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Président de Lacroix Groupe Conseil à Montréal, une firme qui offre des services de consultation stratégique en gouvernance, l’auteur était jusqu'à tout récemment, Vice-président investissements au Fonds de Solidarité FTQ et Vice-président du chapitre québécois de l’IAS. **** Les chroniques qui apparaissent dans ce blog sont rédigées puis publiées dans le bulletin mensuel de l'Association des MBA du Québec. À noter qu'elles ne reflètent que l'opinion de l’auteur **** Vous pouvez également obtenir plus d'infos sur certains des services en gouvernance que Lacroix Groupe Conseil est en mesure de vous offrir en allant voir le site web à : http://www.lacroixconseil.com

vendredi 1 février 2008

A, B, C, P… Oupsss !

On est maintenant familier avec la crise vécue par plusieurs investisseurs qui ont acheté des ABCP (« Asset Backed Commercial Paper ») communément appelés en français des PCAA. En gros, des clients d’institutions financières réputées ont acheté des placements court-terme très bien cotés par les agences de crédit canadiennes, et dont le nom laissait croire qu’il s’agissait là de papiers garantis par des actifs (voir Tableau A[1]).

Tableau A


Dans les faits, en tentant de comprendre le problème, on a appris que des promoteurs, partant du concept connu, y ont intégré à la fois effet de levier et autres subtilités nouveau genre qui ont rendu l’appariement déficient, et ont ainsi offert des papiers couverts par une structure de garantie diluée par un facteur pouvant aller jusqu’à 10 pour 1 (voir Tableau B). Ceci probablement à l’insu de la majorité des individus qui ont accepté de les acheter, pour un rendement légèrement plus élevé que celui des obligations sans risque.

Tableau B


On connaît la suite, la crise de liquidité causée par les hypothèques à risque, a fait en sorte que la valeur des fonds, constitués de PCAA (dont certains incluaient des créances hypothécaires) et qui n’arrivaient plus à renouveler leurs papiers, a plongé en chute libre.

Je suis assez critique envers les investisseurs professionnels ou institutionnels qui se sont retrouvés dans l’eau chaude après avoir acheté (ou vendus) de tels placements pour quelques BIPS de plus (« basis points »). C’est leur métier de comprendre ce qu’ils achètent et certains indices auraient dû les alerter, par exemple :
  • La complexité des instruments;
  • Leur évaluation longue et difficile, à preuve, le refus des agences américaines de crédit de les coter;
  • Leur liquidité insuffisante;

Pour ce qui est des gestionnaires chargés de placer les excédents de liquidités de leurs entreprises, à moins qu’ils ne possèdent un niveau de sophistication exceptionnel, on doit être clément à leur égard.

Maintenant, du coté des coupables usuels, plusieurs administrateurs se sont fait pointer du doigt pour les pertes subies ou à venir et je me suis questionné à savoir s’ils auraient du être en mesure d’éviter une telle situation ?

Pour y répondre, je me suis demandé s’il était raisonnable pour un administrateur de douter de la banque de la compagnie, qui lui vend un papier garanti et duquel on dit qu’il est coté AAA ? Généralement sur un CA, on a d’autres problèmes plus urgents à débattre.

J’en conclu donc que seul un instinct hors du commun, ou des connaissances très particulières du marché des instruments financiers, aurait pu soulever un doute chez l’administrateur siégeant sur un comité de gestion des risques (incluant les placements) ou sur un CA qui devait autoriser une telle stratégie de placement.

Que peut-on faire pour tenter de se prémunir contre de telle situation ? À moins d’être prêt à tomber dans le contrôle à l’excès, très peu, à mon avis… Les rôles d’administrateur incluent déjà suffisamment de devoirs de diligence. Si on tente d’éviter tout ce qui est risqué, on finit par vouloir tout contrôler et ce faisant, on se frappe à la porte de l’ingérence dans la gestion et du micro-management.

Par contre, certains administrateurs plus expérimentés n’ont pas hésité à appeler leur PDG dès les premières rumeurs de problèmes et conclu avec eux qu’il valait mieux se départir de ces placements suspects. Ceux qui ont agit ainsi ont été épargnés en grande partie.

Alors, la prochaine fois, si vous n’êtes pas en mesure de vous faire expliquer en des mots simples la nature des instruments financiers que vous acheter, laissez passer…


[1] Deloitte, The Directors’ Series : Réagir au bouleversement externe : l’effondrement du marché des prêts hypothécaires à risque, oct. 2007

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#32 - Bulletin AMBAQ de février 2008