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Président de Lacroix Groupe Conseil à Montréal, une firme qui offre des services de consultation stratégique en gouvernance, l’auteur était jusqu'à tout récemment, Vice-président investissements au Fonds de Solidarité FTQ et Vice-président du chapitre québécois de l’IAS. **** Les chroniques qui apparaissent dans ce blog sont rédigées puis publiées dans le bulletin mensuel de l'Association des MBA du Québec. À noter qu'elles ne reflètent que l'opinion de l’auteur **** Vous pouvez également obtenir plus d'infos sur certains des services en gouvernance que Lacroix Groupe Conseil est en mesure de vous offrir en allant voir le site web à : http://www.lacroixconseil.com

mercredi 8 septembre 2010

LES “RUSTRES” ET LES RUSSES

Notre fierté nationale (RIM)

Alors que les usagers de BlackBerry de par le monde craignent la perte de leur précieux signal, ici, on a parfois l’impression d’en avoir trop.

Qui d’entre nous n’a pas été confronté à un interlocuteur qui semblait tout à coup absent de la conversation afin de porter son regard sur son BB (ou autre appareil dit « intelligent »). Moi… jamais je ne ferais ça !

Sur l’usage du BlackBerry

Évidemment que cela peut paraître impoli si cela survient au resto avec une connaissance intime, mais qu’en est-il lorsque quelqu’un vous ignore de cette façon durant une réunion d’équipe, une présentation à des clients, où encore, un des sujets de la présente chronique, lors d’un conseil d’administration ? Le geste revêt alors une signification beaucoup plus importante :

• Suis-je à ce point inintéressant ?
• Est-il fermé à mes idées ou bien sont-elles mauvaises ?
• A-t-il d’autres préoccupations plus importantes que ce qui est sur la table (pourtant important pour moi et l’organisation) ? Et surtout,
• Est-ce qu’il prend son rôle d’administrateur au sérieux ?

Dans tous les cas, cela peut s’avérer difficile à gérer pour ceux qui entourent le vagabond spirituel.

Doit-on tenter de les régir par BBB ?

Comme il s’agit ici d’une nouvelle technologie, l’étiquette et les tendances lourdes n’ont pas encore eu le temps de formaliser une règle acceptée de tous. À l’exception de regards outrés et d’interventions de type : « Bon, là on ferme tous nos BB pour 1 heure ! », les règles à suivre à ce propos demeurent imprécises ou du moins, variables selon les groupes.

À mon avis, le désir individuel de garder le contact avec le monde extérieur à jusqu’ici primé sur le besoin collectif de capturer l’attention de tous durant quelques heures. Rien n’empêche que plusieurs bonnes raisons militent en faveur d’un « BB Black-out » lors de la tenue d’un CA :

• Temps de qualité limité
• Facteur disruptif de la dynamique de groupe
• Générateur potentiel de conflits interpersonnels
• Perte d’attention du concerné sur les sujets discutés
• Absorption inégale par les administrateurs des informations transmises

J’ai pris l’habitude de suggérer à mes collègues des « règles du jeu » qui précisent notamment d’utiliser les technologies de façon à demeurer présent, et ce, sans déranger les autres. Mais est-ce suffisant ? À partir de quand doit-on arrêter une présentation pour s’assurer que tous sont attentifs et à l’écoute du débat en cours ?

Comment sévir lorsque requis sans s’aliéner personne ? Je demeure un partisan de la ligne douce, celle où l’on en parle discrètement après coup avec le « délinquant » pour tenter d’éviter que cela ne se répète. J’imagine que lorsque certains individus dépassent les limites du convenable, une intervention publique du président du conseil pourrait s’avérer nécessaire, mais à quel prix ?

Notre partenaire international (Russie)

Difficile de parler d’un pays ou je ne suis jamais allé et avec lequel je n’ai eu que des interactions au second degré sur certains CA, mais quelques recherches web permettent de dénicher des études sérieuses sur l’état de la gouvernance en Russie et son évolution.

On y constate que l’introduction en 2002 par les autorités des marchés financiers russes(1) d’un code de gouvernance de type volontaire (« comply or explain »), enchâssé dans un cadre législatif s’apparentant parfois à un mode anglo-saxon, mais combiné avec certaines pratiques (celles des « two-tier board ») en usage dans les pays d’Europe continentale, a généré une gouvernance du genre : démocratie dictatoriale. Bien que les lois changent, il ne semble pas en être de même pour ce qui est du comportement des corporations et des hauts dirigeants. La corruption, le manque de transparence et la facilité avec laquelle les entreprises bafouent les droits de leurs actionnaires minoritaires illustrent le climat auquel sont confrontées les sociétés en quête d’une bonne gouvernance.

Un sommaire comparatif de l’état de la gouvernance au sein de divers pays et préparé en 2007(2) relève 3 zones de problèmes qui affligent les administrateurs de sociétés russes qui tentent de remplir leurs rôles :

i. Le manque de transparence (quant à la propriété et la divulgation financière)
ii. La faible application des lois en général et la difficulté de les faire respecter
iii. Le manque de confiance (« trust ») entre les intervenants

Mais de fortes pressions s’exercent pour que ces pratiques changent, notamment des agences de notation internationales qui réclament plus de transparence et les investisseurs institutionnels qui exigent le respect des droits des minoritaires, à défaut de quoi, ils iront investir ailleurs. Le gouvernement quant à lui travaille à réduire le niveau de corruption qui y est systémique.

Un autre type d’éclairage est apporté par un sondage effectué en Russie(3). Questionnés sur les pratiques d’affaires et la culture managériale prévalant au sein des CA en Russie, plusieurs étaient d’avis qu’il y a encore plusieurs failles à améliorer avant d’atteindre ce qui pourrait s’apparenter aux standards de l’ouest (ou nord-américains), notamment :

• L’encadrement légal et les normes comptables moins propices aux sociétés et leurs conseils
• La faible imputabilité des gestionnaires face aux actionnaires
• Une hiérarchie forte et centralisée et la quasi-absence de délégation d’autorité
• La négligence « volontaire » face aux obligations contractuelles
• Le niveau d’agressivité relatif de l’environnement d’affaires russe

Tous semblent également s’entendre pour dire que la récente crise économique a grandement ralenti l’évolution en cours en termes de bonnes pratiques de gouvernance. Ce freinage étant attribué à l’accès réduit aux capitaux étrangers et la conséquente réduction des incitatifs liés à l’adoption de standards internationaux qui l’accompagnait.

Un ami à moi(4) qui y travaille à l’occasion me disait qu’on « reconnait de plus en plus que bonne gouvernance et transparence contribuent à accroître la valeur de l'entreprise, d’où la tendance à recruter des administrateurs indépendants, parfois non-russes, et d'élaborer et communiquer publiquement ses principes de gouvernance. Cependant, on retrouve encore au sein des CA des sous-groupes plutôt hermétiques qui détiennent le vrai pouvoir décisionnaire. Finalement, de pouvoir s'incorporer dans plusieurs juridictions provinciales (« oblasts ») crée des opportunités pour dissimuler les décisions aux actionnaires ».

Les gens d’affaires désireux de profiter de ce vaste nouveau marché devront donc continuer à composer avec une justice à géométrie variable et espérer que les astres se réaligneront bientôt pour relancer la tendance.

(1) : Principles of Corporate Governance, Russia, juin 2010, eStandardsForum.com
(2) : Governance Lexicon, sept 2007, SpencerStuart
(3) : Modern Corporate Governance in Russia as Seen by Businessmen & Experts, sept 2010, National Council on Corporate Governance
(4) : Piers A. Cumberlege, Straightview, Chairman Emeritus “Canada Eurasia Russia Bussiness Association”


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#48 - Bulletin AMBAQ de Septembre-Octobre 2010