Qui suis-je ?

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Président de Lacroix Groupe Conseil à Montréal, une firme qui offre des services de consultation stratégique en gouvernance, l’auteur était jusqu'à tout récemment, Vice-président investissements au Fonds de Solidarité FTQ et Vice-président du chapitre québécois de l’IAS. **** Les chroniques qui apparaissent dans ce blog sont rédigées puis publiées dans le bulletin mensuel de l'Association des MBA du Québec. À noter qu'elles ne reflètent que l'opinion de l’auteur **** Vous pouvez également obtenir plus d'infos sur certains des services en gouvernance que Lacroix Groupe Conseil est en mesure de vous offrir en allant voir le site web à : http://www.lacroixconseil.com

lundi 1 octobre 2007

Stratégie vous dites…

Vous êtes nommé administrateur, on vous parle de création de valeur et de choix stratégiques mais qu’en est-il vraiment ? Un prof[1] m’a déjà dit que la stratégie consistait à « trouver, créer et protéger des imperfections de marchés qui sont sources de valeur pour l’entreprise ». Tout un défi.

C’est bien connu, la direction est responsable d’élaborer la stratégie de l’entreprise, mais votre rôle au conseil par rapport à cet élément est parfois mal compris.

La capacité de remettre en question une approche, développée par une équipe qui y travaille pendant des semaines et qui possède des années d’expérience au sein de l’entreprise, et ce, après quelques lectures et une présentation de 2 heures n’est pas à la portée de tous. Au-delà d’une bonne expérience et une connaissance de l’industrie, il y a peut-être moyen de structurer votre approche de façon à maximiser votre apport.

Voici quelques suggestions sur comment vous pouvez accroître votre contribution au CA en dirigeant vos interventions « stratégiques » sur quelques éléments :

La conception

« Pour atteindre des résultats comme on a jamais eu, il faut faire des choses comme on a jamais fait[2] »

  • comprendre le processus qui a été utilisé (qui, quand, comment) ;
  • a-t-on analysé l’environnement, dégagé des alternatives et fait des choix en fonction d’un niveau de risque acceptable pour les actionnaires ;
  • assurez-vous qu’il ne s’agit pas d’un long plan opérationnel d’allocation des ressources sur 3 ans ;

La validation

« Ce que l’on conçoit clairement s’exprime aisément et les mots pour le dire viennent aisément[3] »

  • valeur et rigeur du processus suivi et des idées générées ;
  • est-ce que le plan explicite bien ce que vous réserve les autres, le monde, le futur, l’entreprise et comment ils espèrent en bénéficier ;
  • comprenez-vous biens les principales hypothèses utilisée et les choix qui ont été faits ;
  • plutôt que de questionner le comment, comprenez vous le pourquoi des choix effectués ;
  • que devra t-on changer d’important pour y arriver et quel temps sera requis ;
  • la Loi de Murphy nous oblige à envisager que certains éléments n’iront pas comme prévu, les a-t-on anticipés, quels sont nos plans B et comment gère-t-on les principaux risques identifiés ;

Lé déploiement

« Une vision sans exécution demeure une hallucination[4] »

  • la vision est-elle connue et partagée par tous les membres de l’organisation (incluant le CA) ;
  • il faut bien balancer notre besoin de comprendre avec la tentation de vouloir intervenir ;
  • nos employés sont-ils engagés et est-on en mesure de gérer le changement ;
  • les stratégies commerciales retenues sont-elles claires, appropriées et mesurables et les ressources allouées semblent-elles appropriées ;

Le suivi

« Ce qui ne se mesure pas, ne se gère pas[5] »

  • exigez un tableau de bord avec des indicateurs de performance mesurant la position de l’organisation par rapport à ses objectifs stratégiques ;
  • peut-on mesurer clairement la création de valeur découlant de la stratégie ;
  • qu’a-t-on mal estimé, ou quel changement est survenu expliquant les écarts entre les but visés et les résultats atteints ;
  • la direction est-elle imputable en cas de dérapage ;
  • quels correctifs doivent-être apportés à la stratégie en fonction de ce qui a changé ou a été mal exécuté ;

Évidemment, la prémisse à ce questionnement implique qu’au CA, des discussions régulières portent sur le plan stratégique de l’organisation et non seulement sur le plan d’affaires (ce qui est plutôt la norme). Assurez-vous donc que le sujet est à l’agenda.

Évaluer et bonifier la stratégie de l’organisation est l’un des rôles important du CA et à ce titre, il vous faut apprendre à poser les bonnes questions et à exiger les bonnes choses de la direction pour que, communément, vous arriviez non seulement à un consensus, mais à un résultat porteur d’avantages concurrentiels durable qui vous permettront de créer de la valeur pour vos actionnaires.



[1] Yvan Allaire, HEC, 2003
[2] Jean-Marc Léger, Léger Marketing
[3] Nicolas Boileau
[4] Thomas Edison
[5] Common Wisdom

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#30 - Bulletin AMBAQ d'octobre-novembre 2007

vendredi 1 juin 2007

Tendances et évolution

Cela fait maintenant plus de trois ans que j’écris sur les sujets chauds en gouvernance et sur leurs impacts sur la régie de nos entreprises. En suite de l’article sur l’évolution de la profession de comptable, j’ai décidé de parler de l’évolution récente du rôle d’administrateur de société. Bien que je sois certain d’en oublier, j’ai noté des tendances essentiellement sur 3 niveaux, pour chacun desquels, je vous résume les principaux vecteurs de changements :

LE CONTEXTE

o Les scandales : vu que la gouvernance était devenue un sujet chaud en 2002 après une série de scandales retentissants, on aurait pu croire que la situation se redresserait. En fait, il est rare qu’un mois s’écoule sans l’annonce d’une nouvelle « coche mal taillée » ;
o L’indépendance : bien que « challengée » par certains, la tendance lourde se confirme. On nomme de plus en plus d’administrateurs externes indépendants et leur nombre augmente constamment ;
o La responsabilité : les autorités ne peuvent s’empêcher de vouloir blâmer des coupables. Conséquemment, nos braves administrateurs se font coiffer par de plus en plus de chapeaux, augmentant ainsi la probabilité de mettre à risque leur patrimoine familial ;
o La réglementation : très souvent critiquées, les autorités règlementaires et les gouvernements ajoutent tellement de nouvelles règles à plein d’égards qu’on en vient à parler de « Contrôlance » ;
o Les ZinZins : les investisseurs institutionnels n’hésitent plus à exercer des pressions ouvertes sur les CA de sociétés ouvertes avec une gouvernance légère. De plus, l’accroissement du rôle des sociétés de capital-risque et d’équité privée au capital des compagnies québécoises fait en sorte que même les PME se dotent de CA (bien que parfois avec une efficacité à géométrie variable) ;

LE RÔLE

o Présence : plus d’heures, plus de réunions plus d’items à l’agenda, plus…, plus… Nos administrateurs ont dû accroître leur présence globale et élever leur jeu d’un cran.
o Risques : globalisation des marchée et précarité des modèles d’affaires ont forcés une gestion accrue des risques de l’organisation. On en est souvent encore seulement au stade de les répertorier, tellement ils sont nombreux, mais… ;
o Comités : on assiste à une spécialisation continue de nos gouvernants. Comités de vérification, de ressources humaines, de gouvernance, lorsque ce n’est pas un comité spécial, sont maintenant communs et contribuent à mieux saisir les enjeux d’affaires ;
o Sens critique : il est presque fini le temps où le PDG faisait avaliser de façon relativement facile sa vision des opérations. On assiste désormais à de vrais questionnements et nombre de CA n’hésitent pas à remettre en question les stratégies proposées ;
o Instantanéité : de nos jours, le moindre revers risque d’avoir instantanément son heure de gloire sur un des show de nouvelles en continue, créant un psychose de l’incident. Celle-ci oblige à constamment réviser ce qui « devrait » être fait, au travers du filtre de ce qui « paraît » ;

LES ATTENTES

o Stratégie : le grand gagnant de cette évolution semble être le Plan Stratégique. On s’attend de nos administrateurs qu’ils le comprennent, le bonifient, l’avalisent et le remettent en question (au besoin) ;
o Expertise : certains prétendront que les administrateurs devraient tout savoir, tout comprendre et tout résoudre. Ils n’en demeure pas moins que les attentes vis-à-vis leurs rôles se sont accrues considérablement. Heureusement que plusieurs organisations offrent maintenant divers formats de contenu visant à combler ou bonifier leurs expertises ;
o L’activisme : sous toutes ses formes, organisé ou non, la forte médiatisation des opinions contraires des groupes de pression oblige les CA à prendre en compte leurs points de vue (et c’est parfois une bonne chose…) ;
o Diversité : de provenance, de connaissance, d’expertise, de sexe et de façons de réfléchir. On s’attend (et on exige) de plus en plus que les recruteurs d’administrateurs ratissent plus large pour arriver à un ensemble plus complémentaire et moins homogène ;

Où nous mènerons toutes ces tendances à court-moyen terme ? C`est difficile à prédire. Des contradictions côtoient des difficultés d’exécution et des ressources limitées.

Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’un nouveau « sport extrême » que d’aucuns rechignent à pratiquer. Espérons qu’on pourra continuer à le faire tout en y prenant plaisir.

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#29 - Bulletin AMBAQ de Juin-Juillet 2007

mardi 1 mai 2007

Communication et divulgation !

Je vous parle souvent de formation en gouvernance et j’ai eu la chance d’être invité par la firme Deloitte à son excellente activité intitulée : Directors’ series. La dernière portait sur la rémunération de la direction et le rôle du CA à cet égard et je m’en suis inspiré pour écrire la présente chronique.

Quelques statistiques

Tout d’abord, diverses statistiques applicables aux dirigeants de grandes entreprises publiques américaines :
  • les salaires des PDG ont augmenté de 71% entre 2001 et 2005;
  • la part, représentée par les salaires cumulés des 5 plus hauts dirigeants sur le bénéfice net des sociétés, est passée de 5% à 10% de 1993 à 2003;
  • depuis 1985, la durée moyenne du mandat en poste des PDG est passée de 8 à 4,5 ans;
  • le taux de rotation au poste de PDG atteignait 15% en 2005.

Au Canada, Claude Lamoureux de Teachers, mentionnait avoir fait faire une étude pour tenter de trouver une corrélation entre la rétribution des PDG et le rendement des sociétés. La conclusion : on a trouvé uniquement une corrélation inverse entre le rendement obtenu et la dimension de leur résidence (moins elle est grande, meilleur est le rendement).

Le scandale

Lors du récent départ de Bob Nardelli à titre de PDG de Home Depot, les actionnaires ont eu la surprise d’apprendre qu’il quittait avec un pactole estimé à 210 M US$...

En 2001, lors du départ de Nortel de John Roth, au-delà de sa rémunération jugée excessive, on croyait encore à l’époque qu’il avait créé de la valeur pour les actionnaires. Le scandale (fraude et comptabilité créative) restait à venir et était encore occulté derrière la nouvelle.

Dans le cas de Nardelli, le scandale est dans la nouvelle même. Surtout lorsque l’on considère que cette rémunération suit un passage décevant à la tête de l’entreprise et un rendement mitigé.

Au cours des dernières années, la communauté financière, particulièrement celle des investisseurs institutionnels, s’est élevée de plus en plus devant de telles situations qui tendent à se reproduire plus fréquemment.

Le problème : la rémunération globale

La divulgation liée aux salaires des hauts dirigeants telle qu’elle est effectuée actuellement est partielle et incomplète. Salaire et bonis n’égalent pas rémunération globale. (« RG ») Pour y arriver, on doit nécessairement inclure la valeur de certains estimés incontournables, notamment :

· les bonis et les primes au rendement;
· les attributions d’actions et d’options;
· les avantages de retraite;
· les allocations de départ;
· tout autre avantage personnel reçu ou attribué.

La solution : la divulgation complète

Le conseil doit être en mesure d’expliquer clairement aux actionnaires de la société quelle est la valeur de la RG attribuée au PDG au cours de l’exercice, afin qu’ils puissent juger de sa raisonnabilité et exercer leurs choix (acheter, vendre, garder les actions de la société).

Les autorités règlementaires ont donc jugé nécessaire d’introduire de nouvelles règles liées à la divulgation. Au Canada, ces règles, dont l’introduction pour les sociétés publiques est prévue pour décembre 2007, porteront sur la présentation (NM 52-109) et ajoutent un Rapport de gestion sur la rémunération.

Ainsi, la société devra détailler non seulement la RG des 5 plus hauts dirigeants (et des administrateurs), mais expliquer ce que le programme tente de récompenser ainsi que les motifs justifiant l’utilisation de tel ou tel mode de rémunération. Un tableau détaillant la RG devra également être produit.

Que peut-on espérer ?

Bien sur que tout cela va causer divers maux de tête tant aux dirigeants qu’aux administrateurs (particulièrement ceux membres du comité des ressources humaines), mais c’est pour le mieux. Bien sur que des problèmes de « timing » liés aux stratégies court, moyen et long termes vont surgir et c’est là que les explications sur les éléments valorisés et leurs modes de rémunération prendront tous leur sens.

Il est grand temps que l’on puisse estimer la RG accordée aux dirigeants. Plusieurs administrateurs avouent du reste ne pas être en mesure de le faire et avoir peu de moyens pour l’influencer…

On pourrait même oser espérer être éventuellement en mesure de faire des liens entre la haute rémunération de ces hauts dirigeants et le rendement procuré aux actionnaires sous leur gouverne.

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#28 - Bulletin AMBAQ de mai 2007

dimanche 1 avril 2007

Un environnement malsain !

Le tout dernier né des scandales en gouvernance à trait au « datage » effectué par certains CA d’entreprises publiques lors de l’octroi d’option d’achat d’actions (« OAA »).

Dans quel environnement
À ce jour, il y aurait près de 200 compagnies sous enquête par la puissante SEC américaine (« Security and Exchange Commission ») et incluant RIM-Research in Motion (lire Blackberry), la prunelle du marché canadien. La mécanique du problème s’explique comme suit :

o Un CA désire récompenser un dirigeant ou un administrateur par le biais d’un octroi d’OAA ;
o La manipulation des dates assure presque infailliblement au détenteur de l’option un profit significatif (dans la mesure où il les exerce rapidement) ;
o L’octroi se fait à une date antérieure, alors que l’action affichait une valeur boursière basse et que l'on sait redressée depuis.

Un premier exemple, la compagnie PIXAR de Steven Jobs, présentement sous enquête, a octroyé des OAA à John Lassiter, un exécutif apprécié, pour faire renouveler son contrat d’emploi, mais à une date précédant de plus de 3 mois la date de signature du-dit contrat, pour un profit potentiel de plus de 12M$.

Un autre exemple qui illustre bien le concept est celui des options octroyées en trois occasions à Jeffrey Rich, ancien PDG d'Affiliated Computer Services, qui a démissionné l'an dernier à la suite du scandale. Bien que les octrois aient été plutôt à l'avantage de Rich, la compagnie a affirmé qu’il s’agissait de « blind luck »… Pour sa part, WSJ[1] a estimé la probabilité d’une telle séquence d’événements à environ 1 chance sur 300 milliards . Qui croire ?





Date de l'octroi (Prix des actions ajustés pour fractionnement)

Les administrateurs qui cautionnent et participent à une telle manipulation s’excusent en pensant qu’il n’y a pas d’impact sur les résultats et les états financiers de l’entreprise. Mais alors, quelqu’un bénéficie d’informations privilégiées, dont les conclusions avérées lui permettent d’anticiper un profit potentiel accru de façon significative, est-ce légitime ?

À mon avis, il s’agit là d’une pratique condamnable qui mérite non seulement d’être divulguée, mais dont les participants se doivent d’assumer la responsabilité de leurs gestes.

Responsabilité des administrateurs
Que ce soit de façon très normée (l’approche américaine à la Sarbanes-Oxley) ou basé sur des principes à respecter (l’approche canadienne), le membre d'un Conseil d’Administration met constamment en jeu sa responsabilité personnelle. Une protection de base demeure la fameuse assurance « D&O » qui couvre les réclamations qui pourraient être prise contre un dirigeant ou administrateur dans le cadre de sa fonction.

Tout comme pour les réclamations potentielles liées à l’environnement, un administrateur pourrait croire qu’il est à l’abri de telles réclamations. Mais une analyse approfondie des clauses de couverture s’impose. J’ai récemment vu le cas où la police d’assurance couvrait les frais juridiques de défense liées à un évènement environnemental, mais pas les frais de rémédiation…, car il faut un avenant spécial. Advenant un sinistre inattendu, les administrateurs pourraient se retrouver dans le pétrin, alors qu’ils se croyaient à l’abri.

Dans le cas des OAA avec une date antérieure, advenant une réclamation, je suis convaincu que les assureurs plaideraient qu’il s’agit non pas d’une « Erreur & Omission », mais bien d’un geste malveillant planifié (lire : fraude), ce qui l’exclurait de la protection.


Conclusion
Avis donc à ceux qui exercent ce métier, ils faut toujours s’intrerroger sur l’aspect rétribution lié à une transaction et se demander si elle crée de la valeur au bénéfice de l’ensemble des actionnaires ou à un cercle restreint d’individus. Auquel cas, il s’impose de changer de cap rapidement.

Il nous reste à espérer que les administrateurs de sociétés publiques vont continuer à mettre leur créativité aux services des actionnaires et de la création de valeur au sein de l’organisation, et non à celle d’individus déjà bien nantis.


[1] Sources : WSJ Market Data Group; FactSet Research Systems, février 2007

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#27 - Bulletin AMBAQ d'Avril 2007

jeudi 1 février 2007

Quelle perte d'énergie !

La gouvernance des organismes publics ou semi-publics n'est pas de tout repos. Ses dirigeants et administrateurs sont constamment interpellés entre leurs désirs de bien gérer la chose publique et ceux des élus au gouvernement qui les mandatent, qui essaient fréquemment de se servir des impacts d'une décision importante à des fins partisanes.

Combien de fois a-t-on constaté que le gros bon sens laissait sa place à des compromis ayant pour seul résultat de réduire considérablement les retombées positives attendues d'un projet majeur.

Tout comme un conseil d'administration se doit d'agir dans l'intérêt de l'entreprise et de l'ensemble de ses actionnaires, on est en droit de s'attendre de nos dirigeants qu'ils gouvernent dans l'intérêt de l'État et de tous ses citoyens, et non d'un groupe restreint de ceux-ci. Mais qu'est-ce qui les pousse donc à agir ainsi ?

L'information des groupes de pression

Deux réponses probables : La recherche constante du sensationnalisme ou l’excès d’information par les différents médias combinée avec une culture du soupçon entretenue par des groupes de pression . Ces deux pressions combinées permettent de remettre en question la presque totalité des projets structurants ayant des impacts positifs pour la majorité.

Des groupes défendant à tout prix l'opprimé (basé sur une définition au sens très large) et le salut de l'exception (aux dépens de la masse) sont devenus la norme. Des exemples:

  • L'importance accordée récemment aux revendications d'une minorité d'autochtone, en désaccord avec le projet d'harnachement de la rivière Eastman, alors que la majorité d'entre eux l'ont déjà accepté;
  • L'abandon du projet de Loto-Québec de relocaliser le casino au bassin Peel en collaboration avec le Cirque du Soleil, pour suivre l'avis du directeur de la santé publique et les pressions des groupes communautaires, alors que le gouvernement était impopulaire dans les sondages;
  • La réfection d'un vieil hôpital en un gratte-ciel hospitalier universitaire (avec tous les inconvénients pour le centre-ville pour les prochaines années), au lieu de l'installer là où on avait tout l'espace requis pour en faire un neuf, efficace, synergique et, sans déranger tout le monde;
  • Un paiement de $10 millions à un Canadien qui a subi de réels préjudices, infligés par les autorités de son pays d'origine, suite à une déportation faite par les autorités d'un autre pays… alors que le gouvernement tentait d'être populaire dans les sondages;

À mon avis, nos élus gouvernent trop souvent basés sur la perception de l'opinion publique diffusée par les médias. Mais ces reportages et sondages urbains qui meublent ad nauseam les médias écrits et électroniques dans de telles occasions, présentent-ils vraiment l'opinion de la grande majorité silencieuse ? Et si notre intérêt dépassait l'opinion de l'homme de la rue qui donne son idée sur le sujet ?

Accès à l'information ou excès d'information

Suis-je le seul à trouver que nous sommes inondés d'information inutile et sans intérêt, que l'on nous projette sans fin et à répétition des quasi-reportages sans valeur ? À penser que nos gouvernements prennent des décisions réactives en réponse à ces nouvelles surgies de nulle part ?

La multiplicité des diffuseurs et de l'espace média disponible obligent les journalistes à user d'imagination pour capter l’attention et ce faisant, les forcent quasiment à créer de la nouvelle pour leur permettre de remplir tous les formats disponibles. On peut se questionner à savoir si cette quête de la nouvelle ne finit pas par :

  • amener nos dirigeants à agir de façon populiste au lieu de considérer le bien commun ?
  • nous entraîner dans le voyeurisme plutôt que dans le questionnement ?
  • créer des semblants de situations compromettantes qui nous font perdre de vue l'essentiel ?
  • obliger les gens à affirmer des simplicités simplement par ce qu'on leur offre une tribune ou un micro ?

La gouvernance d’organismes publics s’effectue trop souvent pour quelques personnes, plutôt que pour l’État ou pour la majorité. On vit maintenant dans un monde d'information continue, mais je commence à me dire que trop, c'est comme pas assez.

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#26 - Bulletin AMBAQ de février-mars 2007

lundi 1 janvier 2007

Contrôlance ou gouvernance ???

Les sociétés de capital de risque (« SCR ») affirment souvent qu’un des effets premiers de leur arrivée à titre de partenaire au capital d’une entreprise, est la mise en place d’une meilleure régie d’entreprise. La gouvernance étant supposée être, d’après eux, l’outil de choix pour permettre la création de valeur de par la mise en place de nouvelles façons de faire.

Je peux attester qu’il s’agit là, pour moi personnellement, d’une croyance profonde. La bonne gouvernance, lorsqu’on utilise des processus basés sur les meilleures pratiques ramenées à la dimension de l’entreprise et lorsque effectuée par des administrateurs compétents, amène des réflexions de haut niveau qui bonifient généralement la situation présente et future de l’organisation.

Ce contre-pouvoir qu’est le conseil d’administration, mis sur pied pour faire contrepoids aux pouvoirs très élevés entre les mains du PDG et de son équipe, sert à encadrer, superviser et autrement questionner les principales actions envisagées (ou déjà effectuées) par la direction.

En gouvernance, j’arrive à déceler deux axes principaux qui m’apparaissent tout aussi importants l’un que l’autre, soit la préservation et la création de valeur, qui pourraient se décliner comme suit :

1. Fonctions de préservation de la valeur (contrôle)
· assurer l’exactitude et l’intégrité de l’information
· valider la valeur des contrôles internes
· monitoring des résultats financiers
· mesurer la performance opérationnelle
· s’assurer de l’efficacité organisationnelle et au C.A.;
· assurer une divulgation appropriée;
· assurer une conduite éthique et légale appropriée

2. Fonctions de création de valeur (gouverne)
· continuité et renouvellement du leadership
· établissement d’une vision-mission-stratégie claire;
· identifier et partager les opportunités (fusion/acquisition);
· créer des synergies (réseaux);
· accroître l’efficience organisationnelle et au C.A.;
· identification et gestion des risques;
· évaluation de la performance du PDG et des administrateurs
· aider l’équipe de dirigeants à :
- accroître leurs revenus et profits;
- réduire leurs dépenses et leurs coûts;
- améliorer leur structure financière et leur bilan.

Plusieurs insistent même pour dire que les fonctions liées au second groupe devraient avoir une importance relative supérieure à celle du premier. Mais qu’en est-il en réalité. On constate depuis quelques années, que le volet normatif et réglementaire impose de plus en plus de processus de contrôle, prend de plus en plus de place et en laisse de moins en moins pour les actions dites de création de valeur. Parfois, c’est aussi le fait que les rôles de l’administrateur sont mal compris par les membres du C.A. et que les fonctions de contrôle sont souvent plus faciles à réaliser…

Tableau 1 : Modèle de gouvernance


Le Modèle de gouvernance[1] au Tableau 1, illustre le fait qu’à chaque fois que l’on ajoute une tâche ou un rôle axé sur le contrôle, aussi petit que soit le changement, si rien d’autre ne change en terme de nombre d’administrateurs ou de réunions, quant à la durée de celles-ci ou des rôles assumés par le C.A., inéluctablement, le temps disponible pour l’aspect création de valeur est réduit. Au fils des ans, l’administrateur avisé se rend compte qu’il est passé en mode « contrôlance » au détriment de celui d’une saine gouvernance, qui balance préservation et création de valeur.

Il n’y a pas de solutions faciles, mais dans la mesure où l’entreprise doit se soumettre au volet normatif (sociétés réglementées ou ouvertes), il revient au C.A. d’ajouter des ressources (temps-personnes) pour re-balancer l’effort global. Pour les entreprises privées, le C.A. doit se questionner à savoir comment rediriger certains efforts pour atteindre une balance raisonnable entre les 2 axes.


[1] Inspiré d’un modèle proposé par Tim Roth, dans Governance Review, ICD Corporate Governance College

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#25 - Bulletin AMBAQ de Décembre-Janvier 2007