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Président de Lacroix Groupe Conseil à Montréal, une firme qui offre des services de consultation stratégique en gouvernance, l’auteur était jusqu'à tout récemment, Vice-président investissements au Fonds de Solidarité FTQ et Vice-président du chapitre québécois de l’IAS. **** Les chroniques qui apparaissent dans ce blog sont rédigées puis publiées dans le bulletin mensuel de l'Association des MBA du Québec. À noter qu'elles ne reflètent que l'opinion de l’auteur **** Vous pouvez également obtenir plus d'infos sur certains des services en gouvernance que Lacroix Groupe Conseil est en mesure de vous offrir en allant voir le site web à : http://www.lacroixconseil.com

mercredi 1 novembre 2006

Mata Hari et Hara-Kiri !

On a récemment assisté à un mini scandale de gouvernance nouveau genre. Ce dernier étant lié non pas à une fraude, à une mauvaise décision d’affaires ou à des résultats catastrophiques, mais plutôt, à un conflit entre droits et devoirs.

Un bref rappel : La présidente du conseil d’administration de Hewlett PackardHP ») a récemment annoncé qu’elle quitterait ce poste en janvier 2007. Suite à une escalade de révélations et d'accusations, elle a du démissionner précipitamment. Elle avait admis avoir mandaté des détectives privés pour espionner et enquêter sur les autres membres du CA, afin de découvrir l’origine de fuites d’informations confidentielles dans certains médias. Les détectives engagés ont notamment obtenu (par des moyens à la limite de la légalité) et épluché les relevés téléphoniques personnels des administrateurs, de journalistes et d’employés et ont réussi à découvrir l’administrateur coupable. Dénoncé en plein conseil, ce dernier a admis les faits, mais a refusé de démissionner.

Un autre administrateur s’est objecté aux méthodes et a démissionné suite à une discussion animée. Mais la société a omis de révéler pourquoi lors de l’annonce de son départ. Le scandale s’est ensuite transporté dans les médias, via… une fuite dans les journaux. Wow, on n’arrête pas le progrès !

On fait face ici à une situation intrigante. En effet, comment des administrateurs doivent-ils prioriser les différents droits et devoirs qui s’affrontent ici.

Dans le coin droit(s) :
  • Droit à la vie privée : peut-on s’attendre à faire l’objet d’enquête secrète lorsqu’on siège sur un CA ;
  • Droit de liberté d’expression et d’association : ai-je le droit de parler à qui je veux sans contrainte et sans que les autres le sachent ;
  • Droit de la personne : quel lien y a-t-il entre HP et un journaliste, qu’est-ce qui confère à la compagnie un droit d’enquête sur sa vie privé ;
  • L’éthique : un conseil peut-il se permettre de commander ou même d’avaliser des comportements à la limite de la légalité ;

Dans le coin gauche (ou des obligations) :

  • Devoir de loyauté (duquel découle une obligation de confidentialité) : quel droit l’administrateur fautif pouvait-il invoquer pour justifier son comportement;
  • Devoir de diligence d’enquêter sur un problème connu (fuite) : le CA (et sa présidente), mis au fait d’une fuite que seul un administrateur pouvait avoir commis, pouvait-il ne pas agir au risque que des conséquences plus graves se matérialisent à une autre occasion;
  • Devoir de transparence : le CA aurait-il du divulguer les vrais raisons du départ de l’administrateur démissionnaire ?
  • La matérialité : s’agissait-il d’un évènement suffisamment matériel pour justifier de tels processus inhabituels d’enquêtes, ou simplement d’une erreur de jugement combinée avec un « power trip »; le CA de HP n’avait pas d’autres problèmes plus préoccupants que celui-là ?

Bien que devant assumer certains devoirs, la présidente du CA semble ne pas avoir su ordonnancer adéquatement ces divers éléments et surtout, les droits d’autrui.

L’administrateur démissionnaire (Tim Perkins) a bien résumé la situation en disant, à propos du conseil de HP et de sa présidente : “it was a very sad duty, to have to disclose probable unlawful conduct, improper board procedures, and breakdowns in corporate governance”.

Je ne sais pas comment j’aurais réagi à une telle intrusion dans ma vie privée, mais je crois qu’il s’agissait là d’une situation où une personne, avec trop de pouvoirs, en a abusé. Aujourd’hui, elle se doit d’assumer les conséquences de ses gestes. Par contre, j'ai bien l'impression que tous ceux qui siègent sur un conseil qui a eu à enquêter sur quoi que ce soit récemment, doivent se demander s'il l'ont fait de la bonne façon et s'ils auront, eux aussi, un prix à payer.

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#24 - Bulletin AMBAQ de novembre 2006