, une nouvelle problématique en gouvernance;
· recevoir une invitation à titre de panéliste pour une conférence en gouvernance à Singapour (malheureusement sans le billet d’avion ;-(
· participer à une initiative pour créer une plateforme internationale pour répertorier les administrateurs indépendants non-exécutifs liée aux différents organismes de certification (tel que l’IAS);
· rechercher des candidatures pour la 3ème édition du "Gala des Cravates" de l'IAS, pour un poste de formateur dans un cours de gouvernance et pour un poste de gestion dans mon organisation.

Finalement, la découverte d’un logiciel[5] québécois, spécialisé dans la gestion des activités d’un conseil et de ses comités (une option plus complexe et coûteuse) m’a amené à réfléchir sur les divers avantages d’aller web pour un CA. Je pense que j’ai le goût d’être cobaye. Il ne me reste qu’à convaincre mes partenaires d’en faire l’essai.

Est-ce que les résultats que j’ai obtenus sont à la hauteur des efforts que j’ai déployés et surtout, de mes attentes ? Je préfère attendre un peu avant de me prononcer, mais je vous donne un indice, je continue d’avancer.

[1] http://www.linkedin.com/in/hugueslacroix
[2] www.ambaq.com/fr/membres/repertoire/hugues-lacroix-825
[3] www.administrateursduquebec.com/Afficher.aspx?page=3&langue=fr&mp12=userId=812
[4] www.mclellan.com.au/newsletter.html
[5] https://www.idside.com/gouvernance.asp





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#42 -Bulletin AMBAQ de Mai 2009

vendredi 24 avril 2009

ET SI C’ÉTAIT FAUX ?


Création versus Évolution

Les célébrations entourant le 200ème anniversaire de naissance de Darwin ont mis en lumière le fait que 40% de la population américaine semble être d’avis que l’Homme et son univers ont été créés de toute pièce il y a quelques six mille ans par un être supérieur. Sous-entendu : la théorie de l’évolution défendue par la communauté scientifique n’est qu’une théorie. Au Canada, cette tendance semble moins prononcée, bien que notre ministre canadien des Sciences et Technologies (Gary Goodyear) ait récemment refusé de confirmer qu’il souscrivait à cette théorie.


C’est quoi le rapport avec la gouvernance ?

Tout comme ces bons américains, plusieurs propriétaires d’entreprises (aussi administrateurs) que je fréquente, sont des créationnistes. Ils semblent croire que la gouvernance a toujours existée au sein de leur organisation. Que la formation, l’évaluation de la performance, l’indépendance, la complémentarité sont des bonnes pratiques qu’ils ont toujours utilisées. Que la formation et le développement des compétences, c’est OK pour les autres, mais eux sont d’avis qu’ils possèdent ce qu’il faut. Il est plus facile de croire à cet état de fait, que d’avoir à se pencher sur comment mieux faire les choses.


L’Homo Gouvernus

Amusé par un commentaire de Charles Sirois lors d’une conférence où il a référé aux administrateurs artisans et aux technocrates, basé sur cette image j’ai revisité l’évolution de l’Homo Gouvernus (sans les dessins de singes usuels) qui grosso modo, passerait par les cinq stades suivants :

Le gestionnaire : Produit de nos collèges et universités, dans la vingtaine, bardé d’au moins un diplôme, il en est à ses premières armes en entreprise. Peu utile sur un CA, on tente souvent par sa présence de combler une lacune de gestion.

L’intrapreneur : Maintenant trentenaire, mariant talents, expérience et connaissances, il s’élève au sein de l’entreprise dans son champs d’expertise et est reconnu par ses collègues. Parfois utile sur un CA (il se distingue par son intensité), sa participation l’aidera à comprendre ce qui préoccupe les patrons de son grand patron.

L’administrateur technocrate : Début quarantaine, il est invité à siéger sur son premier CA d’envergure. Il y apprendra la gouvernance (+/- bien) en fonction de la qualité de ses pairs et du contexte. Malheureusement, trop souvent dans notre écosystème québécois, c’est la règle de « l’aveugle qui mène l’aveugle ». On l’informe sur les bonnes pratiques et il tente de les appliquer. Souvent confiné aux rôles plus accessibles de préservation de valeur et de conformité, il est fort possible qu’il ne progresse plus.

L’administrateur artisan : Fin quarantaine, chanceux d’avoir eu de belles expériences et de bons modèles, il est efficace dans ses pratiques et en mesure de moduler ses actions pour générer une certaine efficience au CA. Il s’informe et se forme, recherche de meilleurs modèles et se distingue de la masse. Il aide l’équipe de direction à mieux performer et créer de la valeur. La poursuite de son évolution est liée à ses qualités intrinsèques.

L’artiste : Souvent âgé, parfois plus jeune, fruit d’attributs innés et acquis, grâce à son image de performant il a bénéficié de tous les « fast-track » offerts et a su les assimiler. Il est de ces individus hors de l’ordinaire, capable d’émettre (ou d’encourager) des idées originales et d’exercer un leadership auprès de gens de haut niveau. Ses conseils valent leur pesant d’or, si utilisés à bon escient.

J’ai sciemment omis le terme Entrepreneur car cet électron-libre est généralement déjà greffé en plus ou moins grande quantité à l’ADN de l’homme d’affaires. On le retrouve fréquemment sur celui des Artistes et, à un moindre degré sur celui de l’Artisan.


J’aurais voulu être un artiste

Mais comment faire pour arriver au stade ultime de l’évolution ? Je pense pouvoir enseigner les bonnes pratiques de gouvernance et faire des Technocrates de mes étudiants (s’ils ont les bons bagages avec eux). Mais pour leur montrer comment devenir un Artisan, j’ai toujours eu de gros doutes et pensé que c’était pas mal plus compliqué.

J’espère par mes actions avoir réussi à me qualifier comme Artisan dans certains contextes favorables (svp, donnez moi le bénéfice du doute…), mais j’ai beau aspirer à m’élever plus haut, le chemin et les moyens restent à trouver. J’ai appris à gérer mes attentes en conséquences.

Lors d’une discussion récente avec la Présidente de l’IAS sur comment créer plus d’Artistes plus vite et « enseigner » le dernier niveau, une image de mentorat m’est venue à l’esprit. Je me suis demandé si des CA réputés, composés de nos artistes de la gouvernance connus et répertoriés, accepteraient d’accueillir en leur sein des administrateurs qui ne serait pas encore rendu à leur niveau, pour contribuer à leur développement ?

Est-ce réaliste de croire que l’on pourrait franchir les obstacles (moins de confidentialité, disponibilité, responsabilité, exclusivité,… plus de générosité, accessibilité, …) qui gênent la mise en place d’une telle initiative ? Pourrait-on stimuler agressivement l’évolution de l’état de la gouvernance et de ses acteurs au Québec ?

Peut-être qu’un programme plus encadré (ou même subventionné) pourrait y arriver, c’est à espérer, mais c’est plus facile de croire qu’on y est déjà.


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#41 -Bulletin AMBAQ d'Avril 2009

mardi 24 février 2009

DES BONNES VALEURS PRATIQUES

Un autre cours ?

Depuis maintenant plus de 25 ans, au fil des dossiers d’investissements, mon organisation a collaboré à la mise sur pied de centaines de conseils d’administration au sein d’entreprises québécoises. À ce titre et sans trop le vouloir, nous sommes devenu un influenceur important en matière de gouvernance de PME. C’est pourquoi une grande partie de nos entreprises partenaires ont du procéder à des changements majeurs de leur régie d’entreprise suite à notre arrivée à leur actionnariat.

Nous avons récemment décidé d’élever notre jeu d’un cran en terme de processus de création et de préservation de valeur. Ainsi, afin d’assister dans ce processus de changement nos employés, nos représentants (nominés) et les autres administrateurs siégeant sur le CA de nos partenaires, nous avons développé une formation adaptée à la gouvernance des PME, en collaboration avec l’IGOPP[1], un institut réputé en la matière.

C’est dans le cadre de cette initiative que j’ai eu à me pencher sur les valeurs et pratiques que nous voulions véhiculer en tant qu’actionnaire institutionnel. Le texte qui suit est donc extrait d’un document plus détaillé qui est le fruit d’une réflexion d’équipe, mais que je trouvais intéressant de partager avec vous.

Je vais donc vous présenter les cinq valeurs et les dix pratiques que nous entendons préconiser auprès de ses partenaires d’affaires (constitués essentiellement de PME) afin d’accroître la performance et le fonctionnement de leurs administrateurs et de leur CA. Évidemment, d’autres institutions font d’autres choses toutes aussi valables, c’est juste que je ne les connais pas autant.

J’insiste sur le mot « préconiser », car plusieurs débats ont eu lieu entre nous sur le fait que telle ou telle pratique pouvait s’avérer difficile d’application dans un cas donné. Mais nous avons convenu que les administrateurs comprendraient les limites de notre bonne volonté. Alors je plonge…

Les cinq valeurs

I. Fonctionner sur des bases de respect, de transparence et d’intégrité.
II. S’assurer d’un traitement équitable entre les intérêts des actionnaires, administrateurs, dirigeants, employés et partenaires de l’entreprise.
III. Rechercher le consensus des administrateurs (autant que possible) pour les décisions importantes soumises à leur attention.
IV. Sélectionner les membres du conseil selon les meilleures ressources disponibles et accessibles pour l’organisation (en les rémunérant de façon adéquate), et en utilisant des gens à la fois crédibles et indépendants (incompatible avec un rôle de consultant).
V. Préconiser des comportements corporatifs responsables et éthiques visant à atteindre les meilleures pratiques de l’industrie dans laquelle évolue l’organisation.

Quand on parle de valeurs, on va chercher les gens dans ce qui les caractérise, ce qui les distingue et les élève au dessus de la moyenne des ours… Ces valeurs concordent d’ailleurs avec celles de notre organisation :

  • L’intégrité ;
  • Le travail d’équipe ;
  • La compétences ; et
  • Le respect de la personne ;

Les dix pratiques

Au-delà des concepts, il y a l’action. Que voulons nous que les administrateurs fassent lorsqu’ils se rencontrent ? Nous avons identifié un « top 10 » des pratiques qui sont selon nous non seulement désirables, mais importantes pour aider les administrateurs à améliorer leurs performances, ainsi que pour faciliter le bon fonctionnement des CA sur lesquels ils siègent, soit :

1. Séparer les rôles de président du conseil et de président-directeur général de l’entreprise
2. Limiter le nombre d’interne au seul poste du PDG (les autres peuvent être observateurs).
3. Équilibrer l’agenda du conseil de façon à couvrir autant les items de création que de préservation de valeur (gouverne vs contrôle).
4. Viser la mise en place par la direction d’un processus annuel de planification stratégique.
5. Viser la mise en place d’un tableau de bord stratégique avec les indicateurs de performance significatifs.
6. Viser la mise en place par la direction d’un plan de gestion des risques pour l’entreprise (et de leurs suivis).
7. Régir la composition du conseil d’administration et de ses nouveaux membres et évaluer leur performance annuellement.
8. Mettre en place un processus régissant l’évaluation annuelle de la haute direction.
9. Exiger pour chaque conseil une « Déclaration de la direction » portant sur les éléments qui peuvent engager la responsabilité et la réputation des administrateurs.
10. Faire approuver tous les éléments de la rémunération du PDG et ses comptes de dépenses par le Président du conseil.

Vous comprendrez que, bien que chaque élément pris isolément soit un défi comme tel, d’arriver à mettre l’ensemble des items en place peut s’avérer un défi considérable pour un conseil aux ressources limitées.

Est-ce réaliste ?

Pour ma part, j’imagine que dans la mesure où les administrateurs s’établiront un plan de match avec des échéanciers suffisamment souples pour procéder à l’implantation des pratiques, ils devraient être en mesure de naviguer en harmonie avec ces attentes, dans la majorité des cas. Et pour le reste, on va devoir se fier à leur bon jugement, comme on le fait actuellement. Mais il faut être conscient que cela peut requérir une bonne dose de « courage managérial » à ces individus pour exprimer leurs convictions et exiger des actions.

Je crois également que les actionnaires, tant individuels qu’institutionnels, ont tout à gagner de s’entourer de gens compétents et crédibles pour relever avec succès les nombreux défis qui nous interpellent et parvenir à faire croître nos entreprises.

C’est pourquoi un tel cours s’adresse à tous les administrateurs qui ont à cœur la bonne gouvernance des PME. Alors, si jamais l’idée de vous inscrire vous passait par la tête, contactez-moi je vous donnerez les informations requises.

[1] L’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques

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#40 - Bulletin AMBAQ février-mars 2009

jeudi 15 janvier 2009

Discrétion et indiscrétions


Discrétion ???

À la lueur de certaines nouvelles portant sur les dépenses royales de notre récente Lieutenant-Gouverneure, je pense qu’elle a réussi à démontrer que la maxime qui suit, attribuée à un Lord anglais (Lord Acton) d’il y a bien longtemps, est loin d’être démodée.

« Le pouvoir corrompt,
mais le pouvoir absolu corrompt absolument ».

En poste pendant 10 ans et en l’absence de supervision réelle, notre représentante de la Reine d’Angleterre a établit elle-même ses règles du jeu. On laissera aux enquêteurs et à la justice le soin de décider s’il y a eu des gestes illégaux de commis, mais on peut au moins en tirer quelques leçons. Ainsi, je ne peux m’empêcher d’insister sur la nécessité de toujours mettre en place un contre-pouvoir au pouvoir. Cela se traduit généralement par la rédaction de règles claires et connues et la mise en place de mécanismes de supervision adaptés à la situation.

Dans un contexte de gouvernance de PME, une analogie facile à faire est celle des dépenses du PDG d’une entreprise qui passe d’un contexte d’actionnaire unique, à un d’actionnariat multiple. Dans un tel cas, pour éviter de froisser certaines susceptibilités ou encore pour éviter d’inférer que l’on doute de l’intégrité d’une personne importante, il arrive (trop souvent) qu’on omette de mettre en place un processus clair d’approbation des divers éléments de rémunération et d’autorisation des rapports de dépenses du PDG. Et c’est cette absence de contrôle qui crée l’opportunité, mère de toutes les tentations.

Car les spécialistes de la prévention des fraudes s’entendent pour dire que l’opportunité est l’une des trois conditions qui doivent exister pour qu’un individu à l’esprit malveillant décide de passer à l’acte. Ainsi, conjugué avec la motivation (on a toujours besoin de plus d’argent, de pouvoir, de…) et la rationalisation (« ben voyons donc, j’avais le droit » ou « tout le monde le fait comme ça »), la personne en arrive à un sentiment d’impunité qui légitimise dans sa tête l’éventuelle mauvaise action.

Que faire

En accord avec les actionnaires ou selon des modalités établies par le CA, il est facile de mettre en place une grille d’autorité. Non seulement celle-ci permettra de clarifier qui autorise quoi, quand et comment, mais elle assurera, par exemple, que tous les postes liés à la rémunération et aux dépenses du PDG seront approuvés par le Président du CA ou, si c’est la même personne, par le président du comité de vérification.

Indiscrétions !!!

Sur un autre continent, la vente en octobre dernier, de 2,000 actions de Fortis à 5 euros pièce, par Mireille Schreurs (pour le compte de sa maman) a fait les choux gras de la presse à scandale locale. Il faut comprendre que la dame est l’épouse de Karel De Gucht, Ministre des Affaires étrangères de Belgique et que ce dernier s’est alors retrouvé accusé de délit d’initié (par le biais d’une plainte anonyme). Il faut aussi savoir que dans les heures précédant la transaction, il était au cœur des négociations devant mener à la vente ou au démantèlement du groupe d’assurance belge-hollandais et de sa reprise par l’État néerlandais.

Une enquête de leur « AMF » locale verra à déterminer s’il a commis (ou non) un délit d’initié, mais pour l’instant, il bénéficie de la présomption d’innocence et demeure en poste. D’autant plus qu’il semblerait que ni lui, ni les membres de sa famille (fils et mère) qui étaient actionnaires de Fortis, n'aient vendu leurs actions, et que conséquemment, il aurait encouru personnellement des pertes de plus de 85,000 euros.

Que retenir
On nage ici entre les faits et les apparences. Comment arrive t-on à mettre sa carrière en jeu sur une apparence de conflit et comment l’éviter à la source ? Pourquoi prêter flanc à la critique inutilement ?

C’est pour parer à ce genre de situation que l’on met en place des règles d’embargo et de divulgation pour les hauts dirigeants (et politiciens). Comme ils sont alors tenus de divulguer à l’avance les entreprises avec lesquelles ils pourraient éventuellement se trouver en conflit d’intérêt, l’organisation s’assure de ne pas les placer dans une situation délicate.

Mais peu importe les règles en place (où non), à titre d’administrateur, cela nous rappelle l’importance de l’obligation de confidentialité, surtout lorsqu’on est un initié (d’une société publique). Les confidences sur l’oreiller, toujours mal avisées, doivent être assorties de mise en garde suffisamment étoffées, pour que l’autre personne comprenne à coup sur les enjeux qui nous guettent en cas de geste malveillant.

Finalement, bien que j’ai fréquemment observé le contraire au sein de CA, je vous rappelle que, si vous avez à décider dans un contexte où il y a un conflit potentiel (où une apparence de…), vous devez non seulement divulguer votre conflit, mais également vous exclure de la discussion portant sur le dossier (i.e. : sortir de la salle). À défaut de quoi, on pourra vous reprocher d’avoir influencé la décision à votre avantage et donc, au détriment de celui des actionnaires que vous êtes supposé représenter.

Sur ce, je vous transmets mes meilleurs vœux de santé et de bonheur pour la nouvelle année 2009. Pour ce qui est de la prospérité, on va devoir y travailler encore un peu toute la gang ensemble.

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#39 - Bulletin AMBAQ janvier 2009