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Président de Lacroix Groupe Conseil à Montréal, une firme qui offre des services de consultation stratégique en gouvernance, l’auteur était jusqu'à tout récemment, Vice-président investissements au Fonds de Solidarité FTQ et Vice-président du chapitre québécois de l’IAS. **** Les chroniques qui apparaissent dans ce blog sont rédigées puis publiées dans le bulletin mensuel de l'Association des MBA du Québec. À noter qu'elles ne reflètent que l'opinion de l’auteur **** Vous pouvez également obtenir plus d'infos sur certains des services en gouvernance que Lacroix Groupe Conseil est en mesure de vous offrir en allant voir le site web à : http://www.lacroixconseil.com

lundi 30 janvier 2006

À vos risques et périls !

Reculons dans le temps. Mine Westray, 1992, Nouvelle-Écosse, 26 décès, personne n’est tenu responsable et ce, malgré des circonstances accablantes. Suite à une enquête, le gouvernement canadien a décidé de modifier le Code Criminel (« CC »).pour faciliter dans de telles circonstances l’établissement de responsabilités pénales d’une part et l’obtention de condamnations tant pour les entreprises que leurs administrateurs, d’autre part.

Depuis Mars 2004, le projet de loi C-45 a modifié le CC en étendant la notion de responsabilité criminelle à toutes les organisations dans les cas de négligence en matière de santé-sécurité au travail (« SST »).

Martin Cauchon, ministre de la Justice présentait en juin 2003 ainsi son projet de loi : « l'organisation peut être tenue responsable des infractions de négligence lorsque des actions ou des omissions de ses représentants démontrent leur négligence et que le comportement de ses cadres supérieurs s'écarte nettement de la réaction normalement attendue dans les circonstances. »
Ainsi, les actions et les omissions visées par la loi sont celles des cadres supérieurs ou celles des agents de l’organisation (qui inclut les administrateurs, associés, membres, employés, et les mandataires). Incarnation de la compagnie, le Cadre Supérieur (notion qui remplace l’ancien concept d’Âme Dirigeante) inclut quiconque qui remplit un rôle important dans l’élaboration des orientations de l’organisation ou qui est investit d’un pouvoir de gestion dans un domaine d’activités de celle-ci. Évidemment, tout reste à préciser via la jurisprudence, mais elle devrait amener à inclure notamment les administrateurs, le chef de la direction et le directeur financier.

Plus particulièrement d’intérêt est l’obligation de supervision établie à l’article 217.1 qui précise qu’il « incombe à quiconque qui dirige l'accomplissement d'un travail ou l'exécution d'une tâche ou qui est habilité à le faire de prendre les mesures voulues pour éviter qu'il n'en résulte de blessure corporelle pour autrui ».

Bon, là je sens que je vous perds avec ces notions de droit plutôt drabes. Mais qu’est-ce que ça veut dire en clair pour le commun des administrateurs (et pour les gestionnaires) ?

Essentiellement qu’il s’agit d’un devoir où le respect de la norme de diligence raisonnable est encore plus important qu’à l’usuel. Les administrateurs d’entreprises où il existe des risques opérationnels pouvant résulter en blessures corporelles devront s’interroger à savoir si la haute direction à bien identifié ces risques, qu’elle a mis en place des normes, codes de sécurité et autres politiques qui assurent, au minimum, le respect des lois en SST. Ils devront également s’assurer d’un certain « reporting » quant à la conformité et aux actions prises lors de dérogations.

Par exemple, vous êtes Gérant Opérations d’un grand entrepôt, au sein d’une entreprise qui n’a pas de politique SST. Un des opérateurs de chariot élévateur vous a informé à deux reprises d’une défectuosité des freins, mais comme c’est la fin de mois avec ses objectifs à respecter, vous n’y avez pas donné suite. Au lunch, vous en glissez un mot au Directeur Finances qui vous répond que « c’est certain que ça peut attendre la semaine prochaine, non ? ». En après-midi, arrivé à un carrefour l’opérateur ne peut s’arrêter, il entre en collision avec un autre chariot, sa cargaison tombe sur l’autre chauffeur qui décède… Selon vous, qui de l’organisation, de ses administrateurs ou de ses gestionnaires pourraient se retrouver dans l’eau chaude ?

Il existe peu de cas de jurisprudence à ce jour, mais il faut s’attendre à ce que lorsqu’une telle situation se produira, l’opprobre public, combiné avec ce nouvel article de loi devraient guider la course dans la recherche de coupables. Et si c’était vous ?

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#18 - Bulletin AMBAQ de Décembre-Janvier 2006