Qui suis-je ?

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Président de Lacroix Groupe Conseil à Montréal, une firme qui offre des services de consultation stratégique en gouvernance, l’auteur était jusqu'à tout récemment, Vice-président investissements au Fonds de Solidarité FTQ et Vice-président du chapitre québécois de l’IAS. **** Les chroniques qui apparaissent dans ce blog sont rédigées puis publiées dans le bulletin mensuel de l'Association des MBA du Québec. À noter qu'elles ne reflètent que l'opinion de l’auteur **** Vous pouvez également obtenir plus d'infos sur certains des services en gouvernance que Lacroix Groupe Conseil est en mesure de vous offrir en allant voir le site web à : http://www.lacroixconseil.com

mercredi 1 novembre 2006

Mata Hari et Hara-Kiri !

On a récemment assisté à un mini scandale de gouvernance nouveau genre. Ce dernier étant lié non pas à une fraude, à une mauvaise décision d’affaires ou à des résultats catastrophiques, mais plutôt, à un conflit entre droits et devoirs.

Un bref rappel : La présidente du conseil d’administration de Hewlett PackardHP ») a récemment annoncé qu’elle quitterait ce poste en janvier 2007. Suite à une escalade de révélations et d'accusations, elle a du démissionner précipitamment. Elle avait admis avoir mandaté des détectives privés pour espionner et enquêter sur les autres membres du CA, afin de découvrir l’origine de fuites d’informations confidentielles dans certains médias. Les détectives engagés ont notamment obtenu (par des moyens à la limite de la légalité) et épluché les relevés téléphoniques personnels des administrateurs, de journalistes et d’employés et ont réussi à découvrir l’administrateur coupable. Dénoncé en plein conseil, ce dernier a admis les faits, mais a refusé de démissionner.

Un autre administrateur s’est objecté aux méthodes et a démissionné suite à une discussion animée. Mais la société a omis de révéler pourquoi lors de l’annonce de son départ. Le scandale s’est ensuite transporté dans les médias, via… une fuite dans les journaux. Wow, on n’arrête pas le progrès !

On fait face ici à une situation intrigante. En effet, comment des administrateurs doivent-ils prioriser les différents droits et devoirs qui s’affrontent ici.

Dans le coin droit(s) :
  • Droit à la vie privée : peut-on s’attendre à faire l’objet d’enquête secrète lorsqu’on siège sur un CA ;
  • Droit de liberté d’expression et d’association : ai-je le droit de parler à qui je veux sans contrainte et sans que les autres le sachent ;
  • Droit de la personne : quel lien y a-t-il entre HP et un journaliste, qu’est-ce qui confère à la compagnie un droit d’enquête sur sa vie privé ;
  • L’éthique : un conseil peut-il se permettre de commander ou même d’avaliser des comportements à la limite de la légalité ;

Dans le coin gauche (ou des obligations) :

  • Devoir de loyauté (duquel découle une obligation de confidentialité) : quel droit l’administrateur fautif pouvait-il invoquer pour justifier son comportement;
  • Devoir de diligence d’enquêter sur un problème connu (fuite) : le CA (et sa présidente), mis au fait d’une fuite que seul un administrateur pouvait avoir commis, pouvait-il ne pas agir au risque que des conséquences plus graves se matérialisent à une autre occasion;
  • Devoir de transparence : le CA aurait-il du divulguer les vrais raisons du départ de l’administrateur démissionnaire ?
  • La matérialité : s’agissait-il d’un évènement suffisamment matériel pour justifier de tels processus inhabituels d’enquêtes, ou simplement d’une erreur de jugement combinée avec un « power trip »; le CA de HP n’avait pas d’autres problèmes plus préoccupants que celui-là ?

Bien que devant assumer certains devoirs, la présidente du CA semble ne pas avoir su ordonnancer adéquatement ces divers éléments et surtout, les droits d’autrui.

L’administrateur démissionnaire (Tim Perkins) a bien résumé la situation en disant, à propos du conseil de HP et de sa présidente : “it was a very sad duty, to have to disclose probable unlawful conduct, improper board procedures, and breakdowns in corporate governance”.

Je ne sais pas comment j’aurais réagi à une telle intrusion dans ma vie privée, mais je crois qu’il s’agissait là d’une situation où une personne, avec trop de pouvoirs, en a abusé. Aujourd’hui, elle se doit d’assumer les conséquences de ses gestes. Par contre, j'ai bien l'impression que tous ceux qui siègent sur un conseil qui a eu à enquêter sur quoi que ce soit récemment, doivent se demander s'il l'ont fait de la bonne façon et s'ils auront, eux aussi, un prix à payer.

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#24 - Bulletin AMBAQ de novembre 2006

jeudi 1 juin 2006

Et si c’était vrai !

Vous êtes PDG d’une entreprise qui opère dans le secteur de l’alimentation au détail. Il y a 3 ans, la crise du SRAS vous a obligé à prendre des mesures exceptionnelles et coûteuses de salubrité dans vos magasins ontariens. Malgré tout, vos ventes de produits frais ont subi une baisse temporaire mais dramatique qui a affecté très négativement votre rentabilité pour l’année.

À l’époque, votre CA vous avait cuisiné pour comprendre comment de telles pertes auraient pu être évitées et quels processus existaient à l’interne pour contrôler une telle situation, si jamais elle devait se reproduire. Vous en aviez pris bonne note, mais comme pour bien d’autres éléments imprévisibles, vous aviez bien peu de solutions à suggérer.

Il y a quelques mois, vous avez réalisé que plusieurs reportages des médias faisaient référence à la possibilité d’une pandémie de grippe aviaire. Plus récemment, le rythme des références s’est accru, tout comme l’ampleur des prédictions quant aux conséquences possibles du fléau.

Suite à l’apparition de quelques cas d’animaux infectés en Europe, les ventes en magasins de viandes de volaille ont chutées dramatiquement et ici, certains secteurs commencent à fléchir. Vous avez un CA dans 3 semaines qui prévoit une revue de la gestion des risques d’affaires de l’entreprise et vous craignez de vous faire questionner sur le sujet. Conséquemment, vous demandez à votre gestionnaire responsable de la Santé-Sécurité de préparer un plan de match visant à contrer la menace potentielle.

Je suis toujours étonné de voir la vitesse et la facilité avec laquelle les prédictions de malheur se propagent. De la menace terroriste, au bogue de l’an 2000, en passant par la hausse probable du prix du pétrole pour cet été, nos médias s’empressent de diffuser toutes sortes de scénarios, parfois supportés, mais parfois TRÈS hypothétiques.

Prenons le cas de la grippe aviaire, je comprends que le virus se transmet entre certaines espèces animales et se propage à l’échelle mondiale notamment par les migrations d’oiseaux. Je comprends également que dans certaines conditions de salubrité minimales (lire Tiers-Monde), il peut se transmettre à l’homme (ou d’autres mammifères), auquel cas, les conséquences sont graves et souvent mortelles. Par contre pour le reste, c’est beaucoup moins clair :
  • Si le virus mute et devient transmissible entre humains;
  • S’il arrive au Canada et que des individus qui côtoient les bêtes l’attrapent (malgré les précautions prises) sans trop savoir qu’ils ont besoin de soins ;
  • Si l’industrie pharmaceutique n’arrive pas à développer et produire un traitement efficace ;
  • Si, si, si…..

Alors là, on serait vraiment dans le trouble[1] :
o Pandémie (de peur…) causant anxiété et absentéisme tant des employés que des clients;
o Services essentiels et marchés financiers perturbés;
o Restrictions frontalières et protectionnisme accru;…

Mais quelles sont les chances que tout ces « si » se matérialisent en séquence pour arriver à une réelle pandémie ? Ne sommes nous pas nous même responsables de nos débâcles appréhendées ? Quelques idées :


1. À titre de gestionnaire, s’il vous est impossible d’arrêter une pandémie, une bonne préparation réduira les risques en aidant à protéger les employés (limitant la propagation de l’infection sur les lieux de travail) et au maintien des activités essentielles;
2. À titre d’administrateur, vous devez poser des questions pour savoir si un plan de contingence existe pour les principaux risques identifiés qui peuvent affecter l’organisation (quant à leur sévérité et leur probabilité);
3. À titre personnel, je ne peux qu’espérer que nos médias résisteront à l’attrait de la nouvelle sensationnaliste à répétition. Qu’ils feront preuve d’un peu plus de réalisme et de lucidité dans leurs reportages et éviteront de créer de toute pièce une pandémie de… rumeur. Mais malheureusement le contraire est plus probable.


[1] Remarquez l’usage du temps conditionnel et non du futur…

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#23 - Bulletin AMBAQ de Juin-Juillet 2006

mardi 30 mai 2006

Tout un show !

On se demande parfois comment le conseil d’administration (CA) de telle ou telle organisation a bien pu laisser survenir une situation lui étant très défavorable ? Comment un groupe d’administrateurs chevronnés, possédant de telles feuilles de route ont bien pu ignorer, ne pas voir ou encore ne pas déceler une telle bévue potentiellement dommageable pour l’entreprise ?

Lorsqu’on analyse les CV d’administrateurs d’organisations dites « prestigieuses », on remarque qu’ils sont généralement tout aussi flamboyants. Leurs actionnaires devraient donc être en droit de s’attendre à une belle prestation de leur part et ce, à tous les égards ! Pourquoi n’est-ce pas toujours le cas ? Pourquoi a-t-on parfois l’impression qu’ils se sont fait avoir comme des débutants ?

Erreur de débutants
À mon avis, ces situations peuvent s’expliquer de plusieurs façons, notamment :

  • l’erreur est humaine;
  • mauvaises informations transmises;
  • mauvais traitement des informations reçues;
  • administrateurs non efficaces (en tant que groupe);
  • mauvais choix d’administrateurs;

C’est sur ce dernier élément que j’aimerais disserter un peu. Se pourrait-il que, par désir d’avoir un CA « à la hauteur », on y invite surtout des individus caractérisés par des historiques de succès (commercial ou financier) ? Malheureusement, ces personnes sont souvent submergées par leurs propres défis (qui sont par ailleurs généralement à la hauteur de leurs habiletés, lire : imposants et importants). Le temps qu’ils ont de disponible pour aider les autres est donc limité, souvent voire inexistant. Alors pourquoi acceptent-ils de telles nominations ?

Ils acceptent leurs nominations à titre d’administrateurs pour diverses raisons, pas toujours la bonne, notamment :

  • pour rendre service;
  • parce qu’ils ont le sentiment de pouvoir contribuer;
  • pour la gloire ou le prestige;

Mais la réalité les rattrape rapidement. Sauf rare exception, leur capacité à participer et ajouter de la valeur est nécessairement proportionnelle à leur disponibilité pour étudier les enjeux, comprendre la réalité de l’entreprise, analyser ses défis et proposer des commentaires pertinents sur les stratégies envisagés par l’équipe de direction.

S’ils sont peu ou pas disponibles, les résultats seront directement proportionnels aux efforts qui y seront injectés. Par contre, ça risque d’être beau de les voir aller en conseil. L’absence de maîtrise des principaux éléments d’un dossier empêche rarement un haut dirigeant de se faire une idée rapidement sur un sujet, et de la défendre… Ainsi on pourra parfois assister à un spectacle haut en couleurs ou des gestionnaires préparés auront à défendre des dossiers élaborés de longue haleine contre des administrateurs disposés à démontrer qu’on ne leur passe pas n’importe quoi rapidement. À une autre occasion, on aura droit à une longue discussion, qui permettra à tous de comprendre le haut degré de maîtrise par l’administrateur, sur un élément sans trop de valeur dans le contexte…

La vrai question devient donc : ‘Pourquoi nomme-t-on des administrateurs de renom, non disponibles ?’ Plusieurs dirigeants confrontés à la tâche de modifier un CA identifient des « gros noms » avant de se questionner sur les compétences requises au CA. On oublie de se demander : qu’est-ce qu’on pourrait ajouter pour faciliter la création de valeur ?

Alors quand ce sera à vous de passer aux actes, rappelez-vous qu’il est généralement plus efficient de nommer quelqu’un de moins réputé mais de plus disponible, que le contraire.

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#22 - Bulletin AMBAQ de Mai 2006

dimanche 30 avril 2006

T’es qui toi ?

Bien installé dans une tour au centre ville de Montréal, vous participez à un conseil d’administration d’une entreprise publique. Avec vos collègues administrateurs et à la lueur des plus récentes données financières, vous en venez à la conclusion que l’usine de « Quelque-Part-les-Machins » (située loin dans le Québec profond) est rentable mais pas assez profitable.

On ferme
Déjà vous avez tenté (subtilement…) de la vendre à d’autres joueurs de l’industrie, mais pour diverses raisons, personne ne s’est montré intéressé. Pour plaire aux analystes qui suivent le titre et maintenir le niveau de rendement auquel vos actionnaires sont habitués, la décision est prise de fermer l’usine et de transférer la production dans un bâtiment mitoyen à l’usine principale, évidemment située dans la région métropolitaine.

Dans les jours qui suivent l’annonce, une levée de boucliers s’effectue dans la région concernée et toutes sortes d’intervenants (dont vous ignoriez jusque-là l’existence) se manifestent pour vous infléchir et changer votre décision.

Détenteurs d’intérêts ou d’actions ?
Bienvenue dans le monde des détenteurs d’intérêts (communément appelés « stakeholders ») qui, ironiquement, ne sont généralement pas des détenteurs d’actions (« shareholders »). Au fil des ans, outre les groupes politiques, les syndicats et les élus municipaux concernés, toute une panoplie de groupes de pression a émergé au Québec :

  • Chambres de Commerce (locales, régionales,…);
  • SOLIDE, CLD, SDE, DEC et autres organismes de plus de 3 lettres visant le développement régional;
  • Coalitions et regroupements d’actionnaires (Lamoureux ou Michaud);
  • Groupes de pression environnementaux;
  • Regroupements de travailleurs risquant de perdre leur emploi (direct ou indirect);

Mais à titre d’administrateur, à qui êtes vous redevable de vos gestes ? Ici, la plupart vous répondront : « Envers l’organisation et l’ensemble de ses actionnaires ».

Mais des activistes tentent d’élargir la notion pour y inclure un certain niveau de responsabilité morale envers ceux qui sont touchés par les décisions du CA et ses impacts au niveau de l’entreprise.

Ailleurs, c’est plus complexe. Des études réalisées il y a quelques années en Asie et en Europe sur la question montraient que la perception était beaucoup moins claire, avec une prépondérance pour les droits des travailleurs et de la population environnante avant ceux des actionnaires. Qu’en est-il aujourd’hui ? À voir les décisions de rationalisation prises partout dans le monde, je serais porté à croire que le phénomène de la globalisation est en train de s’étendre à ce concept également…

Pas la morale
Si vous êtes seul actionnaire, il vous est permis de faire intervenir vos valeurs personnelles et votre morale dans vos décisions d’affaires. Ainsi, j’ai souvenir d’un entrepreneur Beauceron qui avait renoncé à vendre son entreprise à gros prix après avoir appris que les activités seraient transférées aux Etats-Unis, avec pour conséquence de massives pertes d’emplois pour ses employés.

Mais selon moi, si valeurs d’éthiques et respect des détenteurs d’intérêts sont acceptables, la morale n’a pas de sa place au CA d’une entreprise publique, dont la mission est d’optimiser le rendement des actionnairesmais.

Les décisions doivent donc être prises dans le sens des intérêts des actionnaires (mesures gérées comme un risque à l’image), à défaut de quoi, un administrateur risque de se retrouver en défaut de ses obligations de fiduciaire.

Maintenant, liez mes propos avec la réalité d’une Société d’État (ex : Hydro ou Loto-Québec), dont le seul actionnaire est le gouvernement, et là, tout devient vraiment confus.

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#21 - Bulletin AMBAQ d'Avril 2006

jeudi 30 mars 2006

Spes messis in semine

« Spes messis in semine[1] »

Bien que très niché, le capital de risque (mon métier) est l’un des volets de l’industrie des services financiers. Une des prétentions des organisations oeuvrant dans le secteur est d’affirmer leur capacité à créer de la valeur chez leurs partenaires. Un aspect souvent mentionné pour y arriver est d’aider l’entreprise et son entrepreneur(e) à passer à un niveau plus élevé de régie d’entreprise.

Ainsi les « VC » (pour Venture Capital) comme ils se font communément appeler, et les ZinZins (pour Investisseurs Institutionnels, comme on s’amuse à nous nommer affectueusement), imposent généralement la création (ou la réforme) d’un CA comme condition préalable à leur participation financière. Parmi leurs exigences les plus fréquentes, un(e) :
  • détention de sièges au CA proportionnelle à la détention d’actions (ex : 30% du capital donne droit à 2 sièges, sur un CA de 7 membres);
  • nombre minimal de réunions par année;
  • Président de Conseil distinct du PDG;
  • sélection accrue d’administrateurs externes indépendants pour les nominés de l’entrepreneur;
  • rémunération adéquate;

Les 3 derniers éléments sont plus récents dans le discours standard des VC. Il n’y a pas si longtemps, on tolérait encore à l’occasion un CA dirigé par le PDG, qui rémunérait ses amis administrateurs avec de petits jetons, de copieux soupers et une journée de golf à l’occasion.

Parmi les autres avancées, on note :
- l’usage de plus en plus fréquent d’administrateurs externes à titre de nominés (au lieu de nommer plus d’un professionnel à l’emploi du VC qui étaient très peu complémentaires);
- dans les dossiers en syndication, des nominations conjointes (ou co-optées) entre ZinZins pour, encore une fois, limiter le nombre d’administrateurs ayant des profils financiers similaires et possédant trop fréquemment un préjugé favorable envers un des actionnaires (son employeur…).

Ça semble donc évoluer pour le mieux. Plusieurs Zinzins ont adapté leurs politiques de nomination d’administrateurs (nominés) maintenant, préconisant les meilleures pratiques en matière de gouvernance, ils :
1. utilisent des matrices de compétence pour sélectionner les recrues, assurant ainsi la complémentarité des individus et favorisant la création de valeur;
2. établissent des grilles de rémunération qui à la fois valorisent le travail accompli par les administrateurs, mais permettent aux actionnaires d’exiger d’eux de la performance;
3. élaborent des banques de noms d’administrateurs présélectionnés et pré-qualifiés;
4. préconisent la formation en régie d’entreprise et la compréhension des rôles de chacun;
5. prohibent la nomination d’individus en situation de conflits d’intérêts (actuels ou potentiels);

Bien que de telles procédures ne soient pas garantes de succès, appliquées sérieusement, elles donnent une chance au forum qu’est le CA de jouer son rôle de façon efficace et idéalement, efficiente. Cependant, il faut faire attention, à mon avis, le degré de facilité avec lequel un CA efficace sera implanté (ou élevé au niveau suivant) est inversement proportionnel au niveau des forces appliquées pour l’imposer et le mettre en place;

Si on partage la philosophie à l’effet qu’un groupe d’administrateurs indépendants d’esprit, intéressés au succès de l’entreprise, sélectionnés diligemment, possédant des expériences diverses et des compétences appropriées au contexte, peut faire une différence (idéalement favorable…), alors ces derniers développements sont des bonnes nouvelles. Il nous reste à semer abondamment pour pouvoir espérer récolter dans le futur.

[1] Les anciens du Séminaire de Chicoutimi reconnaîtront leur devise : L’espoir de la moisson est dans la semence

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#20 - Bulletin AMBAQ de Mars 2006

mardi 28 février 2006

Y-a-t-il un pilote dans l’avion ?

En ce début d’année 2006, je me permets une chronique bicéphale. Premier sujet, un article de Gilles Paquet[1] du « Centre d’études en gouvernance » de l’Université d’Ottawa que j’ai lu récemment et qui comparait la gouvernance à un « réseau complexe » qui relie les actionnaires, dirigeants, employés, fournisseurs, clients, etc… Il y mentionne que malgré les apparences, la direction d’une entreprise n’est pas l’affaire d’un seul homme, le pilote, mais bien d’un ensemble de circuits et de réseaux, un peu comme un système de pilotage automatique. Le système coordonne constamment et de son mieux tous ceux détenant des parties de pouvoir, de ressources ou d’information.

L’image est très intéressante car, pour la plupart du temps, l’influence des administrateurs et du CA de l’entreprise sur l’équipe de direction est difficilement palpable. On questionne, on fait clarifier des directions, on ajoute son grain de sel, mais en général, ils en savent tellement plus que nous sur les opérations, qu’ils suggèrent la majorité des chemins à suivre et des moyens pour arriver à bon port.

C’est lorsque des situations spéciales surgissent qu’un bon administrateur sait qu’il doit débrancher le pilote automatique pour reprendre les commandes en mains. Susan Shultz[2] mentionnait dans un de ses livres que : « Être administrateur, c’est un peu comme être un pilote d’avion. C’est un contexte généralement ennuyant, ponctué de courtes périodes de terreur ».

En effet, lorsqu’une situation exceptionnelle survient (fusion, acquisition, pertes importantes, départ de joueurs-clés,…), le rôle change soudainement et peut requérir une implication majeure des individus concernés. Ils ne peuvent plus se contenter d’être des spectateurs, ils se doivent d’être des acteurs de premier plan. À cet égard, tous n’ont pas les mêmes aptitudes à monter sur scène ou même, à déceler quand le système automatique se doit d’être débranché…

Deuxième sujet : la gouvernance de nos gouvernements. J’ai eu le loisir d’assister à une conférence d’Hélène Gagnon[3] de Bombardier Transport qui m’a allumé sur le sujet de l’attribution des gros contrats publics.

Étonnamment, elle nous a expliqué que les États-Unis (avec le « Buy America Act »), les principaux pays d'Europe et presque tous autres pays de la terre utilisaient généralement la méthode du contenu local dans l’attribution des contrats publics. C'est-à-dire que lorsqu’un contrat est payé (ou subventionné en grande partie) par les fonds publics, ils magasinent à la fois le prix à payer et un contenu minimal (20 à 60%) devant être manufacturé ou assemblé localement, dans le pays donneur d’ordre. Vous pouvez imaginer l’impact d’une telle façon de procéder sur nos industries manufacturières produisant des autobus, métro, trains et véhicules militaires (incluant les bateaux, sous-marins, avions et hélicoptères).

Et bien surprise, le Canada, le Québec et leurs agences (ex : AMT) eux, de façon générale ne magasinent que le prix… Nos fonctionnaires et élus ne veulent que le meilleur produit au meilleur prix, et rien d’autre. Peu importe que le fournisseur retenu puisse développer ou soutenir dans son pays d’origine tout un secteur d’industrie porteur et créateur d’emplois. On est pour l’efficacité des marchés, même s’il n’y a que nous de vertueux, on va avoir un beau train, métro ou hélicoptère de combat « made-in elsewhere » (très canadien n’est-ce pas).

J’ai cru entendre récemment la voix d’un ministre libéral qui parlait de trouver une façon de favoriser Bombardier lors de l’attribution du contrat lié au renouvellement des wagons du métro de Montréal. J’espère que l’on va passer de la parole aux actes et faire comme les autres, soit de penser à nous lorsque c’est nous qui payons.

[1] Gilles Paquet, L’Actualité, p. 74, 15 décembre 2005
[2] Susan F Shultz, “The Board Book”, Amacom, 2001
[3] Congrès annuel AMETVS, « Protectionnisme et libre-échange : les mêmes règles pour tous ? », Hélène Gagnon, Directrice communications, Bombardier Transport, Septembre 2005

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#19 - Bulletin AMBAQ de février 2006

lundi 30 janvier 2006

À vos risques et périls !

Reculons dans le temps. Mine Westray, 1992, Nouvelle-Écosse, 26 décès, personne n’est tenu responsable et ce, malgré des circonstances accablantes. Suite à une enquête, le gouvernement canadien a décidé de modifier le Code Criminel (« CC »).pour faciliter dans de telles circonstances l’établissement de responsabilités pénales d’une part et l’obtention de condamnations tant pour les entreprises que leurs administrateurs, d’autre part.

Depuis Mars 2004, le projet de loi C-45 a modifié le CC en étendant la notion de responsabilité criminelle à toutes les organisations dans les cas de négligence en matière de santé-sécurité au travail (« SST »).

Martin Cauchon, ministre de la Justice présentait en juin 2003 ainsi son projet de loi : « l'organisation peut être tenue responsable des infractions de négligence lorsque des actions ou des omissions de ses représentants démontrent leur négligence et que le comportement de ses cadres supérieurs s'écarte nettement de la réaction normalement attendue dans les circonstances. »
Ainsi, les actions et les omissions visées par la loi sont celles des cadres supérieurs ou celles des agents de l’organisation (qui inclut les administrateurs, associés, membres, employés, et les mandataires). Incarnation de la compagnie, le Cadre Supérieur (notion qui remplace l’ancien concept d’Âme Dirigeante) inclut quiconque qui remplit un rôle important dans l’élaboration des orientations de l’organisation ou qui est investit d’un pouvoir de gestion dans un domaine d’activités de celle-ci. Évidemment, tout reste à préciser via la jurisprudence, mais elle devrait amener à inclure notamment les administrateurs, le chef de la direction et le directeur financier.

Plus particulièrement d’intérêt est l’obligation de supervision établie à l’article 217.1 qui précise qu’il « incombe à quiconque qui dirige l'accomplissement d'un travail ou l'exécution d'une tâche ou qui est habilité à le faire de prendre les mesures voulues pour éviter qu'il n'en résulte de blessure corporelle pour autrui ».

Bon, là je sens que je vous perds avec ces notions de droit plutôt drabes. Mais qu’est-ce que ça veut dire en clair pour le commun des administrateurs (et pour les gestionnaires) ?

Essentiellement qu’il s’agit d’un devoir où le respect de la norme de diligence raisonnable est encore plus important qu’à l’usuel. Les administrateurs d’entreprises où il existe des risques opérationnels pouvant résulter en blessures corporelles devront s’interroger à savoir si la haute direction à bien identifié ces risques, qu’elle a mis en place des normes, codes de sécurité et autres politiques qui assurent, au minimum, le respect des lois en SST. Ils devront également s’assurer d’un certain « reporting » quant à la conformité et aux actions prises lors de dérogations.

Par exemple, vous êtes Gérant Opérations d’un grand entrepôt, au sein d’une entreprise qui n’a pas de politique SST. Un des opérateurs de chariot élévateur vous a informé à deux reprises d’une défectuosité des freins, mais comme c’est la fin de mois avec ses objectifs à respecter, vous n’y avez pas donné suite. Au lunch, vous en glissez un mot au Directeur Finances qui vous répond que « c’est certain que ça peut attendre la semaine prochaine, non ? ». En après-midi, arrivé à un carrefour l’opérateur ne peut s’arrêter, il entre en collision avec un autre chariot, sa cargaison tombe sur l’autre chauffeur qui décède… Selon vous, qui de l’organisation, de ses administrateurs ou de ses gestionnaires pourraient se retrouver dans l’eau chaude ?

Il existe peu de cas de jurisprudence à ce jour, mais il faut s’attendre à ce que lorsqu’une telle situation se produira, l’opprobre public, combiné avec ce nouvel article de loi devraient guider la course dans la recherche de coupables. Et si c’était vous ?

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#18 - Bulletin AMBAQ de Décembre-Janvier 2006