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Président de Lacroix Groupe Conseil à Montréal, une firme qui offre des services de consultation stratégique en gouvernance, l’auteur était jusqu'à tout récemment, Vice-président investissements au Fonds de Solidarité FTQ et Vice-président du chapitre québécois de l’IAS. **** Les chroniques qui apparaissent dans ce blog sont rédigées puis publiées dans le bulletin mensuel de l'Association des MBA du Québec. À noter qu'elles ne reflètent que l'opinion de l’auteur **** Vous pouvez également obtenir plus d'infos sur certains des services en gouvernance que Lacroix Groupe Conseil est en mesure de vous offrir en allant voir le site web à : http://www.lacroixconseil.com

mardi 11 janvier 2011

LE HUIS CLOS DU CONSEIL

L’ORIGINE

Ne vous en faites pas trop si vous n’êtes pas très familier avec le concept de session in-camera ou de huis clos, vous n’êtes pas seuls à vous demander pourquoi et comment ?

Que ce soit dans sa forme française où le mot « huis », dérivé de huisserie, prend le sens de porte (close), ou celui de « camera » qui, dans sa racine latine, nous amène au concept de chambre (close), ces expressions signifient une audience pour laquelle on ressent le besoin d’exclure certains membres qui la constitue habituellement.

Ainsi, que ce soit dans sa forme judiciaire où le public est exclu d’un procès, ou celle d’une assemblée de conseil municipal où les citoyens sont exclus des débats, on parlera de huis clos lorsque le groupe de décideurs permet d’exclure ces parties prenantes afin de garder une partie des débats (ou l’ensemble) à l’abri des regards et du jugement des autres, pour en optimiser le rôle.

Je ne tenterai pas de décrire l’ensemble des bonnes manières liées à la tenue d’une session in-camera visant à exclure le public, mais plutôt me contenter de circonscrire en quoi consiste la bonne pratique qui permet de tenir un débat privé et non décisionnel (« closed session ») entre certains des administrateurs à la fin d’un conseil.

LE CONTEXTE

Comme le CA et ses comités ont pour objectif de superviser la gestion effectuée par l’équipe de direction en place, il peut s’avérer difficile d’aborder franchement en conseil certains sujets en leur présence, surtout lorsqu’ils les visent ou concernent leurs performances. On trouve plusieurs références à cette pratique visant à tenir une session à la fin des CA avec seulement les administrateurs externes indépendants afin de leur offrir l’occasion de parler entre eux d’éléments plus sensibles. Par contre, on retrouve très peu de matériel sur la marche à suivre lors de la tenue d’une telle session.

Dans un contexte de gouvernance, comme l’objectif est essentiellement de leur permettre de mieux remplir leur rôle, il m’apparaît préférable de considérer les éléments suivants :

• les sujets discutés le sont pour information, questions et discussions seulement et la session n’est pas décisionnelle. Si on prend une décision (bien qu’il ne s’agit alors que d’une intention), on doit la formaliser en la reprenant au sein d’un CA
• bien que certaines notes puissent être prises par le Président du CA (« PdC ») ou l’administrateur principal (« lead director ») qui assume ce rôle lorsque le PdC n’est pas indépendant, étant donné qu’aucune décision n’y est prise, il n’est pas requis de tenir des minutes. Si on décide d’en écrire, elles sont conservées séparément par le PdC aussi longtemps que la confidentialité est pertinente
• c’est le rôle du PdC de transmettre rapidement au PDG les principales conclusions convenues lors de la session et ce, afin que l’équipe de direction puisse faire rapidement les arrimages requis
• le huis clos est un outil qui, bien utilisé, permet de ventiler des frustrations qui risquent de s’amplifier ou de dégénérer si non adressées, mais il ne doit pas devenir aux yeux du management, une arme utilisée contre eux

LE PROCESSUS

Parmi les éléments à considérer pour la bonne marche d’une session à huis clos, on pourrait inclure :

• mettre la session à l’agenda de chaque conseil
• prévoir +/- 10 minutes, généralement en fin de session (bien que certains préfèrent au début), évitant aux autres à devoir revenir pour clore le CA
• considérer la possibilité que le PDG soit présent en début de session pour passer certains messages sur son équipe
• seuls les administrateurs et observateurs sans lien avec la direction siègent à la session
• considérer la possibilité d’avoir des invités ou experts (comme au CA)
• il n’y a pas vraiment de quorum (dans la mesure où celui du CA était atteint)
• une session gagne à être tenue à la fin des réunions de comités, selon la même procédure
• considérer la possibilité de tenir la session une fois que le CA terminé, donc non sujet à la procédure

Mais de quoi discute-t-on dans une telle session ? Qui amène les sujets ? Après quelques huis clos, les administrateurs externes s’habituent à retenir certains éléments et questionnements pour être discutés dans un tel contexte. La liste des sujets propices à une discussion inclut notamment :

• la relation avec l’équipe de direction et surtout le PDG
• la qualité ou la quantité de l’information fournie, le niveau de transparence et d’attentes
• la performance du CA, des comités, des administrateurs ou de l’équipe de direction
• la rémunération du PDG (à un moment différent de l’évaluation de sa performance)
• les sujets à aborder dans le futur et la préparation requise
• le développement du CA et le recrutement de nouveaux membres
• tout litige potentiel impliquant la direction ou un individu lié au CA
• tout sujet pour lequel un administrateur est inconfortable d’en discuter en conseil

Souvent pour les entreprises familiales, la composition de l’équipe de direction reflète la nature de son actionnariat et de son conseil. Comment doit-on alors traiter les administrateurs provenant de la famille ? À mon avis, dans un tel cas on est en droit de supposer que la règle qui stipule que : « seuls les administrateurs sans lien avec la direction demeurent », s’applique.

EN CONCLUSION

Il m’apparaît essentiel, premièrement, de ne pas tenter de transposer à un CA le sens juridique du huis clos, soit celui où l’assemblée demeure décisionnelle mais avec moins d’audience. Deuxièmement, de ne pas confondre ce concept, utile en contexte de gouvernance, avec celui de l’exclusion pour cause de conflit d’intérêts. À mon avis, le huis clos vise à permettre un débat franc et ouvert sur divers sujets hors la présence de ceux qui ont généré l’information ou les actions, tandis que le second cas permet d’exclure d’un débat une personne qui ne doit pas voter sur un sujet, car potentiellement en conflit avec l’organisation. Un confrère me faisait remarquer l’importance pour le PdC de s'assurer, lorsque cette procédure est mise en place pour la première fois, que les commentaires transmis au PDG seront «positifs», car trop souvent, la perception de la direction est que ces sessions ne servent qu'à critiquer. Un autre sur l’importance de mettre en place le processus quand ça va bien, pour éviter qu’on se rabatte sur ce qui va mal dès le départ.

Le fait de tenir une session in-camera à chaque CA, que l’on ait des félicitations ou récriminations à faire ou pas, permet de réduire l’importance qu’y accorde la direction (par opposition à la tenue d’une session uniquement lorsque la tension monte). La session doit demeurer un outil d’amélioration pour laquelle la direction démontre de l’intérêt, et non de la « nervosité ».

Il m’apparaît plus important d’avoir une procédure à suivre (même simple) relativement à la tenue d’un huis clos, que d’en avoir une qui serait commune d’un CA à un autre.

Finalement, le rôle actif du PdC dans la gestion de ce processus est essentiel pour en assurer un fonctionnement efficace et contributif de valeur pour l’organisation.

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#50 - Bulletin AMBAQ de Janvier 2011