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Président de Lacroix Groupe Conseil à Montréal, une firme qui offre des services de consultation stratégique en gouvernance, l’auteur était jusqu'à tout récemment, Vice-président investissements au Fonds de Solidarité FTQ et Vice-président du chapitre québécois de l’IAS. **** Les chroniques qui apparaissent dans ce blog sont rédigées puis publiées dans le bulletin mensuel de l'Association des MBA du Québec. À noter qu'elles ne reflètent que l'opinion de l’auteur **** Vous pouvez également obtenir plus d'infos sur certains des services en gouvernance que Lacroix Groupe Conseil est en mesure de vous offrir en allant voir le site web à : http://www.lacroixconseil.com

lundi 1 juin 2009

Sur la perfection


Le mieux est l’ennemi du bien

Chaque semaine qui passe nous amène son nouveau lot de scandales, certains fondés, d’autres résultants d’une interprétation pointue de faits à la lueur d’attentes démesurées, ou d’une incompréhension de la situation.

Il est facile de plaider pour la perfection. La réalité est qu’une organisation doit composer avec des ressources limitées et cette perfection n’est simplement pas atteignable. Bien sûr, tout est perfectible, mais nos Don Quichotte des médias ne veulent pas voir les contraintes. Ils chassent les buts manqués et omettent de considérer ce qui pèse dans la balance du quotidien. Il ne faut surtout pas laisser de bons arguments empêcher l’éclosion d’un scandale médiatique.


Pour bien la cuire, il faut retourner la crêpe

J’ai recensé quelques clameurs qui ont soulevé des passions récemment, pour voir si on pouvait y attacher un pendant manquant :

· On dit que les politiciens ne sont pas à la hauteur, mais on s’acharne constamment sur eux pour tout et pour rien, s’assurant que personne de sensé n’aura le goût d’en être ;
· On déplore que le CHUM est trop… ou pas assez … mais on en parle encore 14 ans après l’avoir annoncé, parce qu’on veut qu’il soit parfait ; le sera-t-il ? se fera-t-il ?
· On s’indigne qu’il y ait un taux d’erreur dans des tests de laboratoires, mais on oublie que l’erreur est humaine et présente dans tout processus et qu’on sauve des vies autrefois perdues;
· On dit que la ville est mal gérée, mais on refuse de faire des changements qui la rendrait gérable ;
· On demande de s’opposer au projet d’un promoteur, car dans ma cour et aussi que…, mais on se plaint de l’absence de richesse collective, du sort de nos chômeurs et de…
· On se plaint que les FIERS investissent ailleurs et avec ceux qui ont de l’argent, mais on oublie qu’on a conçu le programme pour convaincre des entrepreneurs d’investir leur $, au Québec, dans des projets risqués ;
· On crie au scandale fiscal des autres, mais on paye son peintre cash pour sauver 15%
· On lit le rapport d’un organisme exigeant d’accroître les ressources consacrées à un problème important, en émergence, mais on ne le relativise pas par rapport à toutes les autres urgences qui existent déjà
· On crie que tel pont n’est pas totalement sécuritaire, mais on ne veut surtout pas payer plus d’impôt qui permettrait son entretien

La liste pourrait s’allonger mais rien n’y changera car, pour chaque argument cité, quelqu’un trouvera à redire :

· qu’il y a du laxisme dans la gestion ;
· qu’un tel résultat imparfait est inexcusable ;
· que c’est inadmissible car ça implique de l’argent public ;
· que…, que...

On affirme que tout doit être blanc ou noir, et on oublie les zones grises dans lesquelles le dirigeant navigue constamment, obligé qu’il est de faire des compromis.

On sait tous qu’il vaut mieux prévenir, mais préconiser la réflexion sur un sujet en l’absence de crise n’est pas vendeur. Et comme en plus il est parfois justifié de crier au loup (l’impayable lieutenant-gouverneur), on s’en sert pour excuser les fois où ce ne l’est pas.

Nos Don Quichotte bien intentionnés, mais parfois dirigés de mains habiles et invisibles (même d’eux), visent souvent la mauvaise cible, qui demeure bien protégée derrière un dogme, un beau principe, une vertu ou… un agenda caché. Je ne demande pas d’excuser l’inexcusable, mais selon moi, on ne se demande pas assez souvent : À qui profite la diffusion de cette controverse ?


Ces demi-dieux présumés

Tout cela se transpose en attentes, en nouveaux standards selon lesquels vous serez jugés comme administrateurs, si jamais... On attend maintenant de vous d’être un genre de demi-dieu de la gouvernance, ainsi, au premier détour on vous demandera :

· Comment la situation a-t-elle pu survenir sous votre supervision ?
· Pourquoi ne saviez-vous pas tout et n’êtes-vous pas omnipotent ?
· Comment avez-vous pu ignorer les goûts somptueux et les dépenses répétées de ce dirigeant (en plus de l’avoir laissé faire ainsi pendant 4 ans, sans réagir) ?

De toute évidence, il n’y a pas de jeton de présence assez élevé pour justifier de vous retrouver dans de telles controverses. Mais comment éviter la dernière en lice ?

Au diable la dépense !

La première mesure à prendre est l’établissement d’une politique décrivant ce qui est admis (ou non) en terme de dépenses au nom de l’organisation, comment et par qui, et s’il y a lieu, les limites (en $).

La deuxième étape est la rédaction d’une grille d’autorité. Un document simple qui précise les autorisations requises pour chaque action que doit poser la direction ou les employés (signer un contrat, nommer un dirigeant, établir des salaires, payer une facture ou rapport de dépenses, etc…).

Ici, le bon vieux concept du « Tone at the top » est toujours aussi pertinent. Il y a quelques mois, je vous parlais dans ce forum des bonnes pratiques de gouvernances en disant à la # 10 de : Faire approuver tous les éléments de la rémunération du PDG et ses comptes de dépenses par le Président du conseil. Cette phrase anodine joue 2 rôles, elle exige du :

1. PDG de soumettre ses dépenses à un supérieur au fur et à mesure qu’il les encourre. Si on lui fait remarquer qu’il semble dépenser outrageusement et qu’il continue, il devrait savoir à quoi s’attendre…
2. Président du Conseil d’exercer son rôle de supervision. S’il accepte de rembourser un certain type de dépense sans poser de question pendant 4 ans, je vois mal comment il peut finir par dire : vous n’auriez pas dû…

Cette situation doit se répéter en cascade jusqu’au dernier échelon de gestion. Vous comprendrez que les situations controversées découlent généralement d’une dérogation de la part d’un des 2 protagonistes impliqués (pas toujours celui cloué au pilori).

Comme vous voyez, dans ce métier vous serez toujours condamnés à faire plus avec rien et mieux avec peu, alors mettez vous à l’ouvrage avant que quelqu’un ne se mette à vous poser des questions…


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#43 - Bulletin AMBAQ de Juin-Juillet 2009

2 commentaires:

nathalief a dit…

j'aime certaines des remarques... Nos collègues des médias ont aussi leur lot de paradoxes.
- Écrire en toute indépendance et objectivité quand plus personne n'achète de publicité pour financer l'impression de leur journaux....

j'ai surtout aimé celles sur ceux qui paie cash leur travaux de rénovation et crie au loup quand on parle de gouvernance. C'est tristement la réalité.
Pour le reste , notre société est loin d'être parfaite et en ces temps plus difficiles , chassez le naturel et il revient au galop surtout quand tous luttent pour leur survie.

Merci pour ces commentaires bulldozer mais rafraichissants !

camoreau a dit…

Bon billet encore une fois Hugues.

Toutefois, il y a quand même une limite sur la capacité du Président du conseil de pouvoir détecter les abus.

Juste un exemple déjà vu, un PDG qui offre un souper d'anniversaire à sa conjointe avec une dizaine d'invités dans un resto chic au frais de la compagnie avec la mention "Sortie avec clients potentiels". Il ne faut pas s'attendre à ce que le Président du conseil détecte ceci. Mais il est facile de multiplier ce genre de situation et l’addition de ces montants peut devenir significatif. Et le problème peut être encore plus corsé lorsque le PDG a une romance avec son contrôleur en cachette des membres du conseil.

Il est souvent plus facile pour les employés de détecter ce genre d'évènement. Malheureusement, ces employés ont rarement accès aux membres du conseil pour les informer d'un possible cas d'abus. Certaines entreprises ont une « hotline » pour accéder au Président du conseil. Mais ce n’est pas légion.

Salutations,